Une prestation à la hauteur du texte de Michel Tremblay

Fragment de mensonges inutiles sur les planches du TfT

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Publié 18/05/2010 par Guillaume Garcia

Lorsqu’on excelle dans sa discipline, on donne l’impression que tout est simple. Michel Tremblay excelle dans l’écriture et à travers le jeu des comédiens, on peut ressentir cette écriture, ces mots qui valsent sur la feuille de papier. Il faut comparer cela avec la musique: suivre correctement les notes indiquées sur une partition de Mozart va forcément donner une belle mélodie, mais y mettre l’interprétation est une autre paire de manches. Les comédiens présents sur la scène du TfT ont, d’un côté, eu la chance de travailler du Michel Tremblay, mais, de l’autre la responsabilité de ne pas le trahir. Mission réussie, leurs Fragments de mensonges inutiles se révèlent de très belle facture.

Michel Tremblay a écrit cette pièce après avoir appris les chiffres du taux de suicide chez les jeunes homosexuels au Québec.

À cheval sur deux époques, l’histoire met en scène deux jeunes hommes qui vivent une relation amoureuse, mais qui ne parviennent pas à le partager avec leurs parents respectifs. Le rideau se lève sur un décor tout en bois, représentant une première salle, qui pourrait être une cuisine où siège une table et des chaises. Sur les côtés de cette pièce, deux escaliers permettent d’accéder à un étage supérieur, formé d’une sorte de couloir ouvert vers le public.

Tous les personnages sont debout, un à un, ils se dirigent sur le côté de la scène, dans deux pièces cachées par des rideaux laissant entrevoir les comédiens. Personne ne sortira jamais de la scène durant toute la pièce, les comédiens prenant place à tour de rôle devant le public.

Jean-Marc (Michel Séguin) vit en 1958, son école est dirigée par des aumôniers et des curés. Le comportement de l’adolescent de 16 ans attire leur attention. Pas sportif, appréciant l’humour, il a pour meilleur ami Manu (Simon Traversy), avec qui ses relations sont plus qu’amicales. Il faut tirer cela au clair.

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L’aumônier (Christian Laurin) tente de lui arracher les mots de la bouche, mais le jeune homme est fier et prêt à affronter le destin. L’homme d’église, oubliant ses bons principes promet d’aller prévenir la mère de Jean-Marc si ce dernier refuse de lui avouer qu’il fait «des choses que si on ne dormait pas on ne ferait pas».

De son côté, Manu doit faire face à un psy (Olivier Lécuyer) qui lui pose des questions très gentiment en tentant de lui faire comprendre que la sexualité, quelle qu’elle soit ne pose pas de problème et que demander de l’aide est humain. Malgré les 50 ans qui séparent Manu de Jean-Marc, la douleur et la volonté de cacher le désir envers un autre homme restent immenses et bien présentes.

Le procédé de confronter chaque personnage (Manu et Jean-Marc) à des objecteurs de conscience, un aumônier et un psy, issus de différentes époques revient sous la même forme, avec leurs familles respectives.

Manu subit l’aide de son «père rose» alors que Jean-Marc ne peut parler de choses sérieuses avec le sien, qui a tendance à ne même pas savoir ce qui se passe dans sa propre maison.

Les parents se posent des questions et les mères en viennent très rapidement à découvrir le secret de leur fils. Michel Tremblay a choisi de volontairement inverser les rôles avec la mère des années 2008, qui croit être ouverte et qui, en fait, ne parvient pas à accepter l’homosexualité de son fils, et celle des années 1950, qui dévoile qu’«il y en a déjà un dans la famille et qu’il est malheureux comme les pierres».

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Si elle ne peut pas imaginer que son fils soit homosexuel, elle affirme tout de suite qu’elle le défendra bec et ongles quoi qu’il en soit.
Une mère reste une mère et Michel Tremblay montre bien que malgré les changements de mentalités, chaque personne réagit différemment et que les tabous demeurent encore aujourd’hui. En nous promenant de 1958 à 2008, les comédiens laissent paraître les difficultés qui s’érigent sur le chemin des deux adolescents.

Bien que vivant en 1958, Jean-Marc affirme son désir pour Manu et assume les conséquences. Manu, au contraire, cherche à tout prix une solution et se pose des questions sur son orientation sexuelle. Peut-elle changer? « Est-ce que cela va partir?» Il a beau en avoir entendu partout, il voit encore cela comme une maladie.
Fragments de mensonges inutiles est une pièce très dynamique, où les dialogues fusent et rebondissent pour créer une discussion impossible entre les deux familles éloignées d’un demi-siècle. Les comédiens servent parfaitement le propos de Michel Tremblay et nous touchent par leurs réflexions et leurs évolutions de comportement au cours de l’histoire.

Jean-Marc et Manu, deux époques, un couple, une même vérité, comment avoir droit à la différence quand on est un jeune ado homosexuel, comment l’accepter. Michel Tremblay, s’il n’apporte pas de solutions, a le mérite de mettre en scène ces pans de vies sous les yeux du public, qui repartira du théâtre moins bête qu’il n’y est entré.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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