Rita Letendre: «Un artiste doit apprendre à se connaître»

L'artiste torontois Rita Letendre.
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Publié 30/03/2010 par Guillaume Garcia

Quand elle était petite, les professeurs de son école près de Drummondville n’en pouvaient plus de retrouver les cahiers de Rita Letendre tous griffonnés de dessins. Elle n’imaginait certainement pas qu’un jour, elle pourrait en faire son métier. Rita a travaillé ses classiques aux Beaux-arts de Montréal avant de découvrir le mouvement automatiste. Son talent a fait le reste, Rita Letendre a récemment reçu un prix du Gouverneur général en arts visuels. Rencontre avec une peintre qui pose un regard attendri sur près d’un demi-siècle de carrière.

Certains musées raffoleraient de voir l’intérieur de l’appartement de Rita Letendre.

Des dizaines de tableaux d’elle-même sont accrochés aux murs, dont certains de taille très imposante.

Dans son atelier, des œuvres sont en cours de réalisation et la vieille dame les regarde de longues heures durant pour trouver la clé, trouver les réponses aux questions que la toile lui pose.

Sa carrière a commencé dans l’après-guerre avec plusieurs tableaux figuratifs, l’influence des Beaux-arts y étant pour beaucoup. Mais elle va découvrir ce qui sera une révélation pour elle, l’abstrait et l’automatisme.

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L’espace deviendra une énigme de tous les jours, comment combler cette espace, comment jouer avec pour décrire des sentiments. «Ce sont la couleur et les lignes qui comptent, pas le sujet», explique Rita Letendre. Elle a bien retenue la leçon qu’un professeur lui avait donnée: «Vous avez une toile c’est tout blanc, mais dès que vous y avez tracé une ligne vous en avez changé l’espace».

Malgré des influences diverses, dont Paul-Émile Borduas, Rita a toujours essayé de trouver sa propre voie, se trouver elle-même. «Je regarde mes toiles, et j’écoute leur questionnements, je dois en trouver les réponses, pour trouver qui je suis», révèle-t-elle. «Ça prend de la méditation pour finir un tableau, c’est beaucoup de temps.»

Rapidement, des collectionneurs se font connaître, dès les années 60. Les critiques sont bonnes, et elle obtient une bourse du Conseil des Arts pour partir vivre à Paris. En voyage en Italie, elle participe à un festival d’art et y rencontre son futur mari Kosso Eloul, qu’elle suivra en Israël. Aux milieu des années 60, elle est aux États-Unis où elle réalise des peintures murales gigantesques, dont celle de Long beach qui fait un peu moins de 20m par 20m.

Elle revient finalement au Canada, à Toronto, en 1970 et poursuit sa carrière avec succès. Plusieurs musées possèdent des œuvres de Rita Letendre, à Québec, à Montréal et également à Toronto où l’AGO est propriétaire de plusieurs tableaux.

Quand elle parle de peinture, Rita Letendre est intarissable et insatiable, elle pourrait en parler des heures et des jours durant. Rares sont les artistes qui savent expliquer leur travail et mettre leur réflexions à la portée de non-spécialistes.

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Rita parle de son art avec des métaphores et s’amuse à penser à voix haute devant un tableau, pour montrer ce qui lui passe par la tête lorsqu’elle le regarde. Exercice très amusant!

Au fil de la discussion, elle pointe du doigt un tableau qu’un collectionneur vient de lui acheter. Elle lui a demander de la garder encore un mois, elle a besoin de le regarder encore. Après, ce sera bon, elle pourra le céder. «Un tableau c’est comme un enfant, si on le laisse pas partir il ne grandit et ne vit jamais», dit-elle en souriant.

Ses traits dynamiques et colorés lui ont apporté le succès, l’argent, la renommée, mais en la voyant assise devant une de ses toiles on comprend que la seule chose qui lui importe c’est de terminer ce tableau qui la questionne.

Quand elle l’aura fini, elle en aura appris encore un peu plus sur elle. Comme lorsqu’elle regarde ses anciennes compositions. «Je me dis que je peignais pas si mal ! Mais je suis une personne différente maintenant. Je ne pense plus pareil qu’à 20 ans.»

Il est temps pour elle de se remettre au travail, ce tableau la tourmente, elle doit le regarder encore et encore pour en trouver les clés.

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Elle trépigne comme une enfant, à peine la porte presque refermée, elle marche déjà en direction de son atelier, prête à en découdre avec la toile.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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