Haïti: le choc du retour

Témoignage de Marie-Monique Jean-Gilles, la «Reine Soleil» qui rentre d'Haïti

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Publié 26/01/2010 par Annik Chalifour

Marie-Monique Jean-Gilles alias la Reine Soleil, artiste bien connue en Ontario et ailleurs, est rentrée d’Haïti mardi 19 janvier, une semaine après avoir survécu à l’horreur du séisme qui a secoué son pays d’origine.

La plupart des personnes traversant une période d’extrême désarroi intérieur lié à une expérience dramatique, ressentent le besoin d’extérioriser leurs émotions. Certaines choisissent, entre autres, la communication verbale, l’écriture, diverses formes d’expression artistique, la méditation, la prière, le silence, la fuite. Le choix dépend aussi du contexte et de la culture où l’on se trouve.

Marie-Monique choisit de parler. Sa conversation déferle intensément, comme les flots rapides d’une rivière sortie de son nid. Elle partage sans réserve ce qu’elle ressent: «Je me sens coupable d’être ici, d’avoir quitté mon pays, je devrais être là-bas auprès de mes gens qui ont tant besoin d’aide.»

La Reine Soleil fait partie de ceux qui ont miraculeusement survécu au désastre de mardi 12 janvier et bénéficié de l’aide de l’armée canadienne pour revenir au Canada sains et saufs.

Manque d’aide de l’Ontario

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140 passagers faisaient partie du vol de retour du 19 janvier en direction de Montréal. Après avoir passé une nuit dans la métropole québécoise, plusieurs des rescapés ont poursuivi leur voyage de retour à destination de différentes villes au pays, dont Marie-Monique à Toronto.

«Je remercie sincèrement les bénévoles de la Croix-Rouge canadienne qui nous ont accueilli à l’aéroport de Montréal et offert un soutien chaleureux inestimable dès notre arrivée», commente-t-elle. «Le gouvernement du Québec fait preuve d’une grande solidarité à l’égard des Haïtiens, ce qui manque incroyablement du côté de l’Ontario», selon Marie-Monique.

Bien sûr plusieurs initiatives importantes de levées de fonds se déroulent à Toronto pour venir en aide à la communauté haïtienne, «mais il y a pratiquement rien pour soutenir ceux qui viennent de rentrer», souligne-t-elle. «Le Centre francophone de Toronto a mis en place un service de counselling, mais les besoins débordent.»

Dans ces circonstances, le sentiment de culpabilité ressenti par Marie-Monique est normal. Néanmoins, toute personne ayant vécu un événement traumatisant tel que celui-ci devrait idéalement recevoir l’aide nécessaire pour faire face au déséquilibre émotionnel qui peut s’ensuivre.

Culture et psychothérapie

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«La culture haïtienne ne favorise pas une approche à caractère thérapeutique, telle que l’aide d’un intervenant psychosocial», précise Marie-Monique. «Les Haïtiennes et Haïtiens croient davantage au côté spirituel et naturel pour les aider à faire face aux épreuves», dit-elle.

Marie-Monique réfère au mode de vie hautement communautaire en Haïti, «où il fait partie de la pratique commune de prendre conseil auprès d’un membre spécifique de la famille en toute confidentialité, en temps de crise.»

«Ceci dit ajoute-t-elle, Haïti reste un pays d’extrêmes dans ses croyances sociales, où l’on peut aussi percevoir l’influence occidentale quant à certaines façons de vivre et penser».

Mardi 12 janvier, en train de vaquer à ses affaires à Port-au-Prince, Marie-Monique a tout vu s’écrouler, en même temps que plusieurs projets qu’elle a mis en route. En septembre dernier, suite à un incendie, elle avait déjà beaucoup perdu et dû rebâtir.

Contact avec sa fille

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72 heures après le désastre, Marie-Monique a pu enfin communiquer par téléphone avec sa fille Winy Bernard (responsable du bureau d’affaires de la Cité collégiale à Toronto), grâce à la générosité spontanée d’un bon samaritain sur la route.

«Combien de fois aurons-nous le courage et la force de tout recommencer?», demande-t-elle. Marie-Monique s’apprêtait, juste avant le séisme, à initier une nouvelle émission à la radio, axée sur le dialogue autour des valeurs sociales.

Elle venait d’effectuer avec son école d’animation située à Pétionville une tournée scolaire, et planifiait de visiter d’autres écoles situées dans des quartiers plus défavorisés.

Engagée dans sa communauté

Depuis quelques années, Marie-Monique qui revient régulièrement à Toronto pour voir ses trois enfants maintenant adultes, passe davantage de temps en Haïti qu’ici.

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Elle oeuvre auprès de Borel, sa communauté d’origine à trois heures de route au nord de Port-au-Prince, où elle a mis sur pied, en 2007, une école de formation pour les jeunes filles à risque: La Reine Soleil jardinière +.

Activement impliquée dans sa communauté, Marie-Monique a organisé nombre de projets sociaux dont des camps pour enfants démunis, cliniques dentaires et pour les yeux ainsi que divers festivals culturels pour n’en citer que quelques-uns.

Retour de la lumière

Elle contribue également à l’organisation de l’orphelinat Kay Tout Timoun pour enfants de 0 à 5 ans dont la maison-mère est à Port-au-Prince, avec une succursale à Borel.

«Les enfants dorment actuellement en plein air, avec un manque flagrant d’accès à la nourriture et à l’eau potable» de mentionner Marie-Monique. «L’orphelinat travaille sur des dossiers d’adoption avec la France et souhaite élargir son mandat avec le Canada», dit-elle.

En terminant l’entrevue, la Reine Soleil fait référence à la sagesse de sa mère qui disait dans les moments de grande détresse «qu’il faut croire en l’infaillibilité quotidienne du retour de la lumière du jour, et maintenir la vigueur des oiseaux qui chantent le retour du soleil».

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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