Le modèle financier des télés généralistes ne fonctionne plus

Selon le pdg de CBC/Radio-Canada

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 27/10/2009 par Annik Chalifour

«Nos défis financiers demeurent grands parce que nous nous heurtons à un modèle de financement de notre télévision qui ne fonctionne pas, en plus de vivre une profonde transformation de l’histoire de notre industrie», a déclaré Hubert T. Lacroix, président-directeur général de CBC/Radio-Canada, devant l’auditoire du Club canadien de Toronto, mercredi 21 octobre.

Depuis l’annonce en mars dernier que CBC/Radio-Canada devait supprimer 800 emplois pour combler un déficit de 171 millions $, les temps ont certes été difficiles mais les choses vont mieux. On devrait réussir à redresser notre budget d’ici mars 2010, selon le pdg de la radiotélévision publique.

M. Lacroix réfère à l’éventail des émissions pour l’automne 2009 comme «un petit miracle», compte-tenu de l’absorption, en plus du déficit, d’une somme de 50 millions $, pour couvrir les indemnités de départ, et de mesures drastiques pour contrebalancer une baisse de 60 millions $ des recettes publicitaires.

Le budget annuel de Radio-Canada est de 1,7 milliards $, alors qu’elle reçoit une subvention fédérale de 1,1 milliards $. Reste donc à trouver une somme annuelle de 600 000 $, provenant généralement de la publicité.

«Au défi de la gestion exigeante du déficit, s’ajoute notre obligation de répondre aux attentes de la population canadienne. Les Canadiens désirent à la fois conserver les anciens services et avoir accès à de nouveaux: la diffusion sur Internet et par satellite, la radiodiffusion numérique, la diffusion en continu de contenu audio et vidéo pour appareils mobiles, pour n’en citer que quelques-uns», précise M. Lacroix.

Publicité

Ce qu’il faut comprendre, c’est que malgré les efforts des derniers mois, «nos défis financiers demeurent une préoccupation constante, causée par la désuétude du modèle financier actuel des télévisions généralistes», insiste-t-il.

Le nœud du problème

À compter du 16 novembre, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) tiendra des audiences publiques pour étudier la possibilité d’autoriser les télédiffuseurs généralistes, comme CBC/Radio-Canada, à négocier avec les câblodistributeurs et les distributeurs de télévision par satellite, une redevance pour la valeur de leurs signaux de télévision.

De quoi s’agit-il au juste? D’une situation qui nous touche tous, selon M. Lacroix, «puisque la plupart d’entre nous payons aux câblodiffuseurs et sociétés de diffusion des signaux par satellite des frais d’abonnement, qui nous donnent accès à un bouquet de chaînes comprenant à la fois des stations locales et généralistes comme Radio-Canada, TVA, Global et CTV, et des chaînes spécialisées comme RDS, History Channel ou Movie Network.»

«À travers nos paiements, nous croyons avoir défrayé les frais pour toutes ces chaînes et financé le contenu. Mais ce n’est pas tout à fait le cas, et c’est là le nœud du problème», annonce Hubert Lacroix.

Un arrangement inéquitable?

«Les câblodistributeurs et distributeurs de signaux paient des droits pour chaque signal qu’ils vous acheminent, c’est-à-dire pour toutes les chaînes spécialisées, américaines comme canadiennes, mais ne paient absolument rien pour les signaux fournis par les stations locales», explique M. Lacroix.

Publicité

«Ces signaux, comme celui de Radio-Canada, les entreprises de distribution les interceptent gratuitement et vous les factures à fort prix!», ajoute-t-il. «Les câblodistributeurs et sociétés de distribution font donc des profits substantiels, grâce en grande partie, à un arrangement inéquitable.»

Par ailleurs, selon une étude publiée en 2009 par le Groupe Nordicité, le Canada arrive au 15e rang sur 18 pays importants quant au montant fourni aux autres radiodiffuseurs publics à travers le monde.

Cette étude établit que le financement annuel moyen des radio-diffuseurs publics nationaux est de 76$ par personne, alors qu’au Canada il en coûte uniquement 34$ par individu.

Faire entendre son opinion

«Rogers Cable diffuse les émissions de Radio-Canada depuis 40 ans. Nous avons l’obligation, selon la loi, de diffuser les programmes de Radio-Canada à toute personne qui possède une antenne, sans payer de redevance à Radio-Canada», déclare à L’Express Jan Innes, vice-présidente, affaires publiques de Rogers Cable.

«La nouvelle taxe sur la télévision proposée obligerait les entreprises de distribution par satellite et par câble à payer pour distribuer des canaux qui ont toujours été gratuits pour les téléspectateurs par la voie des ondes.»

Publicité

«Notre pratique offre de nombreux bénéfices à Radio-Canada, dont entre autres la diffusion élargie de ses émissions auprès de 90% de la population canadienne», ajoute-t-elle.

Mme Innes réfère à la campagne publicitaire www.nonalataxetv.ca récemment lancée par les distributeurs par câble et par satellite (essentiellement Rogers et Bell chez nous) pour s’opposer à ce qu’ils appellent une «taxe sur la télévision».  

Cette campagne avise que les grands réseaux de télévision évoquent le financement de la télévision locale pour obtenir l’imposition d’une nouvelle taxe, un tarif de distribution, aux abonnés du câble et du satellite.

Du côté de Radio-Canada, on affirme que cette campagne renseigne mal les consommateurs. «Il semble que ces entreprises tentent de déguiser leurs propres intérêts en enjeu d’intérêt public. Les télés généralistes demandent simplement le droit de négocier un juste prix pour leurs signaux qui, pour l’instant, sont repris tout à fait gratuitement par les distributeurs par câble et par satellite.

L’ironie dans cette situation est que les distributeurs par câble et par satellite sont prêts à payer plus de 300 millions $ par an aux chaînes américaines, alors qu’ils ne paient absolument rien aux généralistes canadiennes», selon www.cbc.radio-canada.ca/justeprix

Publicité

Radio-Canada demande l’appui de tous ceux qui croient comme elle, que nous avons besoin d’un système de radiodiffusion plus équilibré, sans que cela fasse augmenter la facture de câblodistribution pour les consommateurs. Le public a jusqu’au 2 novembre 2009 pour se faire entendre auprès du CRTC, via le site Internet ci-haut mentionné.

Réglementation des tarifs

L’an dernier, les câblodistributeurs et sociétés de distribution ont déclaré des bénéfices d’exploitation d’environ 2 milliards $, alors que ceux des télédiffuseurs généralistes atteignaient 8 millions $… et tout cela avant la crise financière, de mentionner Hubert Lacroix.

Il semble qu’il n’y ait pas suffisamment de concurrence dans le secteur de la distribution des signaux de télévision, selon le grand chef de Radio-Canada.

«Peut-être est-il temps de commencer à penser à réglementer les tarifs de câblodistribution et de satellite, qui ont crû quatre fois plus rapidement que le niveau d’inflation depuis cinq ans!», suggère Hubert Lacroix.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur