Les nouveaux défis des services en santé aux immigrants en région (3)

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Publié 16/12/2008 par Annik Chalifour

Au cours des deux dernières semaines, nous avons traité de certains enjeux liés à l’emploi et l’éducation dans le cadre de la régionalisation de l’immigration. Voici le 3e volet de ce reportage, portant sur l’impact de l’immigration en région dans le secteur de la santé et des services sociaux. (Dernière partie la semaine prochaine: les initiatives des immigrants dans les petites communautés)

Le récent Séminaire canadien de recherche sur l’immigration en dehors des grands centres tenu à l’Université de Sherbrooke a souligné les manques toujours importants en financement, personnel, formation généralisée, en structures et infrastructures dans l’aide à la santé et les services sociaux aux immigrants en région. Et ce, malgré certaines avancées, les partenariats pertinents et la compétence des organismes engagés sur le terrain.

S’ajoute également le phénomène d’une nouvelle clientèle migratoire: les étudiants internationaux de plus en plus présents dans les universités en dehors des métropoles. Cette situation permet de réfléchir sur les trajectoires entre milieux d’études et emploi. La spécificité du parcours migratoire des clientèles a un impact sur l’aide à la santé. De plus, les étudiants internationaux représentent un nouveau capital de ressources humaines que les régions veulent attirer et retenir.

D’autre part, la croissance de l’établissement des réfugiés en région présente de nouveaux enjeux d’interaction entre les populations locales et ceux-ci. Ceci amène un questionnement sur l’accueil humanitaire et l’intervention dans les milieux éloignés des grands centres.

L’interculturel en matière de santé

Lors du Séminaire à l’Université de Sherbrooke, Margot Tremblay du Réseau communautaire en santé et services sociaux pour les personnes d’expression anglaise et représentante du Réseau de services communautaires Jeffery Haleet mentionne «Nous travaillons davantage dans le secteur de la santé publique que des soins de santé primaire. Les réfugiés forment un groupe vulnérable important. Ils constituent notre clientèle première.»
En matière de santé et services sociaux, le premier niveau d’aide aux réfugiés et autres immigrants porte sur les soins dédiés à la famille. Au Québec, l’intervention des organismes communautaires est complémentaire et essentielle au soutien de l’infrastructure officielle représentée par les Centres locaux de services communautaires (CLSC). Le partenariat établi entre les CLSC et les organismes communautaires devient donc un atout indéniable dans la livraison des services en santé et services sociaux auprès des personnes immigrantes en région.

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Mme Tremblay réfère également au besoin d’avoir accès, en dehors des grands centres, à une banque d’interprètes. «Il faut tenir compte de la diversité culturelle au palier régional, offrir un accompagnement culturel et linguistique approprié. Faire avancer les relations interculturelles en matière de santé par de la concertation entre comités interdisciplinaires», dit-elle.

Les accommodements raisonnables et les politiques d’immigration devront de plus en plus tenir compte de la question interculturelle liée aux services en santé aux immigrants en région. Acquérir la connaissance des cultures des différents groupes de gens sur la base d’un accueil planifié, adopter une approche spécifique à la situation de santé des réfugiés, offrir aux intervenants en région une formation pertinente relative au contexte interculturel de la livraison de services en santé auprès d’une clientèle devenant de plus en plus pluriethnique.

Les désastres naturels récurrents, les épidémies cycliques, les conflits internes, les guerres internationales, sans oublier le terrorisme, suscitent et continueront de susciter de grands mouvements de diverses populations.

Une démarche de concertation en matière d’éthique médicale interculturelle pourrait éventuellement s’avérer intéressante. Avec la participation d’organismes tels que par exemple Médecins sans Frontières, Médecins du Monde, la Croix-Rouge, qui ont développé une expertise reconnue en matière de santé et services sociaux dans plusieurs pays d’où proviennent un nombre important de réfugiés et d’immigrants au Canada.

L’accueil des réfugiés

Natacha Normand, du Comité régional d’éducation pour le développement international de Lanaudière (CRÉDIL, Joliette) et Table de concertation des organismes au service des réfugiés et des immigrants (TCRI), indique «la solution possible d’instaurer une coopérative d’interprètes.» Il est à noter que le Service d’Aide aux Néo-Canadiens (SANC) à Sherbrooke dispose d’une banque d’interprètes pour les allophones.

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D’autre part, Mme Normand fait référence «aux problèmes continus des nouveaux arrivants liés à la carence de couverture médicale d’assurance maladie de trois mois, la méconnaissance des services en santé par les personnes parrainées, la difficulté de trouver rapidement un médecin de famille.»

Elle ajoute que le prochain groupe important de réfugiés qui arrivera en région proviendra de la Birmanie. «Il faut mettre en place une équipe d’accueil bien préparée. Le décalage culturel risque d’être aigü», dit-elle.

Quelques conclusions: les réfugiés représentent nos nouveaux défis au niveau de l’aide en santé en région. Les intervenants doivent être mis au courant de l’actualité de l’immigration et de sa composition, connaître la spécificité du parcours migratoire des personnes immigrantes. On doit diffuser localement sur les cultures des arrivants. L’intégration des réfugiés dans les petits milieux se veut une responsabilité partagée.

Plus d’une cinquantaine de familles originaires d’Afrique sont arrivées en Estrie entre 2004 et 2007. Plusieurs d’entre elles y ont rencontré l’obstacle de ne pouvoir trouver de logements adéquats pour leurs familles nombreuses (ex. deux parents, sept enfants). Une illustration flagrante du manque de connaissance de la communauté d’accueil vis-à-vis de la réalité culturelle de certains groupes d’immigrants.

Ceci a mené à la mise sur pied d’une coopérative d’habitation pour grandes familles à Sherbrooke, à partir de l’initiative d’un immigrant africain en collaboration avec la communauté. «Une initiative pour contrer les défis imprévus de l’immigration, contribuer au bien-être et à la santé des familles nouvelles arrivantes en région», dit M. Thoto Tshipama, présentateur de l’historique et de la réalisation du projet.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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