J’ai une nouvelle à vous annoncer. Je renonce au métier de critique. J’en ai marre d’avoir des opinions. Ou, plus exactement, j’en ai marre d’être obligé d’avoir des opinions et de les formuler à intervalles réguliers. Même quand on est loin des épicentres (ce qui est le cas des francophones de Toronto), ça devient pesant, ce boulot d’opinioniste hebdomadaire. Le printemps est là, alors j’en profite pour changer de peau.
Rien d’intempestif dans cette décision. J’ai écrit mon premier papier pour L’Express quand mon fils Antoine avait deux ans. Il vient d’en avoir 17, et il écoute certaines des mêmes musiques que son père (Brel, Vian, Dylan, Tom Waits, Miles Davis). Précisément les musiques dont je dois trop souvent me priver pour me pencher sur telle ou telle nouveauté au sujet de laquelle je me croyais tenu de formuler un avis que certains disent compétent.
J’en suis de moins en moins sûr, de ladite compétence. Et à mon avis, mon avis ne vaut pas plus que le vôtre ou celui du voisin. Ce dont je suis sûr, c’est que le plaisir du partage doit être au cœur de ce que j’écris; sinon, pourquoi faire?
Je ne vais pas renoncer à cet espace, simplement le réaménager. Parler de mes rapports à la musique de façon à reconnaître que, dans les meilleurs des cas, elle constitue la bande-son du quotidien, faisant le raccord entre le cœur et la tête, nous donnant un petit surplus d’âme lorsqu’on en a le plus besoin. Et surtout, renouvelant par association notre réserve de futurs souvenirs.
Un exemple? L’autre jour, c’était le 1er avril. En marchant sur la rue Queen, vers 11h30, j’ai été témoin du moment précis où nous avons basculé irréversiblement vers le printemps. Alors que je me fondais à la foule des passants qui partageaient avec moi cet instant miraculeux, j’écoutais les mots rythmés – sinon toujours rimés – de Kwal, dont je venais de recevoir Là où j’habite (Naïve/Distribution Fusion III). Désormais, pour moi, Kwal, c’est le soleil.