«L’Ontario accuse du retard en matière de surveillance»

Entrevue avec André Marin, ombudsman de l'Ontario

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

Des organismes prestataires de services publics, soumis à des principes de surveillance stricts, redevables envers les citoyens, sont la meilleure des politiques. C’est la position, ferme et résolue, derrière laquelle se range André Marin.

«Dans une démocratie, la personne traitée injustement par les pouvoirs publics doit pouvoir demander recours», fait valoir M. Marin, premier Franco-Ontarien à occuper le poste d’ombudsman de l’Ontario depuis le 1er avril dernier. Seulement, dans le domaine de la surveillance, l’Ontario accuse plusieurs trains de retard, dénonce André Marin. «Nous sommes par exemple la seule province au Canada qui ne surveille pas le système de protection des enfants», justifie-t-il.

Une tâche difficile que celle de l’ombudsman de l’Ontario. Affichant clairement sa distance à l’égard du gouvernement et des partis politiques, son rôle s’inscrit au sein d’une législation indépendante de toute influence. Agissant à titre de «chien de garde» de la province, il est l’ultime recours des citoyens quand ces derniers se sentent lésés par l’administration publique. Le bureau de l’ombudsman surveille à lui seul plus de 500 organismes provinciaux et enregistre 23 000 plaintes par année.

Entré dans ses nouvelles fonctions depuis moins d’un an, M. Marin a du mal à comprendre pourquoi son bureau a l’autorité de surveiller certains secteurs d’activités, mais pas d’autres, pourtant eux aussi prestataires de services à la population.

«La plupart des autres provinces du Canada étendent la surveillance de l’ombudsman aux conseils scolaires, aux municipalités, aux hôpitaux, et aux établissements de soins de santé de longue durée, remarque-t-il. Pourquoi ne pas protéger nos citoyens les plus vulnérables contre l’échec des organismes qui utilisent les deniers publics quand ces institutions prennent une décision fondamentale pour leur vie?», s’interroge André Marin.

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À ce propos, l’ombudsman de l’Ontario lance un plaidoyer pour étendre son droit de surveillance à ces mêmes institutions financées par le gouvernement provincial, mais qui ne tombent pas pour autant sous le parapluie des organismes gouvernementaux. Ce faisant, Marin soutient que cette surveillance accrue pourrait améliorer la transparence et le fonctionnement des organismes tout en ayant des retombées directes sur la bonne performance du gouvernement. «Le gouvernement de l’Ontario doit se faire le champion de la surveillance», dit-il encore.

Oui, mais de nombreuses zones d’ombre existent à ce jour. L’affaire Jeffrey Baldwin, un petit enfant de six ans mort de faim dans une chambre glaciale à Toronto, a fait éclater au grand jour les imperfections du système. La tragédie a eu lieu en 2002. L’enfant avait été placé chez ses grands-parents par la Société d’aide à l’enfance. Pendant plusieurs années, il a été victime de négligences. A sa mort, il pesait 21 livres, à peine le poids d’un bébé d’un an. Cette catastrophe aurait-elle pu être évitée?

Pour l’ombudsman de l’Ontario, il ne fait pas de doute que oui, si le petit Jeffrey avait reçu tout l’encadrement et la surveillance nécessaires. «La terrible négligence de confier sa vie précieuse à des bourreaux d’enfants est le résultat des démarches conjuguées de la société d’aide à l’enfance qui ne jugea pas nécessaire de vérifier les antécédents des personnes acceptant de prendre en charge le petit enfant», lance M. Marin.

Lui milite depuis quelque temps pour que la Société d’aide à l’enfance soit placée sous la surveillance du Bureau de l’ombudsman, afin que de tels abus ne se reproduisent plus. Cette requête lui a été refusée la semaine dernière par le ministère concerné, parce que si l’ombudsman de l’Ontario a le pouvoir d’émettre des recommandations, le gouvernement n’est pas pour autant tenu de les respecter. «J’espérais pouvoir aller de l’avant, mais malheureusement, on est allé nulle part dans ce dossier», laisse échapper André Marin dans un soupir.

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