Comment les croyants célèbrent leur foi aujourd’hui

«O Lord! Nous bénissons ton Nom!»

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

À l’approche de Noël, dans la Ville-Reine et aux alentours, les églises de dénomination chrétienne se préparent pour le grand soir, le 24 décembre, en multipliant veillées, temps de prières et pastorales.

Il a toujours été grand le mystère de la foi et, à cet égard, chaque église a sa propre façon de célébrer et de rendre gloire au Tout-puissant. Si, dans les petites municipalités de la province, les fidèles n’ont d’autre choix que de se rendre à l’unique paroisse du village, à Toronto, ce sont des milliers de croyants qui convergent vers autant d’églises qu’il existe de congrégations.

Baptiste, pentecôtiste, évangélique luthérienne, protestante unie, romane catholique: la liste des différentes dénominations est longue et, dans ce regroupement de religions, il y en a pour tous les goûts.

À cette époque de l’année, alors que bon nombre de pays s’apprêtent à célébrer la venue de Jésus sur terre, la question de la foi dans une société séculaire acquiert une valeur toute particulière, notamment lorsque la religion est chaque jour en perte de vitesse un peu partout dans le monde.

Pour certains, célébrer sa foi signifie s’arrêter un instant, se recueillir pieusement devant l’autel, pour d’autres, la religion devient synonyme de chant, de danse et de ferveur mystique, le tout sur fond de musique entraînante et dynamique.

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Dimanche matin, 10h, à quelques 40 minutes de voiture du centre-ville de Toronto, sur un coin de terre enneigé à l’intersection de l’avenue Steeles et de l’autoroute 400, apparaît au loin la silhouette carrée de l’église All Nations Full Gospel Church.

«Êtes-vous tous excités d’être dans la maison de Dieu?» Lancée en guise de prélude à la célébration de la messe, la question du pasteur Samuel Donkor – on l’appelle également ici docteur – prend les allures d’une note énergisante qui vient sortir l’assemblée de sa torpeur.

À All nations, la congrégation qui vient remplir les bancs de l’église est composée de quelques 1 000 fidèles, parmi lesquels on retrouve une large proportions d’Africains originaires du Niger, du Sierra Leone ou encore du Ghana et du Burundi.

Ici, on parle de liberté, de joie intense et d’excitation à l’idée de prier. La parole de Dieu se vit non seulement à travers l’esprit, mais aussi et surtout, à travers le corps grâce à un sermon qui se fait gospel.

La longueur de cette célébration – 2h – pourrait en rebuter plus d’un, seulement, à All nations, la messe se transforme en un défilé ininterrompu de morceaux reggae, blues, gospel, tous dédiés à la gloire de Dieu.

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Le pasteur Samuel Donkor a de la messe du dimanche une vision moderne et libérale. «Nous chantons et nous conduisons la messe de façon à ce qu’elle soit ponctuée de musiques qui s’apparentent au Gospel. Les célébrations sont ainsi rendues plus vivantes. La musique permet aux croyants de s’exprimer et de se connecter à Dieu d’une façon extrêmement puissante. L’expérience est profonde et tout cela confère à la messe un aspect très excitant», fait valoir le pasteur.

Au service de ces musiques destinées à louanger le Seigneur se trouve un chœur. Ce dernier se compose de femmes et d’hommes vêtus de longues chasubles bleues décorées de bandes jaunes. Leurs voix profondes, ensorcelantes, résonnent à travers les murs de l’église.

Des fidèles en transe

«Nous avons tous, à un moment ou à un autre, été dans une église où se trouve un pasteur qui célèbre la messe derrière l’autel, avec, dans l’assemblée, des personnes assises sur des chaises. Chez nous, chacun a un rôle actif à jouer, tout aussi bien le chœur que les membres de la congrégation», justifie le pasteur Samuel Donkor.

Alleluia! Alleluia! I will praise the Lord, I will praise the Lord, Alleluia! I am a friend of God… Dans l’assemblée, les fidèles reprennent à qui mieux les paroles s’étalant sur des transparents répartis des deux côtés de l’autel. Dans un moment d’euphorie, environ 200 personnes quittent leurs chaises, pour venir défiler à la queue leu leu – toujours chantant et dansant – devant l’autel. Les portiers restent assis sur leur chaise, mais se dandinent au rythme de la musique.

Les chants s’arrêteront par la suite pour laisser la place à une femme en transe. Habitée, semble-t-il, par la présence de l’Esprit Saint, elle débite un flot ininterrompu de paroles dans un dialecte africain. En réaction à son discours, on entend des sanglots qui s’élèvent dans les derniers rangs de l’église.

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Ceux qui ont raté cette messe haute en couleurs n’ont pas à s’inquiéter. Recours à la technologie oblige, la messe sera retransmise le 24 décembre prochain sur la chaîne religieuse Vision TV.

Une plus grande liberté

Clément Wakengo, un francophone enseignant à l’école Étienne-Brûlé, apprécie tout particulièrement cette grande liberté dans la manière de célébrer la messe.

Lui-même a été pasteur dans une église pentecôtiste située à Noelville, près de Sudbury. Un nouveau travail l’a fait venir à Toronto. Aujourd’hui, avec l’église All Nations Full Gospel Church, Clément Wakengo, a trouvé une nouvelle maison.

«Je viens d’une église traditionnelle et comme bon nombre de gens, j’ai été baptisé. Mais en fait, quand on lit la Bible, on comprend que les gens étaient libres de glorifier Dieu. Dans cette église, nous éprouvons cette facilité à nous exprimer et cette expression qui nous rapproche de Dieu», explique-t-il à propos de son choix de fréquenter l’église All Nations.

«Ici, il y a une joie intense qui s’empare de vous. Parfois, vous perdez même le contrôle, votre expression de visage change. Des personnes vous diraient que les larmes leur viennent aux yeux, d’autres personnes affirment qu’elles sont transformées. On peut chanter, danser, élever sa voix pour glorifier Dieu tant qu’on le désire», s’exclame-il.

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Églises jeunes, églises traditionnelles

Dans cette quête de spiritualité et de communion avec Dieu, le professeur de théologie à l’Université de Toronto David Reed trace une ligne distincte entre anciens et nouveaux mouvements religieux. L’église All Nations Full Gospel Church, qui a ouvert ses portes en 1986, fait partie de ce que l’on nomme communément les églises jeunes ou les nouvelles congrégations.

«Ces églises ont commencé à apparaître sur le territoire nord-américain il y a environ 150 ans. Elles ont cherché à se distinguer des formes d’évangélisme traditionnelles. Leu mission était également d’attirer le nombre grandissant de non-croyants», analyse le professeur.

«Leur interprétation de la Bible est rigoureuse. Cependant, leur façon de célébrer la messe est très libérale. La musique est l’un des moyens par lesquels ces congrégations tentent d’innover et, au passage, d’attirer vers elle une forte proportion de jeunes. Ces églises ont également recours à des formes de communication contemporaines telles que la radio, la télévision, l’utilisation de présentations Power Point. Tout cela apparaît très moderne aux yeux de la jeune génération qui se retrouve davantage dans ces lieux de culte», note-t-il.

Une technologie au service de la foi

Même s’il fait partie de l’église catholique traditionnelle, dans sa petite communauté de Barrie et d’Aurora, le père Justin Desroches se donne un point d’honneur à mettre les nouvelles technologies au service de la foi.

«Je me suis fixé comme objectif de grandir à ce niveau-là, soutient le père Desroches en entrevue. La technologie, les ordinateurs sont de beaux outils dont on peut se servir et à l’intérieur desquels on peut donner une nouvelle naissance à la Parole de dieu. Mon rôle est après tout d’aider les gens à vivre leur foi aujourd’hui», justifie-t-il.

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C’est ainsi que le père Justin Desroches a introduit dans ses sessions d’approche pastorale et liturgique la projection de présentations Power Point qui aident les fidèles à suivre les paroles des chants venus entrecouper les prières durant le service.

«Nous avons aussi une petite chorale avec des musiciens. Il y a aussi les Power Point qui apportent un peu d’animation, mais attention, ce n’est pas de l’entertainement se défend le père. Il s’agit de donner une autre vision de la foi afin d’exprimer le nouveau visage de Dieu.»

Et justement, comment font les autres prêtres des paroisses francophones de la province pour attirer des fidèles à la messe du dimanche et ainsi lutter contre la sécularisation grandissante de la société canadienne?

Chacun confesse avoir ses petits tuyaux. Pour le père Viateur Laurin qui réunit chaque dimanche 800 personnes dans sa paroisse de l’Assomption Notre-Dame à Oshawa, l’église francophone peut être vue comme un excellent facteur d’intégration.

«Dans notre milieu minoritaire, on n’a pas d’occasion pour se voir, se rencontrer et il n’y a pas tellement d’activités. Aux francophones que je rencontre, je dis toujours: ‘‘l’église de langue française, ça serait un endroit de plus où vous pourriez rencontrer et revoir des gens que vous avez vu ailleurs dans une autre circonstance. Ça vous aiderait à bâtir un réseau.’’ C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour encourager les gens», lance le père mi-blagueur, mi-sérieux.

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