Pourquoi diable voulez-vous créer une université francophone en terre anglophone?
L'UOF pourrait profiter autant aux anglos qu'aux francos
Ce ne sont pas tous les décideurs qui voient comment le projet d'Université de l'Ontario français pourrait aussi être bénéfique à la majorité anglophone, voire à tout le Canada. Et pourtant, c’est le cas.
Tout le monde reconnaît que la population francophone de l’Ontario a le droit d’avoir sa propre université.
La Constitution canadienne le confirme, et c’est l’héritage politique de nos ancêtres.
Pas juste profitable aux francos
Ce positionnement stratégique portera sûrement ses fruits. Mais voilà, si nous adoptons uniquement ce positionnement, il est logique que les décideurs ne voient pas comment ce projet de plusieurs dizaines de millions de dollars pourrait aussi être bénéfique à la majorité anglophone, voire à tout le Canada.
Et pourtant, c’est le cas.
En analysant les opportunités et les forces que pourrait apporter une université francophone à Toronto, nous découvrons qu’elle pourrait jouer un rôle crucial dans l’écosystème local, national et même international.
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Nous pourrions rassurer les sceptiques qui se demandent:
– À qui profitera cette université francophone?
– Apportera-t-elle un avantage concurrentiel pour tout le Canada ou seulement pour les francophones?
– N’est-elle que le cri d’une population minoritaire en perte de vitesse?
Diversifier nos relations
Il nous faut sortir du schéma traditionnel canadien – francophones contre anglophones – et adopter une compréhension globale du nouvel ordre mondial.
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Le Canada a du mal à diversifier ses relations commerciales avec le reste du monde: 85% de notre commerce extérieur est destiné aux États-Unis, et les élections américaines ont plus d’impact sur nous que nos propres élections fédérales.
Or, les francophones (s’ils s’organisaient) pourraient donner au Canada un accès direct à l’Afrique, au Proche/Moyen-Orient et à l’Europe.
Le Brexit ferme une porte
En effet, pour les Américains, et surtout depuis le Brexit, Londres n’est plus la porte d’entrée vers l’Europe.
En construisant des ponts avec la France comme porte d’entrée vers l’Europe, les Franco-Ontariens ont une opportunité sans précédent de tirer avantage de ce positionner stratégique et faire du Canada une plaque tournante entre l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique.
L’Europe est encore aujourd’hui la plus grande zone économique du monde (pas la Chine ni les États-Unis).
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Transferts d’actifs
À la suite du référendum sur le Brexit, de nombreuses entreprises ont transféré leurs actifs, leurs bureaux ou leurs activités hors de Grande-Bretagne vers l’Europe continentale. Au début d’avril 2019, les banques avaient transféré plus de 1 milliard $ hors de Grande-Bretagne. Les sociétés de gestion d’actifs elles ont transféré 130 milliards $ hors de Grande-Bretagne.
Un rapport publié en mars 2019 par l’institut de recherche indépendant New Financial a identifié 269 sociétés du secteur des services bancaires ou financiers qui avaient délocalisé une partie de leurs activités ou de leur personnel après le Brexit. 239 de ces mouvements ont été confirmés comme étant liés au Brexit.
Le plus grand nombre de déménagements ont eu lieu à Dublin (30%), suivis du Luxembourg (18%), de Francfort (12%), de Paris (12%) et d’Amsterdam (10%). HSBC en est un bon exemple: suite au Brexit, cette banque a annoncé le déménagement de 1000 à 2500 employés de Londres vers Paris.
Pour les Américains et les Canadiens anglophones, l’Europe est devenue un véritable casse-tête vu que leur principal allié économique (le Royaume-Uni) ne peut plus leur faciliter l’accès à ce marché.
Le siècle de l’Afrique?
L’Afrique à elle seule contribuera à hauteur de 54% à l’augmentation de la population mondiale de 2,37 milliards d’habitants d’ici 2050. Selon certaines projections, le Nigéria ajoutera plus de personnes à la population mondiale d’ici 2050 que tout autre pays (incluant la Chine et l’Inde).
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Au-delà de la promesse démographique, c’est grâce à l’Afrique que le français deviendra une des langues les plus parlées dans le monde.
Aujourd’hui, parmi les 100 villes qui témoignent d’une croissance extraordinaire, 86 sont en Afrique. Les Chinois l’ont bien compris. Ils financent aujourd’hui des musées destinés à la colonisation pour rappeler aux Africains les méfaits de cette occupation illégale… et ainsi s’attirer les contrats habituellement réservés aux Français ou aux Anglais.
Ajuster les programmes
Nous comprenons mieux comment une université francophone dans la troisième plus grande région métropolitaine de l’Amérique du Nord anglophone représente une opportunité sans précédent pour les francophones… mais aussi pour les anglophones!
Cette université devra ajuster ses programmes pour attirer les entrepreneurs américains intéressés à l’Europe et à l’Afrique, mais aussi attirer les talents africains et européens qui s’intéressent à l’Amérique du Nord.
Et elle devra se spécialiser en «Executive Education» (la formation des cadres), car cela représente aujourd’hui le plus grand revenu des universités qui l’adopte.
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Trois superpuissances
Nous savons que dans les 20 prochaines années (au plus tard) émergeront deux superpuissances technologiques, économiques et militaires rivalisant avec les États-Unis: la Chine et l’Inde. Tous les trois auront un énorme budget militaire, un fort potentiel économique, et une population importante pour la soutenir.
Nous aurons ensuite (bien loin derrière) les puissances dites moyennes: France, Grande-Bretagne, Brésil, Allemagne, Indonésie, Mexique, Canada…
Si les puissances moyennes ne créent pas de fortes alliances entre elles pour pouvoir s’asseoir à la table des superpuissances, elles se verront en marge du nouvel ordre mondial.
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Le Canada n’a pas d’autres choix que de créer de plus fortes alliances avec l’Europe et l’Afrique, culturellement et politiquement plus proches de lui que beaucoup de pays d’Asie.
Avantage compétitif
Grâce à une université francophone à Toronto, les Franco-Ontariens peuvent donner à tout le Canada (anglophone et francophone) une nouvelle porte vers l’Europe via la France ou la Belgique.
Multiplier les relations diplomatiques et économiques avec l’Europe et l’Afrique représente donc un formidable avantage compétitif pour les Canadiens, grâce aux francophones, s’ils arrivent à se positionner à temps.
Le sommet de l’Organisation internationale de la francophonie va se tenir à Tunis en novembre 2020. Cet évènement va réunir les décideurs politiques et économiques de plus de 60 pays. Nous pouvons être sûrs que le Québec et les universités québécoises vont chercher à briller pour attirer investissements, talents, contrats. Étant moi-même d’origine tunisienne, je suis convaincu qu’ils y arriveront.
L’Université de l’Ontario français devrait y être elle aussi.
Chroniqueur sur l'entrepreunariat et l'innovation. Facilitateur de cours à l'université Stanford en Californie. Fondateur du VC-BootCamp et de Tech Adaptika. Consultant pour le Fonds international pour le développement de l'agriculture.
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