Vous avez dit «phénomène sociologique»?

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 26/08/2014 par François Bergeron

Stephen Harper a soulevé l’ire des leaders autochtones, l’indignation de ses adversaires politiques et le mépris d’une bonne partie de l’intelligentsia canadienne en déclarant la semaine dernière que le meurtre d’une jeune fille de Winnipeg, Tina Fontaine, était un «crime» qu’on devrait laisser à la police, pas un «phénomène sociologique» nécessitant une enquête publique.

Depuis au moins deux ans, des voix s’élèvent pour qu’on fasse toute la lumière sur les assassinats et disparitions de plus d’un millier de femmes autochtones au pays au cours des dix ou vingt dernières années, même si 90% des meurtres ont été élucidés par la police et les coupables (souvent un proche) condamnés.

C’est que les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles que les femmes non autochtones à se déclarer victimes de violence, selon un rapport de Statistique Canada datant déjà de 2009. Elles sont aussi surreprésentées parmi les victimes d’homicides. C’est d’ailleurs aussi le cas des hommes autochtones…

Les propos du premier ministre sont simplistes: tous les crimes, comme toutes les interactions entre les individus en société, participent à des «phénomènes sociologiques».

Mais une fois qu’on a dit ça, on n’est guère plus avancé. Les problèmes économiques et sociaux des Autochtones – femmes et hommes – sont déjà connus et documentés. Stephen Harper a raison de croire qu’une «commission royale d’enquête», un exercice long et coûteux, ne nous apprendrait pas grand-chose.

Publicité

Ironiquement, plusieurs éditoriaux de grands journaux réclamant une enquête réussissent, en quelques paragraphes, à brosser un tableau édifiant de la situation et à recommander des changements et initiatives raisonnables… comme et parfois mieux qu’une commission d’enquête.

Pas plus tard qu’en mai dernier, la GRC a produit un rapport sur la criminalité à l’endroit des femmes autochtones montrant qu’elle est en chute libre depuis trente ans, comme la criminalité en général d’ailleurs, pour toutes sortes de raisons «sociologiques». Par ailleurs, le taux de résolution des crimes contre les femmes autochtones est le même que celui des crimes commis contre les autres Canadiennes: la police ne serait pas indifférente au sort des Autochtones. Circulez, y a rien à voir…

En revanche, la tenue d’une grande enquête pourrait calmer les esprits en démontrant l’intérêt et la compassion de la majorité des Canadiens pour le sort des Premières Nations. Stephen Harper sous-estime sans doute la valeur symbolique d’un tel geste.

Il est tout de même rafraîchissant que le premier ministre choisisse d’errer dans le sens de la parcimonie et de ne pas céder à la tentation démagogique, la voie de la facilité dans laquelle se sont engouffrés Thomas Mulcair et Justin Trudeau.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur