Vie privée? Oubliez ça!

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Publié 04/07/2013 par François Bergeron

À moins de vivre en ermite, sans téléphone, internet, carte de crédit, passeport ou permis de conduire, vous ne pouvez plus présumer que les «autorités» (un terme de plus en plus imprécis) ne vous suivent pas à la trace et ne sont pas au fait de la plupart de vos agissements, voire de vos intentions.

Déjà les compagnies d’assurances ont accès à votre dossier au ministère des Transports, ainsi qu’à vos antécédents judiciaires récents.

Les banques se partagent votre historique de crédit et peuvent fournir au ministère du Revenu toute information demandée sur vos activités économiques. (Et essayez de prendre une hypothèque si vous êtes en retard dans le paiement de vos impôts…)

Dans certains domaines, un progrès en contrecarre un autre: l’impact d’un meilleur fusil est atténué par l’apparition d’une meilleure armure. Ce n’est pas le cas avec la vie privée: depuis des années, elle se dégrade irrémédiablement, chaque attentat terroriste confortant nos démocraties dans leur méfiance des libertés individuelles (les dictatures, évidemment, ne les ont jamais valorisées).

Les nouvelles technologies sont toutes au service d’un espionnage plus efficace du plus grand nombre, quand elles ne vous encouragent pas à étaler vous-même vos exploits et vos états d’âme sur la place publique. Vous confiez vos préférences artistiques, vos habitudes de consommation, votre orientation sexuelle à Google, iTunes, Amazon et compagnie, qui seraient stupides de ne pas en profiter.

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Nous sommes toujours plus nombreux et plus prompts à blâmer l’incompétence des pouvoirs publics à prévenir un attentat terroriste (comme d’ailleurs n’importe quelle crise économique ou catastrophe naturelle) qu’à critiquer son intrusion dans nos affaires «privées»: à qui on téléphone, où on voyage, qui on rencontre, qu’est-ce qu’on achète, etc.

Dans ce camp «protectionniste» dominant, on affirme que ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre de la surveillance de leurs télécommunications par la NSA (National Security Agency) américaine ou son équivalent canadien, le CSTC (Centre de la sécurité des télécommunications Canada), ou par les corps policiers. L’argument serait plus convaincant s’il y avait moins d’interdits servant davantage à pouvoir vous prendre en défaut qu’à protéger la société de crimes véritables.

Invariablement, cependant, quand des cryptoterroristes sont arrêtés avant qu’ils ne fassent exploser des cocotes-minute à la fête du Canada ou dérailler un train de Via Rail, ou encore avant qu’ils ne se rendent à Ottawa dans le but de décapiter le premier ministre, on applaudit le travail des policiers et des informateurs qui les ont détectés, surveillés ou infiltrés, parfois pendant des mois, prévenant ainsi des situations bien plus terribles que l’inconfort qu’on peut ressentir à voir notre Charte des droits et libertés ainsi égratignée.

Pour les «libertariens», toujours minoritaires, l’érection du plus grand nombre d’obstacles et de conditions à la surveillance des citoyens reste souhaitable. Au minimum, un mandat délivré par un juge et justifié par des éléments d’enquête solides. Et jamais d’arrestation préventive fondée sur du profilage ou, pire, de détention sur plusieurs mois sans accusation précise, comme cela s’est vu au Canada.

L’analyse de nos «métadonnées» de télécommunications, qui peuvent (peut-être) pointer les agences de renseignements, et éventuellement la police, dans la direction de terroristes au pays ou à l’extérieur, se situe dans une zone grise. Ce très large ratissage n’est pas, au départ, dirigé vers des individus en particulier, et peut donc difficilement faire l’objet d’un mandat d’un juge. Il doit absolument, cependant, faire l’objet d’un débat au Parlement et d’un encadrement décidé par nos élus.

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Nos gouvernements dépenseraient ici des milliards de dollars à surveiller 99% de la population pour, peut-être, parfois, attraper quelques têtes folles, avant (préférablement) ou après leur méfait. Une bonne partie de ces milliards seraient sans doute plus productifs dans l’économie civile, ce qui aurait des répercussions positives sur le niveau de vie des citoyens… donc sur la paix sociale et la sécurité?

Il est faux de prétendre que cette sécurité tous azimuts n’a pas de prix. Dans ce domaine comme dans d’autres (la protection de l’environnement, notamment), la perfection coûte de plus en plus cher à mesure qu’on s’en rapproche.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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