La façon la plus efficace de tuer un homme… (Félix Leclerc)

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Publié 08/04/2013 par François Bergeron

Même si l’émission Tout le monde en parle, de Radio-Canada, est diffusée d’un océan à l’autre (les animateurs le savent-ils?), on est souvent déconnecté, en Ontario, de ce qui se discute sur la place publique au Québec.

Et vice-versa. Mais à part les frasques de Rob Ford à Toronto, que se passe-t-il en Ontario ou au Canada anglais qui mérite de faire les manchettes au Québec?

Alors qu’on a l’embarras du choix au Québec: un gouvernement provincial séparatiste, un défilé de crapules à la commission d’enquête sur la corruption, des manifs presque quotidiennes de syndicalistes étudiants nihilistes, une cabale de groupes ad hoc contre tout développement du territoire ou atteinte à l’État providence, un «star system» unique au monde, la meilleure équipe de hockey de tous les temps, etc.

Voici quelques nouvelles québécoises récentes que l’Ontarien moyen a peut-être manquées.

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Suite au dernier budget fédéral, qui accorde une attention particulière à la formation de la main-d’oeuvre, traditionnellement considérée comme une compétence provinciale, le gouvernement du Parti québécois vient de créer une «Commission nationale d’examen des initiatives fédérales» afin, comme le nom le dit, d’identifier ces intrusions et d’y riposter.

Et juste pour que tout le monde comprenne: «nationale», ici, veut dire «québécoise».

La Commission, qui tiendra des audiences publiques itinérantes au cours des prochains mois, est coprésidée par Gilles Duceppe, l’ancien chef du Bloc québécois emporté par la vague orange aux dernières élections, et par Rita Dionne-Marsolais, une ex-ministre péquiste. Ils sont secondés par deux anciens hauts fonctionnaires: Yvon Boudreau, qui a été sous-ministre provincial à l’Emploi, et Michel Bédard, qui a été actuaire en chef du régime fédéral d’assurance-emploi.

Donc l’emploi est au coeur de l’action de la Commission: de la formation de la main-d’oeuvre aux programmes de maintien ou de création d’emplois, en passant par l’assurance-emploi pour venir en aide aux chômeurs.

C’est sur ce front que le gouvernement péquiste de Pauline Marois (minoritaire, rappelons-le) a choisi d’attaquer Ottawa et, pour la première fois, de démontrer en quoi peut consister sa «gouvernance souverainiste», un concept jusque-là trop floue, voire suspect, aux yeux des puristes dissidents comme Jacques Parizeau et Jean-Martin Aussant.

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Le nouveau chef libéral Philippe Couillard et celui de la CAQ, François Legault, ont vertement critiqué cette politique de confrontation, mais ils doivent louvoyer: l’intrusion du fédéral dans la formation de la main-d’oeuvre (qui ne date pas d’hier) n’a jamais été la bienvenue au Québec.

En Ontario, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne s’est aventuré à critiquer un manque de «flexibilité» de la nouvelle «Subvention canadienne pour l’emploi» dirigée vers les ententes fédérale-provinciale-entreprise en matière de formation de la main-d’oeuvre, mais on va faire avec. Rien à voir avec la réaction québécoise apoplectique.

De fait, un programme de formation financé à deux (province et entreprise) est plus facile à gérer qu’un programme tripartite. Les Conservateurs devraient être les premiers à le savoir et à tout faire pour simplifier le système au lieu de le compliquer. Mais on rapporte que Stephen Harper est «frustré» de voir qu’une foule d’emplois au pays continuent de ne pas trouver preneurs, malgré un taux de chômage élevé dans certaines régions ou certains milieux.

Sauf que les frustrations de Stephen Harper, comme ses autres états d’âme, pour ne rien dire de ses lubies monarchistes, ne préoccupent guère les Québécois.

Cela ne semble pas inquiéter le premier ministre, dont la majorité parlementaire vient de l’Ouest et de l’Ontario, une situation dont il s’accommoderait encore longtemps… à moins que la Commission Duceppe-Marsolais ne réussisse à raviver la flamme souverainiste au Québec, ce qui ferait des mécontents au Canada anglais.

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La Commission évaluera aussi les impacts de la réforme de l’assurance-emploi du gouvernement de Stephen Harper, en vigueur depuis janvier.

On n’en a pas eu connaissance en Ontario et dans l’Ouest, parce que nous avons moins de chômeurs saisonniers et quasi permanents qu’au Québec et dans les Maritimes, mais depuis plusieurs mois, des manifestations de chômeurs et d’assistés sociaux sont organisées périodiquement pour protester contre le resserrement des critères d’admissibilité à l’assurance-emploi, perçu comme une atteinte aux droits fondamentaux.

«Les mesures que le gouvernement est en train d’adopter contre les chômeurs sont totalement antidémocratiques. C’est une attaque frontale contre les droits des chômeurs», s’est indigné un syndicaliste au nom prédestiné, Jean Lacharité, cité par la Presse canadienne.

Encore récemment, à la radio, j’entendais une porte-parole de ces manifestants dénoncer le fait que des chômeurs pourraient être «forcés» (c’est-à-dire sous peine de perdre leurs prestations d’assurance-emploi) d’accepter un emploi dans un domaine autre que le leur (la honte!), situé jusqu’à une heure de chez soi (l’esclavage!), ou moins bien rémunéré (impensable!… ce salaire restant cependant toujours plus élevé que les prestations en question… en fait, on parle d’un salaire «acceptable» ne représentant pas moins de 70% du salaire perdu).

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Cela ne scandalise personne en Ontario et dans l’Ouest (et aussi, soyons justes, dans les milieux québécois plus dynamiques et plus éclairés). L’assurance-emploi, tout comme le «BS», auraient toujours dû être compris comme étant des béquilles temporaires, destinés à venir en aide aux plus malchanceux, le temps qu’ils se reprennent en main, retrouvent du travail et leur autonomie (une sorte de «souveraineté», non?).

Le gouvernement péquiste affiche toutefois sa solidarité avec ces chômeurs maltraités par le méchant gouvernement fédéral conservateur. Une délégation d’une quarantaine de personnes de l’Est du Québec, dirigée par la ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et du Travail, Agnès Maltais, est d’ailleurs allée rencontrer formellement à Ottawa la ministre fédérale du Développement des ressources humaines, Diane Finley, sans résultats apparents jusqu’à maintenant.

Détail amusant, cette même ministre Agnès Maltais vient de proposer des changements, limitant les coûts de quelques programmes québécois d’aide sociale, qui ont fait bondir les bénéficiaires et leur intelligentsia de «groupes populaires» automatiquement appuyés par les deux députés de Québec solidaire, une épine qui continue de triturer le flanc gauche du PQ.

Donc, quand c’est Ottawa qui coupe, c’est du fascisme, mais quand c’est Québec, c’est de la saine gestion des finances publiques, parfaitement démocratique.

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Et avez-vous eu vent du «scandale» des visites surprises chez les chômeurs?

Cet hiver, des chômeurs ont reçu la visite, à leur domicile, de fonctionnaires fédéraux venus vérifier que leur profil – apte à travailler, activement à la recherche d’emploi, etc. – correspondait bel et bien au type de prestations qu’ils recevaient.

Les médias ont rapporté qu’une cinquantaine de fonctionnaires fédéraux se livrent à des visites impromptues chez des chômeurs, dans le cadre d’un «examen sur l’intégrité du régime».

Le premier ministre Stephen Harper a dû «défendre» cette pratique, car évidemment elle a été vigoureusement dénoncée par les partis d’opposition et les suspects habituels (dont le syndicat des fonctionnaires en question, ce qui permet d’entretenir des doutes sur le succès de l’opération).

«Ils nous abusent “au bout”. On se sent tous agressés par cette loi-là», s’est indignée une prestataire du Nouveau-Brunswick qui a immédiatement fondé un «Comité d’action assurance-emploi à la défense des travailleurs et travailleuses». «C’est un gros cas», a-t-elle poursuivi, «quand tu es rendu que tu te fais vérifier à la maison.»

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Non, ce n’est pas un gros cas. C’est simplement le travail du ministère de «s’assurer que les fonds soient disponibles pour ceux qui en ont besoin», comme l’a souligné Stephen Harper.

Plus généralement, un système minimaliste d’assurance-emploi, d’aide sociale et de «sécurité du revenu», dont les coûts sont bien contrôlés et respectent les budgets, est un équilibre acceptable entre la solidarité envers les plus démunis dans nos sociétés, la responsabilité individuelle d’améliorer son sort et la liberté de chacun de profiter au maximum des fruits de son labeur ou de son ingéniosité.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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