Pour en finir avec les Shafia

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Publié 02/02/2012 par François Bergeron

J’ai un ami québécois dont le fils, à 28 ans, a épousé une copine d’université. Ils ont tous les deux un bon emploi, viennent d’acheter leur deuxième maison, et attendent la naissance d’un enfant le mois prochain. La copine, née au Québec, a des parents arméniens. Chrétiens, pas musulmans, mais définitivement à tendance Shafia…

Quand le fils de mon ami a annoncé à son futur beau-père qu’il emménageait avec sa fille (un fait accompli, car ils venaient chercher ses derniers effets), le bonhomme leur a littéralement claqué la porte au nez. On a compris qu’il était insulté que sa fille vive avec un non-Arménien et que celui-ci n’ait pas demandé la permission du père (qui aurait été refusée) selon la tradition.

La fille s’est aussi retrouvée coupée de sa mère et sa soeur. La mère à contrecoeur, la soeur apparemment encore plus maniaque que le père.

Cet isolement a duré quelques années. Le père et la mère (pas la soeur) sont venus au mariage à l’église, mais ils ne sont pas restés pour la réception.

On savait qu’une tante et un grand-père, plus modernes ou simplement plus décents, relayaient les dernières nouvelles de la fille à la mère. On a aussi appris que la soeur s’était mariée, avec un Arménien bien sûr.

Récemment, à l’occasion d’une fête pour les futurs parents, la mère s’est enfin manifestée, participant à l’organisation de la fête et demandant pardon d’avoir suivi aussi longtemps le diktat anachronique de son mari (que mon ami appelle désormais «un Shafia»).

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Éventuellement, c’est lui qui se retrouvera isolé ou qui se rendra à la raison. Heureusement, personne n’a été tué…

L’intérêt pour les «crimes d’honneur» suscité par le procès Shafia est mérité, mais le phénomène n’est pas nouveau (voir Roméo et Juliette de Shakespeare), ni spécifiquement musulman (voir les problèmes de castes en Inde et le machisme dans la culture latine). Un grand nombre de «crimes passionnels» qui défraient la chronique sont, dans l’esprit du criminel, une question d’honneur.

La police et les agences d’aide aux jeunes et aux femmes doivent redoubler de vigilance face aux plaintes et aux indices de comportement criminel liés aux cultures et aux religions arriérées. Un resserrement des critères d’immigration au Canada, privilégiant les candidats les plus attachés à la modernité, ne serait pas malvenu non plus.

Pas besoin cependant de lois spéciales: l’issue du procès Shafia démontre que notre système policier et judiciaire est parfaitement en mesure de traiter ces meurtres – comme tout autre meurtre prémédité, quelle qu’en soit la motivation – avec toute la sévérité nécessaire.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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