On a les élus qu’on mérite

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Publié 12/05/2011 par François Bergeron

Dix jours après son élection, Ruth Ellen Brosseau, la nouvelle députée néo-démocrate de Berthier-Maskinongé (la rive nord du St-Laurent entre Montréal et Trois-Rivières), a fait une première apparition publique dans son comté. Elle n’y était jamais venue.

La jolie blonde de 27 ans, mère célibataire, a fait des études en marketing et travaillait comme assistante-gérante dans un bar d’Ottawa. Son patron ne savait même pas qu’elle était candidate. C’est elle qui a pris cinq jours de vacances à Las Vegas (réservés avant le déclenchement des élections) pendant la campagne pour fêter son anniversaire.

Partisane de longue date du NPD, on lui a demandé de prêter son nom dans un comté où son parti n’avait aucune chance et elle a accepté, a-t-elle expliqué.

Grâce à la vague orange qui a déferlé sur le Québec le 2 mai, Ruth Ellen Brosseau a obtenu plus de 22 000 voix (presque 40%) pour défaire le député bloquiste Guy André (16 000 voix, 30%). En 2008, le NPD avait récolté 10% des suffrages dans Berthier-Maskinongé, le Bloc 45%.

Elle se dit «emballée» d’avoir gagné et promet de «travailler fort» pour représenter sa circonscription au Parlement et perfectionner son français, qu’elle est très loin de maîtriser. Elle cherche présentement un logement et un bureau dans la région.

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Idéalement, par simple respect pour la démocratie, tous les candidats devraient posséder un minimum d’affinités avec la circonscription dans laquelle ils ou elles se présentent (parler français dans un comté francophone, par exemple).

Ils devraient rencontrer des électeurs pendant la campagne électorale, accrocher quelques pancartes, accepter les demandes d’entrevues des médias locaux, participer aux débats organisés par diverses associations, twitter, facebooker… Un grand nombre de candidats (la majorité, sûrement) ne s’attendent pas à gagner, ni même à faire bonne figure. Mais ils devraient au moins souhaiter améliorer le score de leur parti par rapport au dernier scrutin.

Un chroniqueur a écrit qu’il salue maintenant les cônes oranges bordant les chantiers routiers au cas où l’un d’eux serait son nouveau député…

En réalité, tous les grands partis présentent des «poteaux» et ne dépensent rien dans les circonscriptions où le résultat des dernières élections et leurs propres sondages indiquent qu’ils vont encore se classer parmi les derniers. Souvent, ces inconnus sont des jeunes militants qui veulent acquérir une expérience de la politique active, ou des gens qui ont du temps libre à consacrer à leur parti et à leur communauté.

Plusieurs d’entre eux ne sont pas moins qualifiés que des «vedettes» des partis. Une expérience des difficultés de la vie et de vrais milieux de travail est souvent préférable, chez un membre du Parlement, à des talents de grande gueule ou à des diplômes d’idiots savants.  

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Idéalement, encore par respect pour la démocratie, pour laquelle on se bat et on meurt dans d’autres pays, les citoyens qui ont l’intention d’exercer leur droit de vote devraient se renseigner un peu sur les candidats en lice et sur les partis qu’ils représentent. Même entre les élections, tout le monde a intérêt à suivre l’actualité et à être au courant des grands enjeux.

De nos jours, cependant, le candidat local a très peu d’importance. Le député n’a d’ailleurs aucun pouvoir dans «sa» circonscription, contrairement par exemple à un maire ou à un chef de police.

La plupart des citoyens votent pour un parti, c’est-à-dire pour les grandes lignes de son programme telles qu’expliquées par son chef, qui leur inspire confiance ou qui leur apparaît comme le moins pire du lot. Difficile, d’ailleurs, d’apprécier un candidat local qui appartiendrait à une formation politique qu’on déteste. L’inverse est plus fréquent: on peut passer par-dessus l’insignifiance d’un candidat local s’il permet à notre parti préféré de former le gouvernement.

Les observateurs se perdent en conjectures sur le comportement des électeurs de Berthier-Maskinongé et des dizaines de circonscriptions québécoises qui ont subitement décidé de remplacer leur député bloquiste par un néo-démocrate le 2 mai. Même les dirigeants du NPD ne sont pas certains d’avoir tout compris.

Volonté de changement? Certes. Opposition à un nouveau référendum? C’est ce que veulent croire les médias canadiens-anglais. Vote stratégique anti-conservateur? À Montréal sur le Plateau peut-être, pas en régions. Ventilation, sur la scène fédérale, de frustrations ressenties face à une impasse au niveau provincial, celui qui compte vraiment pour les Québécois? Possible, je ne suis pas psychologue. Je-m’en-foutisme? D’autres partis en auraient profité aussi, pas seulement le NPD.

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Ironiquement, on a beaucoup débattu du respect de la démocratie au cours de cette campagne électorale, suite à la prorogation du Parlement à la fin de 2008, au traitement cavalier des comités parlementaires et des résolutions de l’opposition par le gouvernement, au contrôle de l’information par le bureau du premier ministre. Michael Ignatieff, surtout, en a fait son cheval de bataille. Jack Layton l’a désarçonné lors du débat des chefs en anglais en lui reprochant son absentéisme du Parlement. Gilles Duceppe a paru arrogant en proclamant que Jack Layton ne visait pas plus que lui le pouvoir à Ottawa.

Avec ce qu’on découvre sur ses candidats fantômes, c’est le nouveau chef de l’opposition qui a des comptes à rendre en matière de respect de la démocratie. Du moins en guise de post-mortem de la campagne, jusqu’à ce que les nouveaux élus prennent leur place à la Chambre des Communes et commencent à travailler.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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