Les journalistes disent souvent de l’information qu’ils publient que c’est comme la saucisse: mieux vaut que le consommateur ne sache pas comment c’est fait. Nos dirigeants politiques doivent se dire la même chose de leurs activités: mieux vaut que le citoyen ne soit pas trop conscient du très haut degré de subjectivité et d’improvisation qui les caractérise.
Les jeunes (et les gauchistes) idéalisent souvent la démarche démocratique et l’administration publique. À mesure qu’on s’y frotte, on perd ses illusions, on réalise que ce sont des entreprises humaines, avec ce que ça comporte d’avantages et de travers. Certains réagissent en tournant le dos à la démocratie, soit en s’en désintéressant, soit en militant pour des alternatives utopiques ou violentes. Les autres retroussent leurs manches et participent.
Lors des élections fédérales de 2008, moins de 60% des citoyens canadiens ont exercé leur droit de vote, contre près de 65% en 2006. Le scrutin du 2 mai prochain sera le troisième en moins de six ans, ce qui engendrerait une certaine «fatigue» face à la politique et fait craindre un nouveau record d’abstention.
Ce serait regrettable. Pas tragique: on ne devrait pas forcer les gens qui ne comprennent rien aux enjeux à voter quand même, à l’aveuglette; il y a déjà suffisamment d’électeurs enthousiastes qui sont mal informés ou motivés par des considérations bizarres. Ni inconstitutionnel: qui ne dit mot consent, ici à être gouverné par ceux que les autres auront élus. Mais ça encourage les gouvernements à se fier plus souvent aux sondages qu’à un mandat clair reçu des électeurs.
Le caractère compétitif de la politique incite les candidats et leurs partis à disséminer une information très partielle sur leurs intentions, et souvent de la désinformation sur celles de leurs adversaires. Normalement, les qualités de communicateur des chefs — pour ne rien dire du rôle des médias — devraient pouvoir compenser ce défaut du système et éclairer les citoyens. Mais ces dernières années, il me semble que nous n’avons pas été choyés au chapitre du charisme et de l’éloquence de nos chefs politiques.