Un nouveau départ?

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Publié 12/01/2010 par François Bergeron

Une vaguelette d’indignation a accueilli la décision de la gouverneure générale Michaëlle Jean d’acquiescer instantanément à la demande du premier ministre Stephen Harper de prolonger le congé de Noël des parlementaires jusqu’au 3 mars, au lieu de la date de retour prévue du 25 janvier, afin de profiter pleinement des Jeux olympiques de Vancouver en février.

La prorogation du Parlement fait cependant un peu plus que simplement repousser les travaux et les débats de nos élus fédéraux, elle y met fin et repart à zéro les compteurs d’une nouvelle session. Cela signifie que les projets de loi encore à l’étude doivent être représentés et que les comités parlementaires doivent être reconstitués et se doter de nouveaux agendas.

Harper affirme avoir besoin de ce hiatus pour réévaluer la conjoncture économique et préparer l’important budget de sortie de crise qu’il déposera dès l’ouverture de la nouvelle session. Il appelle ça un «nouveau départ». Ça se défend, bien que l’argument des Jeux olympiques suffisait: le Canada n’accueille cet événement international que rarement; les JO ont le droit de monopoliser l’attention pendant deux semaines.

Le chef libéral Michael Ignatieff se dit furieux de cet affront à la démocratie. Les nouvelles publicités libérales montre un Parlement clôturé et sous-entendent qu’on frôle la dictature. Mais, échaudés par des sondages défavorables, suite notamment à leur intention annoncée de faire tomber le gouvernement conservateur à la première occasion, les Libéraux ont reculé et refuseront de précipiter la tenue d’élections générales (dont ne voudrait pas non plus le NPD) d’ici le 3 mars ou après retour de la Chambre.

Car ces mêmes Canadiens, qui seraient si inquiets pour l’avenir de notre démocratie, seraient allergiques aux élections au point qu’aucun de nos chefs politiques, incluant Stephen Harper, ne veut porter «l’odieux» du déclenchement d’élections «prématurées».

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Mauvaise nouvelle pour les Libéraux: cela signifie qu’ils devront voter à nouveau pour un budget conservateur, à moins que celui-ci contienne quelques mauvaises surprises absolument inacceptables. Mauvaise nouvelle pour les Conservateurs: les Canadiens pourraient détester les campagnes électorales (trop longues? trop dispendieuses? trop «négatives»?) au point de leur préférer le renversement du parti au pouvoir par une coalition de l’opposition.

Cette idée (encore un peu trop européenne) paraissait saugrenue en 2008 sous Stéphane Dion, mais pourrait continuer de faire son chemin dans les esprits, surtout si l’électorat continue de se fractionner en verts, oranges, rouges, violets, bleus foncés, bleus québécois, rendant la formation de gouvernements majoritaires de plus en plus difficile.

C’est quoi le problème avec des élections aux deux ou trois ans? Chaque année on a des éliminatoires de hockey et de tous les sports professionnels, des finales des Canadian et American Idol et autres Star Académie, des galas de l’ADISQ ou des Oscars. À l’ère de la connectivité électronique de tous les membres de la société, on pourrait facilement trouver le moyen de tenir des élections plus souvent sans se ruiner.

Plusieurs commentateurs se plaignent que les grands enjeux et les «vrais problèmes» sont souvent négligés au profit du sport politique lui-même, les stratégies et les tactiques, les coups d’éclat et les coups bas visant uniquement à prendre ou à conserver le pouvoir. Plusieurs identifient là, justement, la principale cause du désintérêt d’une bonne partie des citoyens face aux débats politiques et au processus électoral.

Je peux me tromper, mais je soupçonne que des élections plus fréquentes, dont les résultats refléteraient plus rapidement le sentiment national du moment, encourageraient la participation d’un plus grand nombre de citoyens. Les perdants seraient moins démotivés et les gagnants plus modestes, vu qu’on revisiterait ça bientôt. Est-ce que cela inciterait les partis à développer des programmes plus cohérents ou au contraire à mettre encore plus d’eau dans leur vin? Y a-t-il une corrélation entre le respect des principes (que l’adversaire appelle «l’idéologie») et la stabilité politique? On pourrait essayer pour voir.

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Pendant qu’on applaudira les athlètes à Vancouver, le gouvernement préparera sa contribution à la prochaine session parlementaire. Outre le budget, crucial, dans lequel on doit jongler avec la relance de l’emploi dans le secteur privé, la réduction des déficits dans le secteur public, l’inexorable augmentation des coûts des soins de santé et le déclin des fonds de retraite, les Conservateurs ont déjà signalé qu’ils souhaitaient s’attaquer à la réforme du Sénat.

C’est une erreur: c’est le plus faux des faux problèmes, en plus d’être un panier de crabes constitutionnels. Et l’opposition aura beau jeu de contraster la dévalorisation de la Chambre des communes par la prorogation à cette valorisation mythique du Sénat.

On demandera aussi aux Conservateurs de donner suite à la conférence de Copenhague sur le climat, une autre crise fictive que le gouvernement devra cependant gérer habilement (comme il le fait jusqu’à maintenant en feignant d’y croire et d’y participer) afin qu’un éventuel système de limite et d’échange de permis d’émission de carbone fasse réellement ce qu’il est censé faire, limiter les émissions, au lieu de devenir la nouvelle plateforme des spéculateurs.

Quand ce n’est pas contre l’action de Stephen Harper qu’on râle c’est contre son inaction, et quand ce n’est pas contre la dysfonctionnalité du Parlement c’est contre sa prorogation (d’un mois seulement). Ce serait pareil sous Michael Ignatieff. Vivement les Jeux de Vancouver!

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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