Michaëlle Jean n’avait pas à renoncer à sa citoyenneté française, acquise grâce à son mariage, pas plus qu’à sa citoyenneté haïtienne natale, pour exercer ses fonctions de gouverneure générale du Canada. Après tout, sa patronne, la reine du Canada Elizabeth II, est d’abord souveraine et résidente permanente d’un autre pays, la Grande-Bretagne. Entre autres conflits d’intérêts et incongruités anachroniques, Mme Windsor est aussi reine d’Australie et d’Irlande du Nord.
Michaëlle Jean a cédé d’avance devant de faibles critiques pour protéger sa splendide nomination. Pourquoi cette femme qui frayait dans les milieux se proclamant «progressistes» a-t-elle accepté un tel poste, le dernier symbole du colonialisme britannique chez nous? N’aurait-elle pas pu marchander ses services dans le cadre d’une opération visant à canadianiser pour de bon la fonction de chef de l’État?
Michaëlle Jean a accepté parce qu’elle n’aura sans doute jamais une meilleure occasion d’exercer une réelle influence sur la conduite des affaires du pays. Son appel au rapprochement des «solitudes» canadiennes, souvent mal compris, a suscité un grand nombre de réactions. C’était de but de l’exercice. Quel dommage que cela ne vienne pas plus souvent de nos chefs politiques démocratiquement élus!
Le départ d’Adrienne Clarkson et l’intronisation de Michaëlle Jean, deux ex-radio-canadiennes, sont survenus en plein lock-out de CBC, qui aura duré deux mois. Au même moment, la ministre du Patrimoine Liza Frulla réitérait l’appui du gouvernement au principe de la radio et de la télévision publiques, mais elle se disait impuissante à forcer la direction de CBC à reprendre sa programmation normale. Or, si le gouvernement ne peut pas obliger la société d’État à remplir son mandat – qui coûte 1 milliard $ par année aux contribuables – à quoi sert un tel statut?
Plusieurs commentateurs ont suggéré qu’il était peut-être temps de rediscuter de l’avenir de CBC/ Radio-Canada. «Si ça existait, on l’aurait», nous dit le quinquallier Rona dans sa publicité. La direction de CBC/Radio-Canada, elle, nous a forcé à nous poser la question: «Si CBC/Radio-Canada n’existait pas aujourd’hui, faudrait-il l’inventer?»