Paula Clermont Péan: un océan de création

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 09/02/2016 par Annik Chalifour

Sa passion pour le chant, la danse, le théâtre, la musique qu’elle privilégie dans son œuvre culturelle illumine son regard, mais aussi sa volonté farouche et son courage indéfectible face au défi de la durabilité au cœur d’une réalité socio-économique fragile.

Comédienne, metteur en scène, conteuse et animatrice, Paula Clermont Péan dirige le Centre culturel Pyepoudre, un espace de formation, d’animation culturelle, de documentation et d’appui à la création, qu’elle a fondé à Port-au-Prince il y a 27 ans.

«Résistante de la création» selon le scénographe Raymond Sardaby, Paula lutte pour que «la culture et nos arts ne meurent pas.»

J’ai rencontré Paula à Pyepoudre le 3 décembre 2015: une matinée ouverte sur son travail de création colossal dédié à la culture haïtienne.

Force de vie

«Nous œuvrons à partir d’une méthode interactive et démocratique. Chacun a le droit à la parole, chacun apprend de l’autre», explique Paula se référant aux principes du pédagogue brésilien Paolo Freire (1921-1997) qui préconise l’importance du dialogue et du respect du choix des autres.

Publicité

Outre son rôle de bibliothèque publique, le Centre Pyepoudre propose un éventail d’activités socio-culturelles diversifiées: rencontres littéraires, conférences éducatives, séances de cinéma, animation théâtrale, concerts, expositions d’arts visuels, clubs de lecture, débats, jardin des tout-petits.

Pyepoudre est notamment partenaire de longue date avec la FOKAL, une ONG locale créée en 1995 dont le mandat vise à appuyer les initiatives haïtiennes en matière de promotion et de développement des arts et de la culture.

Ancrage culturel

«Je me définis comme une personne qui fait beaucoup de choses à la fois», déclare Paula. Progressive et ingénieuse, elle gère la programmation du Centre dans un climat d’ouverture d’esprit hors du commun. Touche-à-tout, elle s’assure de faire vibrer les talents de tout un chacun à travers le pays, tissant les liens entre le rural et l’urbain.

«Nous contribuons à ancrer petits et grands à la culture haïtienne en formant des artistes de la scène», explique Paula. Le Centre anime deux troupes de théâtre – l’une avec des jeunes comédiens ayant participé à plusieurs activités théâtrales en Haïti dont le 12e Festival de Théâtre Quatre Chemins en novembre 2015, événement phare de la vie culturelle haïtienne.

À la croisée des îles

Publicité

Au programme du Festival Quatre Chemins 2015 figurait le spectacle À la croisée des îles inspiré du roman Sa Majesté des mouches de William Golding, adapté et mis en scène par Paula Clermont Péan.

Paula raconte: «Un groupe d’enfants de la rue, désespérés, largués sur un bateau, recherchent le bonheur. Le merveilleux intervient avec Agoué, dieu de la mer, qui voulant tester leur courage et leur foi, provoque un naufrage. Un voyage tournant au cauchemar mais teinté de poésie infiniment triste et riche à la fois.

Les jeunes naufragés se dévoilent, incarnant les chantres d’une île endeuillée par la méchanceté des hommes. Finalement, le merveilleux entre encore en jeu par la puissance de Loko Atisougoué, le dieu du vent, les poussant sur le chemin du retour car c’est là qu’il faut oser dire non au regard porté sur eux.»

«Une tentative de libération par l’imaginaire. Celle d’un rêve projeté sur le mur du théâtre pour les faire exister et magnifier en un geste de beauté.»

Kaselozo

Publicité

Elle a aussi présenté Kaselozo, une pièce en trois tableaux du fameux dramaturge Frankétienne. «Une mère aveugle dépositaire d’un certain savoir insuffle à ses filles la conscience de leur situation, la nécessité pour renaître de se débarrasser des couches de sédiments que les siècles ont laissés dans l’âme des femmes», détaille Paula.

«Un jeu théâtral esthétiquement renforcé, fortement imprégné de notre vécu en tant que citoyennes vivant au cœur d’une société terriblement blessée dans sa dignité.»

Paula Clermont Péan était l’invitée d’honneur du Festival Quatre Chemins 2015. «Avec l’exigence artistique, la volonté et le désir de créer, former, transmettre à travers tout le territoire, elle trouve les personnes, forge les outils, investit les espaces pour faire vivre la culture haïtienne», témoignait le scénographe Raymond Sardaby.

Projets 2016

Au-delà de son travail théâtral constitué d’une vingtaine de pièces, Paula a publié deux recueils de contes (français/créole). Deux autres recueils Le chant de Miraya (réédition) et Qui a ramené Miraya sortiront en avril 2016.

Cette année le Centre Pyepoudre placera la femme haïtienne au cœur de sa programmation. Le calendrier 2016 sera ponctué d’une saison théâtrale axée sur l’équité du genre: Jeu et regard de femme. Elles ont dit non propose quatre nouvelles créations, dont Parfum de femme de Linda Isabelle François, chorégraphe-danseuse et collaboratrice avec Pyepoudre.

Publicité

Paula Clermont Péan a été formée aux arts de la scène, à la littérature française, à l’animation et à la gestion socio-culturelle en France et aux États-Unis; elle a suivi nombre d’ateliers dans plusieurs pays. Rentrée en Haïti en 1985 après 16 ans d’absence, elle a fondé le Centre culturel Pyepoudre en 1989 devenu un monument de la culture haïtienne.

* * *
Cette chronique est alimentée au gré des explorations d’Annik Chalifour en terre haïtienne. La journaliste revient d’un 4e séjour en Haïti – décembre 2015 – et planifie d’y retourner en 2016. Décoration d’intérieur, arts de la scène, création de mode et artisanat, chant et danse vaudou, ethnologie, photographie, tourisme patrimoine et alternatif sont au rendez-vous.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur