Les conservateurs aux Communes

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Publié 07/02/2006 par Martin Francoeur

Les conservateurs aux Communes: ça y est. Avec un peu de chance, on n’entendra plus parler d’élections fédérales pour un an ou deux, peut-être plus si on est vraiment chanceux. Parce qu’un gouvernement minoritaire, ça peut être défait à tout moment. Parlez-en à Paul Martin.

La 39e élection générale est donc chose du passé. Elle a permis au Parti conservateur d’obtenir le plus grand nombre de sièges à la Chambre des Communes et de former le prochain gouvernement. Mais puisque le nombre de sièges est inférieur aux 155 requis pour avoir la majorité absolue en chambre, on parle d’un gouvernement minoritaire. Fin de l’exposé politique.

Vous vous doutez bien que c’est davantage l’aspect linguistique de cette élection qui a retenu mon attention. En fait, ma curiosité s’est posée sur deux mots que l’on retrouve dans le titre de cette chronique: «conservateurs» et «Communes». Avouez tout de même que pour un francophone non familier avec notre vocabulaire politique, un titre comme celui-là peut laisser perplexe.

Les Communes, d’abord. En fait, on parle de la Chambre des Communes, à laquelle on s’obstine à donner de la majuscule. L’expression vient de l’Angleterre, qui avait déjà sa «House of Commons». Mais le mot «commune», dans le sens utilisé par les Anglais, avait déjà été en usage en français. Le Dictionnaire historique de la langue française de Robert nous dit que tout au long du Moyen-Âge, le mot «commune» s’est rapporté à un bourg affranchi du joug féodal et placé sous l’administration de bourgeois organisés.

L’anglais «Commons» de «House of Commons» était lui-même emprunté au français «commune», désignant le peuple, par opposition à la noblesse, puis les représentants du peuple au Parlement. Il faut remarquer la traduction de «House» qui, curieusement, devient «Chambre» en français.

L’adjectif «conservateur», devenu un nom même dans sa définition politique, a aussi un parcours intéressant.

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Le Robert nous dit qu’il est emprunté, peut-être sous l’influence de l’ancien provençal «conservador», au latin «conservator», lui-même dérivé du latin «conservare», qui signifie «conserver, respecter, sauver».

D’abord attesté pour désigner celui qui est chargé de maintenir un droit ou un privilège, le mot s’est spécialisé pour devenir le titre d’un préposé à la garde d’une chose ou d’un patrimoine. «À l’époque révolutionnaire, le mot est appliqué à celui qui tend à préserver l’ordre social existant, et passe dans le domaine de la vie politique […]», nous apprend le Robert historique. C’était vers 1815. Cette orientation a été renforcée par un emploi en contexte anglais où il calque le «conservative» qui désigne le parti Tory (Conservative Party). Dans cet emploi, le mot «conservative» était lui-même emprunté au français «conservatif».

Évidemment, l’influence des institutions politiques britanniques y sont pour quelque chose dans la migration de ces mots vers le Canada. C’est vrai pour la Chambre des Communes, mais c’est vrai aussi pour le Parti conservateur. Même si, selon les pays, il existe des divergences entre les programmes politiques des partis qui portent le nom de «conservateur», il demeure que ce sont tous des partis associés à la droite, au maintien de l’ordre social existant et des valeurs traditionnelles.

C’est tout le contraire du libéralisme, qui a donné naissance à de nombreux «partis libéraux»!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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