Le CSDCSS poursuivra la province pour obtenir une école à Hamilton

«Gouffre énorme» en matière d’équivalence français-anglais

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 19/11/2013 par François Bergeron

Le Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud (CSDCCS) se tourne vers les tribunaux pour obtenir une nouvelle école secondaire à Hamilton.

Le CSDCCS veut faire respecter le droit de la communauté francophone catholique de Hamilton, de Brantford et de Norfolk à ce que l’école secondaire Académie catholique Mère-Teresa (ACMT) soit relogée dans un nouvel édifice véritablement équivalent à ceux des écoles de langue anglaise.

C’est ce qu’a annoncé la présidente du Conseil, Nathalie Dufour-Séguin, en conférence de presse à l’ACMT le 19 novembre, avant de faire visiter la petite école aux journalistes afin qu’ils en constatent eux-mêmes «tous les aspects inadéquats et désuets».

Minuscule

L’édifice accueillant l’ACMT, au 50 cour Lisgar, pose des défis majeurs depuis son ouverture en 1990 – «on ne l’a pas choisi, on nous l’a imposé», dit-elle. Entre autres problèmes, l’édifice est situé sur un site de moins d’un acre, alors que la superficie standard pour les écoles secondaires est de 10 à 15 acres.

«Le terrain est entièrement occupé par le bâtiment, ce qui fait que nos 234 élèves du palier secondaire n’ont pas de cour d’école, sans parler d’accès à des terrains aménagés pour les sports», explique le CSDCCS.

Publicité

À la même tribune, un élève de 12e année de l’ACMT, Sébastien Lalonde, qui siège aussi au CSDCCS en tant que conseiller-élève, a déploré être «coincé sur un terrain minuscule» et étudier dans des conditions «injustes et humiliantes».

«Le bâtiment, initialement conçu pour accueillir une école élémentaire, ne devait servir que de lieu temporaire et transitoire pour l’ACMT. Presque 15 ans plus tard, l’édifice est devenu le domicile permanent de l’ACMT et cela doit changer sans tarder.»

Facteur d’assimilation

Selon Mme Dufour-Séguin, la situation actuelle «perpétue et aggrave l’assimilation linguistique et religieuse de la jeunesse», ce qui contrevient au mandat constitutionnel du CSDCCS.

On pense que plusieurs centaines d’élèves francophones pouvant s’inscrire à l’ACMT préfèrent fréquenter les écoles secondaires de langue anglaise plus attrayantes, munies d’infrastructures conçues pour le palier secondaire et que l’ACMT n’a pas: terrain de jeu, gymnase de taille réglementaire, salles de classe munies de fenêtres et dont les murs sont insonorisés, espaces spécialisés modernes et permanents, etc.

«Le gouffre énorme en matière d’équivalence menace la survie de la population catholique francophone de Hamilton, de Brantford et de Norfolk», souligne la présidente du CSDCCS.

Publicité

Le ministère conseille la patience

Le CSDCCS affirme avoir épuisé tous les recours administratifs et politiques possibles et se trouver aujourd’hui dans une impasse.

En entrevue à L’Express, Mme Dufour-Séguin remarque que la nouvelle ministre de l’Éducation, Liz Sandals semble inaccessible, ne rencontrant plus que les associations de conseils scolaires comme l’AFOCSC (les huit conseils catholiques franco-ontariens), contrairement à sa prédécesseure Laurel Broten.

L’AFOCSC a d’ailleurs exprimé, par voie de communiqué, sa solidarité avec le CSDCCS dans sa lutte pour obtenir une nouvelle école secondaire à Hamilton.

Dans un courriel à L’Express, un porte-parole de la ministre laisse entendre que la CSDCCS devrait attendre l’annonce provinciale des décisions de financement des projets scolaires, au printemps 2014, avant de s’énerver.

«Le CSDCCS a soumis huit projets cette année, en indiquant que le plus prioritaire est le remplacement de l’école Mère-Teresa à Hamilton», reconnaît-il.

Publicité

«Ça fait depuis 2010 que l’ACMT est notre priorité numéro un dans nos demandes de financement», rétorque la présidente du CSDCCS, «et, avant ça, elle figurait toujours sur la liste». Le ministère maintient que 2013 est la première année où l’ACMT est la priorité numéro un du CSDCCS.

Droits constitutionnels

Mme Dufour-Séguin affirme également que le CSDCCS a fourni plusieurs pistes de solution au ministère. «Il y a deux ans, nous étions prêts à acheter une école du conseil scolaire catholique anglophone», raconte-t-elle, «mais, à la dernière minute, le ministère n’a accordé le financement qu’aux anglophones.»

C’est la firme d’avocats Heenan Blaikie qui représentera le CSDCCS et pilotera sa poursuite contre le gouvernement de l’Ontario. On s’attend à ce que soient invoqués les droits constitutionnels des minorités de langue officielle – et des catholiques – à des institutions équivalentes à celles de la majorité.

L’avocat Mark Tower est lui-même un ancien élève de l’école Monseigneur-de-Charbonnel à Toronto, ce que Mme Dufour-Séguin n’a appris «avec fierté» qu’au cours de sa conférence de presse.

Partage d’édifice

Au Conseil scolaire Viamonde (non-confessionnel), la nouvelle présidente, Micheline Wylde, qui est aussi la conseillère scolaire élue à Hamilton, ne commente pas spécifiquement le litige entre le CSDCCS et le ministère.

Publicité

Toutefois, en entrevue à L’Express, elle fait remarquer que le partage d’édifice entre deux conseils scolaires, francophones ou anglophones, publics ou catholiques, et parfois en impliquant le centre communautaire francophone local, peut être une alternative moins coûteuse pour chacun des partenaires.

À au moins trois reprises ces dernières années, dit-elle, Viamonde a proposé au CSDCCS de s’associer pour construire ou acheter une nouvelle école secondaire à Hamilton.

Du côté du ministère de l’Éducation, on rapporte avoir tenu deux réunions en septembre dernier avec les conseils scolaires de Hamilton et Toronto pour discuter de l’utilisation commune d’installations aux cycles élémentaires et secondaires. «Ces entretiens étaient de nature exploratoire et portaient sur les projets actuels et futurs. Le CSDCCS a signalé que, pour le moment, il n’était pas intéressé à entreprendre des projets d’immobilisations conjoints avec d’autres conseils.»

Ces projets restent toutefois assez rares. Le Conseil Viamonde a présentement trois écoles de ce genre, une à Sarnia en partenariat avec le conseil scolaire catholique de langue française dans cette région; et deux à Toronto: l’école élémentaire Charles Sauriol, adjacente à une école catholique anglophone dans le même bâtiment, et l’école secondaire Toronto Ouest, qui cohabite avec l’école Saint-Frère-André du CSDCCS.

«Que des avantages»

À Hamilton justement, le Conseil Viamonde s’est associé le mois dernier avec le Hamilton-Wentworth District School Board (HWDSB) en vue de présenter au ministère une demande conjointe de financement (32 millions $) pour une nouvelle école dans le secteur des rues Rymal Road East et Miles Road.

Publicité

C’est l’école secondaire francophone Georges.-P.-Vanier qui déménagerait alors dans ces nouveaux locaux, où le HWDSB, de son côté, y accueillerait 1200 élèves de la 9e à la 12e année.

«Conscients de l’état des finances publiques, nous devons trouver des façons de poursuivre le développement de notre système d’éducation», avait alors commenté Mme Wylde. D’ailleurs, répète-t-elle, «le ministère de l’Éducation privilégie désormais les projets impliquant des partenariats».

Ce que confirme le ministère à L’Express: «En juillet 2013, le ministère a envoyé un mémo à tous les conseils scolaires les encourageant à développer un usage conjoint des installations et des projets de financement collaboratifs, dans le cadre du processus 2013-2014 des priorités de capitalisation.»

L’association des quatre conseils scolaires d’écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), dont le Conseil Viamonde est membre, indique qu’ils sont «constamment à la recherche des solutions variées qui permettent aux élèves d’avoir accès à des lieux scolaires propices pour dispenser une éducation de haute qualité».  

«Les approches de financement à géométrie variable utilisées jusqu’à maintenant démontrent l’ouverture et l’esprit de collaboration qui anime l’ACEPO et ses membres», écrit la directrice Louise Pinet dans un courriel à L’Express.

Publicité

«Jusqu’à maintenant, les partenariats nous ont permis de poursuivre notre développement tout en protégeant notre identité francophone», assure Mme Wylde. «Je n’y vois que des avantages pour nos élèves, qui ont accès à de meilleures installations, et qui deviennent même encore plus conscients et fiers de posséder deux langues.»

«Pourquoi se contenter des restes?»

Le CSDCCS déteste notoirement ce genre d’accommodements, ce que confirme Mme Dufour-Séguin: «Pourquoi devrions-nous renoncer à nos droits, nous contenter des restes ou accepter des arrangements qu’on ne demande pas aux conseils scolaires anglophones, dont les effectifs sont en baisse, alors que les nôtres augmentent?»

Surtout, dit-elle, «c’est une pente glissante vers l’assimilation: aujourd’hui on nous demande d’accepter des édifices inadéquats; demain de partager avec une école publique ou une école anglaise; après-demain de ne plus être qu’un module francophone d’une grosse école anglophone»…

La présidente du CSDCCS dénonce également la formule de financement du ministère, qui favorise les grosses écoles, selon elle, alors que les Franco-Ontariens ont souvent de plus petites écoles.

Le commissariat aux services en français de l’Ontario s’est déjà intéressé au règlement sur le transfert d’écoles secondaires d’un conseil scolaire à un autre à Toronto, mais jamais encore à toute la question de la discrimination systémique alléguée ici. Un porte-parole du commissariat a confirmé que ce n’est pas dans ses priorités à l’heure actuelle.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur