5 ans sous Harper: prêt pour une majorité?

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Publié 26/01/2011 par François Bergeron

Le 23 janvier 2006, les Conservateurs de Stephen Harper délogeaient du pouvoir les Libéraux de Paul Martin, sans toutefois obtenir la majorité des sièges au Parlement. Le 14 octobre 2008, contre Stéphane Dion, Harper faisait élire 143 députés, un peu plus que la dernière fois (124), mais toujours sous la majorité. D’ailleurs, chaque fois que des sondages indiquent que les Conservateurs s’approchent du 40% d’appui populaire qui produirait un gouvernement majoritaire, un certain nombre d’indécis s’inquiètent et rejoignent les rangs de l’opposition, ou bien le gouvernement pose un geste malheureux qui lui fait perdre des intentions de vote.

N’empêche que rares sont les leaders qui auraient réussi à se maintenir au poste de premier ministre pendant 5 ans dans le contexte politique et économique que l’on connaît. Pour ce faire, il a cependant dû larguer des pans entiers de son programme économique et accepter – sous peine d’être renversé par une coalition libérale-néo-démocrate-bloquiste – d’afficher des déficits de dizaines de milliards de dollars pour protéger et éventuellement relancer l’économie face à la récession mondiale, début 2009.

Au Canada comme ailleurs, on débattra pendant longtemps de l’utilité réelle de ce train de dépenses publiques.

Mais peu de Conservateurs purs et durs lui reprocheront d’avoir agi ainsi, puisqu’il a tout de même profité de la faiblesse de ses adversaires pour imposer son agenda dans d’autres domaines: réduction de la TPS et de l’impôt des compagnies, création d’une myriade de crédits d’impôt pour les particuliers, prolongement de la mission en Afghanistan, appui inconditionnel à Israël, commandes de nouveau matériel militaire, échec aux enragés des changements climatiques, promotion du pétrole albertain, renforcement des peines pour divers délits, bientôt le droit pour les citoyens d’arrêter un criminel sans risquer d’être accusés à sa place…

Rester au 24 Sussex a également permis à Stephen Harper de continuer de nommer des sénateurs, des juges et des hauts fonctionnaires, ce qui n’est jamais négligeable. Les journalistes lui reprochent d’être distant et secret, mais ils seraient les premiers à le ridiculiser si ses députés pouvaient dire n’importe quoi et torpiller son action. Mieux vaut être traité de dictateur que de mauviette.

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Récemment, Harper a renouvelé son intention d’abolir le registre des armes de chasse (l’un des rares votes qu’il a perdus au Parlement contre l’opposition unie) et il s’est encore laissé emporter par son obsession pour un sénat élu (incompréhensible, franchement).

Ce gouvernement conservateur a aussi été remarqué pour ce qu’il n’a pas fait: recriminaliser l’avortement, revenir sur le mariage gai, restaurer la peine de mort. Certains diront qu’il ne le pouvait tout simplement pas, étant minoritaire, ou que c’est par calcul politique, pour ne pas nuire à ses chances de décrocher enfin une majorité aux prochaines élections, que presque tout le monde prévoit ce printemps. Non: ces questions ne sont plus que des épouvantails. Même si on peut, ici, souhaiter la peine de mort pour un Russell Williams, ou là, s’énerver face au mariage gai, ou encore déplorer l’avortement, on ne reviendra jamais là-dessus; les Conservateurs majoritaires le feraient à leurs risques et périls, et Harper est le premier à en prendre acte.

En 5 ans toutefois, le premier ministre n’a rien fait pour faire progresser le fait français au Canada. Il s’oppose à inscrire dans la loi l’obligation pour les juges de la Cour suprême d’être bilingues (un vote important là-dessus est attendu au Sénat). Il ne semble pas gêné que le Canada soit encore inféodé à la Couronne britannique. Sa reconnaissance des Québécois en tant que «nation», un geste purement symbolique qui ne lui a servi qu’à narguer le Bloc québécois pendant une semaine, ne lui a pas permis de percer dans la province francophone.

Évidemment, je pourrais me tromper: Harper pourrait mener une brillante campagne électorale, incluant un mémorable passage à Tout le monde en parle, et augmenter sa députation au Québec… Mais j’en doute.

Pourtant, de nouveaux chroniqueurs, le nouveau Réseau Liberté-Québec, même l’ADQ qui a refusé de disparaître, ont remis les idées de «droite» à l’ordre du jour au Québec. Bon nombre de citoyens sont frustrés de l’endettement du gouvernement provincial, de la médiocrité de ses services, des scandales de corruption, de la dictature des syndicats et des réflexes anti-capitalistes primaires de ses artistes. Ces citoyens seraient réceptifs au message de Harper, mais pour l’instant ses publicités pré-électorales en français vantent son parti comme celui des «régions» (québécoises évidemment), allant jusqu’à qualifier Gilles Duceppe de «trop Montréalais».

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On reste donc au niveau de la caricature, ce qui garantit un autre gouvernement minoritaire suite aux prochaines élections.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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