Le 23 janvier 2006, les Conservateurs de Stephen Harper délogeaient du pouvoir les Libéraux de Paul Martin, sans toutefois obtenir la majorité des sièges au Parlement. Le 14 octobre 2008, contre Stéphane Dion, Harper faisait élire 143 députés, un peu plus que la dernière fois (124), mais toujours sous la majorité. D’ailleurs, chaque fois que des sondages indiquent que les Conservateurs s’approchent du 40% d’appui populaire qui produirait un gouvernement majoritaire, un certain nombre d’indécis s’inquiètent et rejoignent les rangs de l’opposition, ou bien le gouvernement pose un geste malheureux qui lui fait perdre des intentions de vote.
N’empêche que rares sont les leaders qui auraient réussi à se maintenir au poste de premier ministre pendant 5 ans dans le contexte politique et économique que l’on connaît. Pour ce faire, il a cependant dû larguer des pans entiers de son programme économique et accepter – sous peine d’être renversé par une coalition libérale-néo-démocrate-bloquiste – d’afficher des déficits de dizaines de milliards de dollars pour protéger et éventuellement relancer l’économie face à la récession mondiale, début 2009.
Au Canada comme ailleurs, on débattra pendant longtemps de l’utilité réelle de ce train de dépenses publiques.
Mais peu de Conservateurs purs et durs lui reprocheront d’avoir agi ainsi, puisqu’il a tout de même profité de la faiblesse de ses adversaires pour imposer son agenda dans d’autres domaines: réduction de la TPS et de l’impôt des compagnies, création d’une myriade de crédits d’impôt pour les particuliers, prolongement de la mission en Afghanistan, appui inconditionnel à Israël, commandes de nouveau matériel militaire, échec aux enragés des changements climatiques, promotion du pétrole albertain, renforcement des peines pour divers délits, bientôt le droit pour les citoyens d’arrêter un criminel sans risquer d’être accusés à sa place…
Rester au 24 Sussex a également permis à Stephen Harper de continuer de nommer des sénateurs, des juges et des hauts fonctionnaires, ce qui n’est jamais négligeable. Les journalistes lui reprochent d’être distant et secret, mais ils seraient les premiers à le ridiculiser si ses députés pouvaient dire n’importe quoi et torpiller son action. Mieux vaut être traité de dictateur que de mauviette.