«Wherever qu’on va, on va y arriver»

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Publié 05/03/2013 par Paul-François Sylvestre

Pierre-André Doucet a publié un premier ouvrage intitulé Sorta comme si on était déjà là. «Sorta» vient de l’anglais «sort of», le titre est un exemple du chiac, dialecte franco-anglo-acadien parlé dans la région du sud-est du Nouveau-Brunswick. Ce recueil de «récits et d’errances» est principalement écrit en français standard, avec parfois des rares accents de chiac.

Je vous donne tout de go quelques exemples de chiac: «C’est fine, reste à Moncton comme tu veux / juste call-moi met que tu seye là, ok?» Pour décrire une averse, l’auteur écrit «y verse, y pour, et j’le prends. i take it in. je me laisse soaker.» Autre exemple: «Whatever que tu veux, buddy.»

Le style de Pierre-André Doucet, musicien de profession, est assez poétique. Un personnage prénommé Thomas se retrouve seul avec le coucher du soleil, au lieu d’un mec.

L’auteur écrit que les couleurs du coucher de soleil interpellent Thomas: «rose bleu mauve viens magenta orange feu rouge brûlé viens nuages pourpres bleus gris». Façon originale de décrire le plaisir solitaire.

Le contenu homosexuel de ce recueil est assez présent. Un jeune homme attend la visite de son frère et s’empresse de cacher les condoms, lubrifiants, affiches de rugbymen, magazines et photos compromettantes. Un autre baise avec un gars «qui lui avait fait un nombre honteux de propositions».

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L’errance est aussi très présente dans cet ouvrage. Un personnage maghrébin «oscille entre sable et eau… entre Allah et l’alouette».

Sorta comme si on était déjà là va dans tous les sens; on passe de la plage Parlee (N.-B.) au soleil afghan, puis à Soweto et Beyrouth. Pierre-André Doucet a d’ailleurs été finaliste aux Jeux de la Francophonie, tenus à Beyrouth en 2009, pour Deux préludes, opus posthume (qui est repris dans le recueil).

La thématique du recueil peut se résumer de diverses façons. Sans savoir qui on est et à quel groupe on appartient, mais n’ignorant pas «que la vie demeure imparfaite et instable», il est possible de croire que «wherever qu’on va, on va y arriver».

Une autre façon de cerner la thématique consiste à dire que «tu te trouves dans un alliage de schizophrénie de précarité sociale et de fatigue cumulée et l’air stagne et étouffe et les sorties ne sont pas clairement indiquées». Il nous faut souvent lire entre les lignes.

En résumé, Sorta comme si on était déjà là cherche à comprendre un monde devenu bordélique à notre insu.

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Pour y arriver, mieux vaut marcher avec une main qui se creuse dans la nôtre, comme une ancre dans le présent.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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