Emmanuel Macron président: ce n’est pas le «vide intersidéral»

Plus de 90% d’appuis à Macron chez nous

Le gouvernement nommé par Emmanuel Macron comprendra des personnalités de gauche, du centre et de droite.
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Publié 08/05/2017 par François Bergeron

Les citoyens français de l’Ontario et du Manitoba (le territoire du consulat de France à Toronto) ont voté massivement pour leur nouveau président, Emmanuel Macron, élu dimanche dans l’ensemble du pays avec 66,1% des suffrages exprimés, contre 33,9% pour Marine Le Pen.

L’équipe du consulat de Toronto, situé dans une tour à l’angle de Bloor et Yonge, avait pris des mesures pour accélérer la procédure pour ce deuxième tour. Le 22 avril (un jour avant le vote en France), des centaines d’électeurs avaient attendu pendant deux et parfois trois heures pour voter. Au matin du 6 mai, la queue paraissait encore plus longue, des Français de Toronto rapportant sur les médias sociaux avoir attendu quatre heures! C’est que tout le monde a décidé de s’y prendre plus tôt: à partir de 15h et jusqu’en soirée, l’attente n’était plus que d’une heure.

Selon le consulat de Toronto lundi midi:
Emmanuel Macron: 3 686 (91,74%)
Marine Le Pen: 332 (8,26%)
Nombre d’électeurs inscrits: 8 624
Nombre de votants: 4 112
Nombre de suffrages exprimés: 4 018 (donc 94 votes «blancs» et «nuls»)
Taux de participation: 47,68%

Pour toute la France, on calcule que 74,56% des citoyens inscrits sur les listes électorales sont allés voter, soit un taux d’abstention record de 25,44%. De plus, 8,51% des bulletins étaient «blancs» ou «nuls»: un autre record.

Victoire superficielle?

Cette désaffection de nombreux électeurs, au second tour, face au choix du centriste pro-européen ou de l’ultranationaliste anti-européenne (respectivement 24,01% et 21,3% au premier tour), était surtout celle d’une minorité appréciable de partisans du conservateur pro-européen François Fillon (20,01 %) et du néo-communiste anti-européen Jean-Luc Mélenchon (19,58 %).

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Près de la moitié de leurs voix se sont tout de même reportées sur Macron, tandis que presque tous les votes de l’écolo-socialiste pro-européen Benoit Hamon (6,36 %) ont été transférés à Macron, et presque tous ceux de l’autre nationaliste anti-européen, Nicolas Dupont-Aignan (4,7 %), ont été gagnés par Le Pen.

Tout le monde l’a dit: malgré cette ascension fulgurante – sans précédent depuis Napoléon – du jeune technocrate Emmanuel Macron, et malgré sa belle victoire en surface, la France resterait profondément divisée en pro et anti Europe/mondialisation/libéralisme/multiculturalisme.

Marine Le Pen, qui espérait atteindre 40% des suffrages, mais qui représente tout de même le tiers des Français, a annoncé une refondation de son Front national, qui veut maintenant fédérer d’autres «patriotes», à commencer par ceux de Dupont-Aignan qu’elle avait désigné comme premier ministre.

Législatives déterminantes

La bataille des législatives (11 et 18 juin) s’annonce féroce. Les vieux partis chercheront à défendre leur pertinence face au mouvement En Marche! du nouveau président, qui demandera une majorité parlementaire pour réaliser ses promesses, notamment une libéralisation des lois du travail et de la réglementation des entreprises pour dynamiser l’économie et réduire le chômage.

La gauche socialo-communiste est en crise, le Parti socialiste du président sortant François Hollande et de Benoit Hamon ayant été déclassé par les «Insoumis» de Jean-Luc Mélenchon. Mais justement, cette gauche dirigiste illuminée est divisée parce qu’elle compte encore beaucoup trop d’adeptes…

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Les Républicains conservateurs, plus populaires que leur candidat François Fillon et débarrassés de ses scandales, pourraient résister à la vague En Marche! et lui imposer une cohabitation… à moins que ses éléments plus centristes, à la Alain Juppé, passent carrément dans les rangs du mouvement/parti du nouveau président.

Emmanuel Macron, qui entrera officiellement à l’Élysée dimanche, veut  constituer un gouvernement rassemblant des personnalités du centre-droite et du centre-gauche. Si En Marche! a réussi, en un an, à faire élire son fondateur à la présidence, il pourrait fort bien réussir en un mois à décrocher une majorité de sièges à l’Assemblée nationale.

Réalisme vs utopie

Contrairement à ce qui a été dit (à gauche et à droite), ce n’est pas le «vide intersidéral» dans la tête du nouveau président, qui n’est pas qu’un créature de marketing. Il l’a démontré en défendant, avec aplomb et éloquence, son programme raisonnable et réaliste (courageux) à de multiples tribunes et sur de multiples plateaux médiatiques parfois hostiles.

L’élection de cet OVNI politique s’avérera salutaire si elle arrive à décrisper et à moderniser la politique française, comme le souhaiteraient les nouvelles générations, forçant la gauche et la droite traditionnelles à se débarrasser de leur rhétorique datant parfois de la Guerre froide.

L’idée que la France soit plus forte au sein de l’Union européenne et avec l’euro, qu’en revenant aux frontières et au franc, semble recevoir l’adhésion des deux-tiers des Français et expliquer le score de ce deuxième tour.

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Le nouveau président et son gouvernement rassembleur devront rester impitoyables face au terrorisme (comme il l’a promis), s’atteler à l’intégration des immigrants (à la canadienne?), simplifier le fonctionnement de l’UE et apprendre, avec elle, à gérer les crises migratoires. «La tâche est immense», a reconnu Emmanuel Macron, face aussi aux défis structurels comme la désindustrialisation, le commerce international et la création d’emplois dans les secteurs de pointe.

À Toronto, le comédien et travailleur en relations raciales Thomas Gallezot, infatigable soutien d’En Marche! sur Facebook, s’est félicité que «les objectifs que nous nous étions fixés ont tous été atteints». Si Macron échoue, avertit cet ex-socialiste français (également membre actif du NPD canadien) «ce seront les extrêmes nihilistes, identitaires et régressifs qui finiront par prendre le pouvoir».

L'attente était encore longue pour voter, samedi matin, au consulat de France à Toronto, mais ça s'est accéléré en après-midi.
L’attente était encore longue pour voter, samedi matin, au consulat de France à Toronto, mais ça s’est accéléré en après-midi.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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