Les Français ont leur propre mode de communication

Un premier livre publié d'abord en anglais pour Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow

Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow à l'AFT le 22 mars.
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Publié 28/03/2017 par Lila Mouch

George Bernard Shaw disait que les Américains et les Britanniques étaient deux peuples séparés par une même langue. On pourrait dire la même chose des Canadiens-Français et des Français de France.

C’est ce que soutient le couple de journalistes et écrivains Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow dans leurs livres à succès Les Français aussi ont un accent (Payot 2002), Pas si fous ces Français (Seuil 2005) et La Grande Aventure de la langue française (Québec Amérique 2007).

Ils viennent de publier – en anglais d’abord – The Bonjour Effect: The Secret Codes of French Conversation Revealed (St. Martin’s Press 2016) qu’ils traduiront peut-être par «Comment parler aux Français sans se fatiguer», le titre de leur conférence à l’Alliance française de Toronto ce mercredi 22 mars, qui a attiré un public enthousiaste.

Jean-Benoit Nadeau Julie Barlow«Bonjour» important

«Pourquoi on ne comprend pas les Français, et pourquoi ne comprennent-ils pas que nous ne les comprenons pas?» C’est l’hypothèse de Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow, fréquents visiteurs en France, ayant notamment vécu à Paris en 2013 et 2014 avec leurs deux jumelles.

C’est à l’issue de cette immersion en famille que le couple trilingue (français, anglais, espagnol) a écrit The Bonjour Effect. L’ouvrage décortique cet art bien français de la conversation, ses tabous et ses expressions mythiques, comme le fameux «bonjour».

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C’est dans un bus de Paris que le couple a réellement compris l’importance du «bonjour» pour les Français. N’ayant pas dit bonjour en entrant dans le bus, «le chauffeur nous a lancé un: ‘Oh les gens n’ont pas d’éducation!’»

Le «bonjour» est un terme qui a du sens, ce n’est pas juste un «bruit», appuie Julie. «Si on ne dit pas bonjour dans un magasin, on peut être sûr d’être mal servi.»

«Je ne sais pas» n’est pas français

Une chose a frappé Julie à son arrivée à Paris: le «non», ne signifie pas «non» pour les Français. «Comment comprendre un peuple qui, lorsqu’il dit non, ne dit pas réellement non?»

En réalité, «non» veut dire «peut-être, si tu es capable de me convaincre»!

D’ailleurs, les Français ne disent jamais «je ne sais pas», ajoute Jean-Benoît. Si les Français n’aiment pas cette expression, c’est que pour eux c’est une preuve d’imbécilité. Les Français valorisent tellement la connaissance et l’élitisme, que ne pas savoir serait une preuve de lacune et un manque de crédibilité.

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«Un Français n’avoue presque jamais le fait de ne pas savoir; cela a visiblement un rapport avec l’éducation scolaire française», nous dit Julie.

En effet, ses deux filles étant inscrites dans un établissement scolaire de Paris, elle remarque que l’éloquence y est valorisée. Les enfants doivent savoir s’exprimer, bien parler, et réciter des poèmes en public. Le couple explique que les enseignants disaient régulièrement: «votre fille est une bonne élève, mais il faut qu’elle parle plus, il faut qu’elle s’exprime».

Ce qui amène à comprendre pourquoi les Français aiment tant la conversation, le débat et de la confrontation.

 Taxe sur la valeur apparente

Au Moyen Âge, les Français payaient leurs taxes sur la valeur apparente. Un paysan payait plus cher s’il avait plus de fenêtres à sa maison. Le Français d’aujourd’hui évite de parler de son travail, son salaire, sa famille… Il ne parle pas tout de suite de sa richesse à moins que vous ne soyez amis; ce sont des choses privées.

«Par contre lorsque le Français commence à parler de ces sujets là, c’est alors un signal que votre relation évolue, c’est bon signe.»

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Un sondage du Printemps de l’optimisme à Paris remarquait un grand paradoxe français; montrant qu’entre 70 et 80 % des Français se déclaraient plutôt heureux dans leur vie personnelle et ces mêmes 80 % étaient négatifs envers la société, «ce qui constitue l’un des peuples les plus pessimistes du monde.»

Tout n’est pas compliqué chez les Français. Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow, donnent des clefs pour commencer une conversation, sans que notre interlocuteur se ferme. «Il suffit de commencer par: de quelle région êtes-vous?, vous pouvez enchaîner par des questions sur la cuisine, sur l’histoire de France, sur la langue française et sur les différences entre les hommes et les femmes».

Par contre, évitez de parler de nationalisme, d’intégration ou de partis politiques: «la politique est un sport violent en France». Parler de francophonie n’est pas non plus le sujet préféré des Français: pour la gauche politique, il y’a un rapport trop étroit à l’histoire de la colonisation, qui n’est pas toujours une source de fierté. Cela expliquerait d’ailleurs pourquoi l’histoire de la Nouvelle-France est si mal connue en France…

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