Le livre (ré)enchante le monde

Des écrivains de chez nous à la Foire du livre de Bruxelles

Montréal était à l'honneur pour son 375e anniversaire. (Photo: Nicolas Dot)
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Publié 13/03/2017 par Nicolas Dot

La Foire du livre de Bruxelles, événement incontournable de la vie culturelle belge, s’est achevée ce lundi 13 mars. Cet événement de cinq jours rassemble chaque année 182 exposants, 1 350 éditeurs, plus de 70 000 visiteurs et 925 auteurs sur une surface d’exposition de 17 500 m2.

Après avoir mis à l’honneur le Québec lors de l’édition 2015, c’est la ville de Montréal qui a reçu ce privilège en 2017. «Cette année marque les 375 ans de la ville. On a trouvé que c’était une belle façon de pérenniser ce qui a pu être construit sur ces trois dernières années», nous confie Grégory Laurent, coordinateur général de la Foire.

Une trentaine d’auteurs canadiens

Dans ce contexte, une trentaine d’auteurs québécois et franco-ontariens se sont donné rendez-vous dans la capitale européenne. Nous avons pu en rencontrer quelques-uns.

Didier Leclair tout d’abord, auteur engagé, lauréat en 2001 d’un Prix Trillium pour son ode à la ville reine Toronto, je t’aime, faisait la promotion de son nouvel ouvrage Pour l’amour de Dimitri (Prix Christine-Dumitriu-Van-Saanen du Salon du livre de Toronto 2016) qui dépeint des relations tumultueuses entre un père et son fils.

Cathon ensuite, illustratrice et écrivain de livres jeunesse, originaire de la ville de Québec, faisait sa seconde apparition à Bruxelles.

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Gabriel Osson, natif de Port-au-Prince et basé à Toronto, célébrait la sortie de son nouveau roman Hubert, le restavek, racontant la douloureuse histoire d’enfants haïtiens placés dans d’autres familles.

Enfin, le Québécois Patrick Senécal, célèbre romancier de polars, honorait pour la troisième fois le public bruxellois de sa présence.

Forte promotion de la lecture auprès des jeunes Belges. (Photo: Nicolas Dot)
Forte promotion de la lecture auprès des jeunes Belges. (Photo: Nicolas Dot)

Le livre en mutation

«Le livre permet aux enfants de grandir. À l’inverse, il permet à l’adulte de retourner en enfance. C’est une passerelle fondamentale», déclare Grégory Laurent.

L’an passé, ce Belge passionné de culture, nouveau coordinateur de la Foire, avait assumé un choix audacieux, dans le but d’accroître et de rajeunir l’audience du Salon. Il a opté pour la gratuité du droit d’entrée. «Avec la gratuité, on a remplacé le ticket d’entrée par un ticket de sortie: l’achat d’un livre», poursuit-il.

En effet, un des nombreux défis auquel le livre est confronté aujourd’hui, c’est sa capacité à s’adresser à un jeune public, de plus en plus submergé par un rythme de vie effréné.

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«Un jeune qui lit aujourd’hui, c’est un résistant», souligne Patrick Senécal. «Il faut pouvoir leur donner accès à des ouvrages simples, qui portent un certain message», déclare pour sa part Gabriel Osson.

En outre, le livre papier, tant de fois annoncé sur le déclin, survit malgré l’essor du numérique. «C’est bien parce qu’il est multiple, pratique, qu’aucun courant, aucun écran ou aucun entretien particulier n’est nécessaire, qu’il ne disparaît pas», explique Didier Leclair.

Pourtant, le livre papier ne doit pas se montrer hostile aux changements technologiques récents, selon ces auteurs. La révolution digitale et les synergies entre différentes formes artistiques permettent au livre de se réinventer constamment et d’entamer une mutation pleine de défis et d’opportunités. «La technologie est une nouvelle plume pour un écrivain. Cela doit venir en complément du papier», analyse Grégory Laurent.

Gabriel Osson en conversation avec le public belge. (Photo: Nicolas Dot)
Gabriel Osson en conversation avec le public belge. (Photo: Nicolas Dot)

Entre mémoire et patrimoine

Le thème de cette édition 2017, (Ré)enchanter le monde, était sans aucun doute un thème engagé vis-à-vis des dérives politiques et idéologiques auxquelles nous sommes confrontés.

«Il faut absolument faire comprendre que les écrivains, les conteurs, sont des ré-enchanteurs du monde», insiste Grégory Laurent.

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«Le livre participe à renforcer l’édifice de tout un patrimoine culturel. Plus on promeut des livres, plus la mémoire à l’universel se propage», avance Gabriel Osson.

Didier Leclair, pour sa part, juge que «les voix les plus sages les plus intelligentes sont souvent mises à l’écart. On va plus rapidement vers la petite phrase qui crée la polémique». Le livre, c’est donc aussi un vecteur d’apprentissage, de détachement du quotidien. Source d’inspiration, il offre à son lecteur un angle différent, le poussant parfois à agir.

«Le livre, c’est le pouvoir de murmurer à l’oreille de quelqu’un quelque chose d’autre», conclut Didier Leclair.

Au cœur du débat linguistique

Montréal a été mis à l’honneur cette année, mais c’est tout le Canada francophone qui a été invité à célébrer sa francophonie, avec fierté et conviction.

«C’est un clin d’œil fait par la communauté montréalaise aux auteurs franco-ontariens», se félicite Didier Leclair. L’auteur franco-torontois d’origine africaine connaît bien toute la complexité du débat linguistique canadien. «Être francophone en Ontario, c’est une cohabitation permanente», dit-il.

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Grégory Laurent mesure aussi l’importance de ce débat, fortement ancré en Belgique, entre Wallons et Flamands. «Il y a beaucoup de raisons historiques qui justifient le débat linguistique. Il y a souvent un bagage socio-culturel dur à porter. Il s’agit de travailler sur des dénominateurs communs, des choses qui nous rassemblent.»

Patrick Senécal, fait d’ailleurs écho à ce constat, en admettant que «la responsabilité est de part et d’autre. On reproche souvent aux Canadiens anglophones leur manque de curiosité et d’intérêt pour la culture francophone, mais au Québec, on ne fait pas beaucoup mieux. La langue est une barrière artificielle, c’est au travers de la culture que les choses peuvent évoluer et que les deux communautés pourront se rapprocher.»

Finalement, avec un peu de recul, certains auteurs et éditeurs se montrent optimistes. «Il y a de la bonne volonté, beaucoup de progrès», se réjouit par exemple Marc Haentjens, directeur général des Éditions David à Ottawa.

Patrick Senécal à la Foire du livre de Bruxelles. (Photo: Nicolas Dot)
Patrick Senécal à la Foire du livre de Bruxelles. (Photo: Nicolas Dot)

L’écrivain en quête de reconnaissance

Face à cette dimension linguistique et à une concurrence de plus en plus féroce et déloyale, vivre de son écriture paraît de plus en plus difficile.

Pourtant, les auteurs rencontrés sur la Foire déclarent à l’unisson leur amour pour la langue française, si riche, libre et expressive, mais parfois si difficile à faire porter.

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«En termes de rémunération, on te fait souvent des minis-avances, mais ce n’est pas suffisant, il faut avoir un autre job à côté. Mais, c’est devenu tellement précieux de travailler en français. Aux États-Unis, pour réussir à publier, il faut une histoire avec un scénario précis, clair et très classique. Parfois les grandes librairies refusent même des livres à cause de dimensions non compatibles aux tablettes. C’est important de garder l’ambiance dans laquelle on est et surtout dans laquelle on peut travailler en milieu francophone», insiste l’illustratrice Cathon.

Par ailleurs, la reconnaissance humaine est tout aussi importante. «Est-ce que je suis un auteur libre ou écris-je seulement pour avoir du succès? Continuerais-je à écrire même si le succès s’estompe? La célébrité, ce n’est pas une peur, mais c’est une pression que je ne néglige pas», concède Patrick Senécal.

Rendez-vous en 2018

Depuis maintenant quelques années, le stand de Québec Éditions à la Foire du livre de Bruxelles est particulièrement visité et apprécié par le public belge. «Ça fait quelques années que je viens ici pour découvrir des livres québécois», déclare Patricia, fidèle visiteuse de la Foire.

Patrick Senécal explique cet engouement: «Depuis quelques années, la littérature québécoise et canadienne francophone est rentrée dans la modernité. Il y a 30-40 ans, c’était davantage de la littérature de l’exode rurale, à la recherche de son passé. Aujourd’hui, il y a une diversité indispensable où les genres, les cultures et les ambiances foisonnent.»

Cet enthousiasme du lecteur a fait écho au plaisir avoué des écrivains et éditeurs canadiens. Selon Louise Alain, directrice marketing des éditions À lire, «il y a une parenté dans les thèmes, les styles. C’est très important d’étendre encore ces échanges».

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Cathon parlait «d’étalon du livre», Patrick Senécal de «rituel littéraire» à propos de cet événement. La Foire du livre de Bruxelles est en tout cas une plateforme d’expression foisonnante et nécessaire pour l’épanouissement de la francophonie, au-delà de toutes les frontières.

Des livres de tous les horizons de la francophonie. (Photo: Nicolas Dot)
Des livres de tous les horizons de la francophonie. (Photo: Nicolas Dot)

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