10,5 millions de frustrations

La majorité des Canadiens contre le versement de 10,5 millions $ à Omar Khadr

Omar Khadr à 15 ans (photo fournie par sa famille) et à 30 ans aujourd'hui (en entrevue à CBC la semaine du 1er juillet).
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Publié 10/07/2017 par François Bergeron

Le versement de 10,5 millions $ à Omar Khadr, en compensation pour l’indifférence ou la complicité du gouvernement canadien pendant ses huit années de détention à la prison américaine de Guantanamo, suivies de cinq autres années de prison en sol américain et finalement au Canada, indispose une majorité de Canadiens.

L’opposition conservatrice est apoplectique, le nouveau chef Andrew Scheer accusant le gouvernement libéral d’avoir capitulé devant «un terroriste avoué». Selon un récent sondage, les électeurs conservateurs sont effectivement les plus scandalisés, mais on trouverait aussi des majorités de mécontents chez les Libéraux et chez les Néo-Démocrates.

Né à Toronto d’un père égyptien et d’une mère palestinienne qui se sont finalement installés au Pakistan – chez Oussama ben Laden! – Omar Khadr et ses trois frères seraient passés par les camps d’entraînement d’al-Qaida en Afghanistan. Il a aussi une soeur aînée, tout aussi détestable, qui serait détenue en Turquie depuis le début de l’année.

Omar Khadr était cependant âgé de 15 ans seulement, le 27 juillet 2002, quand il a été trouvé seul survivant (blessé) d’une bataille entre les talibans et une unité américaine au cours de laquelle il aurait lancé la grenade qui a tué le militaire Christopher Speer.

Trois mois plus tard, le jeune Khadr était transféré de la prison de Bagram, la base américaine à Kaboul, à celle de Guantanamo, à Cuba, en tant que «combattant ennemi», une désignation inventée par Washington pour échapper aux conventions internationales et à la justice américaine.

Omar Khadr à Guantanamo en 2003: image d'une vidéo enregistrée secrètement alors qu'il était interrogé par des agents canadiens. (Photo: JTF=GTMO https://commons.wikimedia.org)
Omar Khadr à Guantanamo en 2003: image d’une vidéo enregistrée secrètement alors qu’il était interrogé par des agents canadiens. (Photo: JTF=GTMO https://commons.wikimedia.org)

Stephen Harper, qui a été premier ministre du Canada de 2006 à 2015, n’a jamais caché son hostilité envers toute la famille Khadr, canadienne sur papier seulement, et son indifférence face au sort d’Omar aux mains des Américains. Mais en 2002 et 2003, c’est Jean Chrétien qui était au pouvoir, suivi de Paul Martin de 2003 à 2006; ces premiers ministres libéraux ne lui ont pas manifesté plus de sollicitude.

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En 2010, la Cour suprême du Canada a établi que les droits d’Omar Khadr avaient été violés, mais n’a pas ordonné son rapatriement des États-Unis, infirmant ainsi des décisions des cours inférieures favorables à celui qui, plus tard la même année, face à un tribunal militaire américain, a plaidé coupable à des accusations de meurtre, tentative de meurtre, complot, soutien au terrorisme et espionnage.

«L’optique» a bien changé avec l’avènement de Justin Trudeau en 2015 et l’abandon par Ottawa, en février cette année, de l’appel en Cour suprême du Canada (initié sous Stephen Harper) contre une décision favorable à la libération sous caution d’Omar Khadr.

Décrit un peu abusivement comme un «enfant-soldat» (s’il a été «kidnappé», c’est par sa famille), son jeune âge en 2002 est tout de même la circonstance la plus atténuante ici. Ça et l’illégalité, l’immoralité, l’inutilité de la prison de Guantanamo, que Barack Obama n’a jamais réussi à fermer comme il l’avait promis.

Aujourd’hui, Omar Khadr répudie le terrorisme et parle même d’aider les jeunes tentés par la radicalisation. Même si ça fait partie de sa campagne de réhabilitation dans l’opinion publique, cela aide à faire passer la pilule à 10,5 millions $. Mais on ne peut pas s’empêcher de considérer que sa seule remise en liberté au Canada constituait déjà une compensation suffisante.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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