Valentin de Boulogne, une vieille connaissance

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Publié 15/06/2015 par Gabriel Racle

En dehors des spécialistes de l’art ancien ou des muséologues qui ont la bonne fortune de posséder une ou plusieurs de ses œuvres, le nom de Valentin de Boulogne ne dit généralement pas grand-chose à beaucoup.

Il s’agit pourtant d’une célébrité de l’art pictural dans les milieux artistiques de son époque et de son lieu de résidence, Rome.

Jean Valentin, dit Le Valentin, est un peintre français né en 1591 à Coulommiers (du latin Columbarium, colombier) en Île-de-France, plus célèbre de nos jours par son fromage que par la naissance du Valentin, dont la maison natale a brûlé au XVIIIe siècle. Mais pourquoi le nom de Boulogne lui est-il rattaché?

L’explication serait généalogique et viendrait du père, qui aurait vécu en Italie, ce qui lui aurait valu d’être nommé de Boulongue ou Boulogne (par corruption de Bologna), qui s’était établi à Coulommiers, où il eut trois fils, peintres estimés, dont Jean Valentin: «son véritable nom de famille est, comme en témoignent les registres des naissances, Rasset dit Boulongue».

Ces explications se trouvent dans un article du peintre de Coulommiers Anatole Dauvergne (1812-1879) de la revue l’Artiste (1847?). La ville de Bologne, au nord-est de l’Italie, aurait ainsi donné son nom, par déformation, aux Valentin.

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Le peintre

Il faut dire que la biographie de ce personnage est assez énigmatique. On ne sait s’il a suivi une formation autre que celle que lui aurait donnée son père, peintre-verrier lui-même. Il s’est rendu en Italie, à Rome, où il serait arrivé avant 1614, à une date inconnue.

On ne dispose que de renseignements imprécis sur les peintres qu’il aurait fréquentés ou avec lesquels il aurait travaillé. On mentionne le nom du français Simon Vouet (1590-1649) qui a connu un grand succès dans les milieux romains. Valentin a-t-il étudié avec Bartolomeo Manfredi (1582-1622), un des grands disciples du Caravage dont il simplifie le langage?

Ayant noué des liens avec de puissants mécènes, il reçoit de nombreuses commandes et devient alors célèbre dans le monde romain. Peignant notamment des scènes de genre et des tableaux religieux, il va faire carrière essentiellement à Rome, où il décède à l’âge de 41 ans, en 1632, dans des circonstances romanesques.

Il s’était baigné dans les eaux glacées de la fontaine Barberini au cours d’une nuit où «il avait pris force tabac et bu du vin outre mesure», selon les chroniqueurs de l’époque. Le refroidissement contracté alors lui est fatal et il est enterré le 20 août 1632.

Style

Valentin de Boulogne est classé parmi les caravagesques, ces peintres qui selon leur talent s’efforcent de prolonger l’œuvre picturale révolutionnaire du Caravage (1571-1610, L’Express 12 juillet 2011). Ils interprètent à leur manière quelques caractéristiques des œuvres du Caravage: clair-obscur, personnages de la vie quotidienne, visages très expressifs, mélange du sacré et du profane, violence manifeste.

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Ils son nombreux à Rome à suivre cette voie. Le Valentin, «romain d’adoption, habitué des milieux louches, affilié à l’association des Bentvogels (la joyeuse compagnie des artistes nordiques), mais solitaire dans son art et fidèle à l’austérité passionnée de Caravage» s’y distingue par son talent. (Encyclopædia Universalis) On l’a retrouvé dans «Les Bas-fonds de Rome.» (L’Express 24 mars juillet 2015).

Progressivement d’ailleurs, il s’éloigne d’une imitation de son maître-modèle. «Aux œuvres du début, jusque vers 1620-1622, appartiennent les compositions mouvementées, en diagonale, aux volumes fortement modelés par un éclairage contrasté, aux types populaires assez brutaux, à la manière de Manfredi et peut-être des Hollandais. Peu à peu, la structure est clarifiée, parfois selon un schéma d’horizontales et de verticales». (Idem)

«Ses toiles montrent un «art bien personnel, sensible aux nuances les plus subtiles, plein d’ardeur fiévreuse et de délicate mélancolie, ‘romantique’ si l’on veut». (Larousse.fr)

Œuvres

On compte une quarantaine de tableaux du Valentin, dispersés dans plusieurs musées du monde: New York (Met, Le joueur de luth), Paris (Louvre), La Valette (Judith et Holopherne), Rome (divers musées), Los Angeles (Le concert), Versailles (musée du château), Dresde (Les tricheurs), Toulouse (Judith), Cleveland (Samson), Vienne (Moïse), etc.

Le Musée des beaux-arts de Toronto détenait en dépôt depuis 1970 Un concert avec la diseuse de bonne aventure. Le tableau acheté par le prince du Liechtenstein a gagné en 2003 le Liechtenstein Museum, qui n’est pas à Vaduz mais à Vienne, en Autriche.

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Montréal

C’est au Musée des beaux-arts de Montréal que l’on peut voir le seul tableau du Valentin qui se trouve au Canada. C’est Le sacrifice d’Abraham (1630-31), don de Lord Strathcona et de la famille.

Cette œuvre représente l’épisode de l’épopée d’Abraham qui doit sacrifier son unique fils Isaac à la demande de Dieu. Le Caravage a traité le sujet (1559 et 1603). Valentin modifie l’œuvre violente du maître pour produire une image émouvante où l’enfant se résigne à l’acte sacrificiel qu’un ange empêche son père d’accomplir. Cette peinture est restée inachevée à la mort de l’artiste.

Le 24 février dernier, le MBAM annonçait la fin des travaux de restauration (500 heures) de cette œuvre majeure du Valentin, qui n’était plus présentée au public depuis près de 40 ans.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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