Va pour une Journée contre l’islamophobie le 29 janvier

Comme pour Polytechnique

islamophobie Collège français Toronto
Vigile au Collège français de Toronto, l'an dernier, après la tuerie à la mosquée de Québec.
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Publié 11/01/2018 par François Bergeron

Prédiction: l’opposition à l’idée de proclamer annuellement le 29 janvier «Journée nationale de commémoration et d’action contre l’islamophobie» ne durera pas longtemps, et le gouvernement canadien finira par l’adopter.

C’est bien le minimum qu’on peut faire pour commencer à réparer le mal qui a été fait quand Alexandre Bissonnette, 27 ans, a abattu six personnes et en a blessé huit autres au Centre culturel islamique de Québec l’an dernier.

C’était le geste d’un seul déséquilibré, pas de tout un peuple «islamophobe» ou «raciste». Comme le massacre de 14 femmes à l’École polytechnique de Montréal par Marc Lépine le 6 décembre 1989, qu’on souligne annuellement par une «Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes», n’accuse pas tous les hommes d’être des brutes.

C’est le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), appuyé par des dizaines de partenaires, qui en fait la proposition dans une lettre au premier ministre Justin Trudeau le 5 janvier.

Quelques politiciens et commentateurs (québécois surtout) ont exprimé des réticences, invoquant l’ambiguïté du mot «islamophobie» ou un danger de limiter la liberté d’expression dans les débats sur l’immigration, la modernité ou les religions.

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Ne pourrait-on pas remplacer «islamophobie» par «sentiment anti-musulman»? Ou dénoncer «la violence antireligieuse» en général?

Non, malgré l’étymologie et la connotation psychiatrique du mot «islamophobie», tout le monde comprend bien qu’on désigne la détestation aveugle de tous les musulmans menant à des gestes violents, pas la critique légitime de l’Islam, des sociétés musulmanes ou de nos politiques d’immigration.

Idem, d’ailleurs, pour «l’homophobie», qui désigne une persécution, pas une peur. Et diverses manifestations sont organisées chez nous lors de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie (17 mai) sans que notre civilisation s’écroule.

«Les communautés musulmanes canadiennes sont toujours bouleversées par ces horribles attentats» du 29 janvier 2017, écrit le CNMC. «Pour la toute première fois dans l’histoire du Canada, un lieu de culte a été la cible d’un acte de violence horrible uniquement parce que les personnes visées – les victimes – étaient des musulmans.»

C’est incontestable, et il est essentiel d’empêcher que de tels actes haineux et violents se reproduisent. Une Journée de commémoration et d’action y contribuerait. Cela n’invaliderait aucunement la loi québécoise sur les services publics offerts et reçus à visage découvert (à laquelle s’oppose le CNMC) ni la promotion d’une telle mesure ou de la laïcité en général dans tout le pays.

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Malheureusement, le CNMC prête flanc aux accusations de vouloir miner nos libertés d’opinion et d’expression en ajoutant, dans sa lettre à Justin Trudeau, que «nous ne pouvons permettre à des voix de haine, même celles qui semblent de premier abord inoffensives, de s’infiltrer dans nos discours publics et de porter atteinte à notre tissu social». Désolé, on ratisse trop large ici.

Malgré tout le respect qu’on doit aux victimes de la tuerie de Québec, notre Charte canadienne des droits et libertés continuera de primer, et de protéger autant la parole «sectaire» que la parole «inclusive». C’est la violence physique et la discrimination active qu’on veut éradiquer – par l’expansion de la conversation publique, pas sa limitation.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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