Utilise-t-on trop de pesticides ?

Il importe de mieux contrôler les organismes nuisibles, mais il n’est peut-être pas nécessaire d’épandre à tous les coups
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Publié 19/07/2018 par Julie Champagne (Agence Science-Presse)

Le débat sur les pesticides porte souvent sur les risques qu’ils représentent pour l’environnement et la santé humaine. Mais à quel point sont-ils nécessaires à la productivité des exploitations agricoles? Et est-on bien sûr de devoir en utiliser autant?

Protection

Les pesticides protègent les cultures contre différentes menaces — insectes, mauvaises herbes, maladies, champignons… En minimisant les pertes, ces produits améliorent donc le rendement des récoltes, une préoccupation d’autant plus importante que les revenus des agriculteurs laissent peu de place aux imprévus.

Un pesticide peut être utilisé pour combattre un ennemi déjà présent — on parle alors d’une utilisation «curative», comme dans «guérir» — ou il peut être utilisé de manière «préventive», pour empêcher cet ennemi de s’approcher.

Au Canada, les semences enrobées de pesticides — et utilisées donc de manière «préventive» — sont la norme: plus de 95% des semences de maïs et de 35 à 50% pour celles de soya.

Prévention

L’objectif est de prévenir en amont les dommages causés par les insectes ravageurs. Pourtant, dans les faits, seule une minorité de champs devrait être ainsi traitée.

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En effet, les suivis du Réseau d’avertissement phytosanitaire du ministère québécois de l’Agriculture, entre 2011 et 2015, ont conclu que moins de 10% des champs dépistés dépassaient le seuil où le nombre de ravageurs pouvait être problématique.

«C’est un peu comme si on prenait des antibiotiques à l’année pour éviter d’avoir la grippe», explique Nadine Bachand, chargée de projet pesticides et produits toxiques chez Équiterre. «Adopter d’autres pratiques culturales et favoriser une approche au cas par cas pourrait limiter l’utilisation des pesticides.»

Surutilisation

Les néonicotinoïdes, en plus d’avoir acquis une réputation de «tueurs d’abeilles» entrent dans cette catégorie d’insecticides qui sont probablement trop utilisés à des fins préventives.

Une étude québécoise réalisée par le CÉROM, sur 800 sites et échelonnée sur six années, conclut que moins de 4% des terres agricoles ont suffisamment d’insectes pour justifier l’utilisation de traitements de semences aux néonicotinoïdes.

Dans l’optique de réduire la dépendance aux pesticides, les producteurs devront bientôt obtenir une autorisation de la part d’un agronome pour utiliser certains pesticides, dont trois de la famille des néonicotinoïdes. L’été 2018 sera ainsi la dernière saison où ces substances pourront être utilisées sans restriction.

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Productivité

Qu’en est-il de l’impact sur la productivité des champs? Un rapport d’expert remis au gouvernement français en décembre 2017 révèle que dans certaines exploitations, il est possible de supprimer les pesticides sans baisse de rendement, particulièrement dans le cas des désherbants.

On fait notamment état dans ce rapport de l’expérience du réseau Ferme Dephy regroupant 3000 exploitations agricoles françaises: 94% des agriculteurs ont maintenu leur rendement et 78% ont gardé leurs revenus en utilisant un tiers de pesticides en moins que la moyenne.

Les auteurs nuancent toutefois en spécifiant que ces données ne s’appliqueraient probablement pas à certaines cultures plus capricieuses, comme le blé. De plus, l’émergence de nouveaux insectes nuisibles rend parfois nécessaire le traitement par pesticide.

Faible impact

L’utilisation de certains des herbicides synthétiques, comme l’atrazine, aurait également un faible impact sur la rentabilité: «Cet herbicide est le plus répandu au Canada, mais il est interdit en Europe depuis 12 ans», explique Nadine Bachand.

«Il entraîne une augmentation du rendement du maïs de 3 à 4% dans les meilleurs scénarios et, dans les pires, aucune augmentation

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Verdict

Il est toutefois impossible de poser un tel verdict sur l’ensemble des pesticides. Par exemple, dans certaines régions, les cultures de canola sont complètement ravagées par les altises — de petits coléoptères s’attaquant aux plantes potagères — si les semences ne sont pas enrobées d’imidaclopride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes.

Si les données ne permettent pas de tirer une conclusion définitive, l’utilisation tous azimuts des pesticides n’est pas une panacée. Les zones floues démontrent la nécessité de poursuivre les efforts de recherche. Il importe de mieux contrôler les organismes nuisibles, mais il n’est peut-être pas nécessaire d’épandre à tous les coups, « au cas où » les organismes nuisibles se présenteraient.

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