Université franco: pour qui et pourquoi?

Grand débat Radio-Canada Université de l'Ontario français
Le panel de discussion le 6 mars: Carol Jolin, Stéphanie Chouinard, Luc Bussières, Koubra Haggar, Donald Ipperciel, Josée Joliat, Louis-Philippe Dion, Pablo Mhanna Sandoval
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Publié 19/03/2018 par Annik Chalifour

Les débats organisés par Radio-Canada à Toronto vont bon train concernant le méga projet d’Université de l’Ontario français (UOF). Tout le monde s’entend pour affirmer qu’il s’agit d’une opportunité incontournable.

Toutefois certaines dimensions de cet ambitieux projet demeurent sensibles. Par exemple, devrait-on établir un seul établissement quelque part dans le Grand Toronto, ou plusieurs campus à travers l’Ontario?

Abordons le sujet en fonction de qui fréquentera l’UOF, et pourquoi sa création est-elle indispensable?

Pour qui?

On peut dire que la nouvelle université sera dédiée à tous les francophones et francophiles nés en Ontario, plus tous ceux qui s’y sont établis en provenance d’ailleurs. Or, qui sont les Franco-Ontariens d’aujourd’hui et où vivent-ils?

Selon le site du Commissariat aux services en français, qui utilise une «définition inclusive» plus généreuse que Statistique Canada, l’Ontario comptait 611 500 francophones en 2011 (622 640 en 2016: la nouvelle infographie du CSF sortira ce printemps), dont une pluralité vit dans l’Est de la province.

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Faudrait-il donc établir le campus principal dans la région d’Ottawa? Pas nécessairement: dans quelques années, c’est dans le Centre-Sud-Ouest qu’on trouvera une pluralité de francophones.

Par ailleurs, 85% des étudiants fréquentant nos deux collèges d’études postsecondaires de langue française à Toronto, Boréal et La Cité, sont des nouveaux immigrants issus de la francophonie mondiale, plus des étudiants internationaux. Ces nouveaux arrivants francophones constituent une nouvelle démographie multiculturelle – en plein essor dans le Centre-Sud-Ouest – et le futur moteur de notre économie.

Ainsi, l’établissement de l’UOF à Toronto est-il pertinent? Oui, si l’on considère que l’un des principaux défis économiques de l’Ontario – comme ailleurs au pays – consiste à former notre nouvelle démographie grandissante afin qu’elle puisse nous faire prospérer.

Soulignons que la gestion de cette université devrait répondre aux besoins d’une clientèle en grande partie immigrante face à la réalité de notre marché du travail: anglo-dominant, capitaliste, démocratique.

Notre université devrait fournir des services d’aide à l’emploi (comme toutes les autres universités canadiennes). C’est-à-dire, d’une part, sensibiliser les étudiants nouveaux arrivants aux compétences exigées sur le marché du travail ontarien. Mais aussi, d’autre part, sensibiliser les employeurs ontariens en matière de politique d’inclusion culturelle.

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Car nos employeurs sont-ils aptes à intégrer notre démographie francophone multiculturelle au sein de leurs entreprises? Une question cruciale de progrès socio-économique.

Pourquoi?

On peut dire que, depuis 10 ans, l’Ontario français a fait certains pas de géant, et que nos politiciens semblent vouloir séduire l’électorat franco-ontarien et saisir – un peu mieux – l’importance et l’influence de la francophonie afin d’assurer l’évolution positive de la province.

Voici quelques étapes révélatrices. L’Ontario détient son ministère autonome des Affaires francophones depuis 2017; est membre observateur de l’Organisation internationale de la francophonie depuis 2016; soutient l’application de la Loi sur les services en français de 1986 (LSF) avec l’apport du Commissariat aux services en français depuis 2007.

En 2016, le commissaire François Boileau a recommandé la refonte complète de la LSF. On attend de savoir qui prendra le leadership pour faire avancer le projet à l’Assemblée législative. Un gouvernement ontarien visionnaire, bilingue à 100%, Pourquoi pas?

En 2012, M, Boileau a publié un rapport spécial d’enquête sur l’éducation postsecondaire intitulé L’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario : Pas d’avenir sans accès. Les enjeux sont clairs: Pas d’avenir sans accès.

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Par ailleurs, l’évolution économique de l’Ontario dépend en grande partie de ses relations avec notre voisine francophone, le Québec. En 2016, l’Ontario et le Québec ont signé sept ententes au terme de la rencontre des Conseils des ministres dans les domaines de l’innovation, du commerce de l’électricité, de l’environnement, du développement du Nord, de la culture, de la coopération réglementaire et de la foresterie.

L’Ontario et le Québec forment la plus importante région économique au Canada, comptant pour environ 56% du PIB et 53% du commerce interprovincial.

Rappelons aussi les fonctions du Bureau du Québec à Toronto (BQT) ciblant les relations fructueuses sur les plans intergouvernemental et institutionnel entre le Québec et l’Ontario, et les autres provinces. Le BQT joue un rôle de liaison actif auprès des ministères et organismes ontariens, incluant nos institutions académiques.

La région du Grand Toronto – à une heure de vol de Montréal – représente notre pivot économique interprovincial, national et international.

Donc, pourquoi ne pas démarrer le projet en établissant le premier campus de l’Université de l’Ontario français au cœur du Centre-Sud-Ouest, centrée sur  la francophonie au sens large? Une question de vision sociale, économique, et politique. Démarrons au plus vite!

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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