Un mystérieux portrait de la princesse Anastasia

Bientôt dévoilé au Arts and Letters Club de Toronto

Jim Watt et Veronica Kvassetskaia-Tsyglan tenant le portrait d'Anastasia.
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Publié 16/10/2017 par Laurie Humbert


L’annonce est intrigante: le 4 novembre prochain sera dévoilé au Arts and Letters Club de Toronto un nouveau portrait de la plus jeune – et plus connue – des filles du dernier tsar de Russie Nicolas II, Anastasia.

L’oeuvre a été commissionnée par le docteur Jim Watt, originaire de Montréal, à la peintre torontoise d’origine russe Veronica Kvassetskaia-Tsyglan.

Bâtiment du 19e siècle se trouvant à deux pas du square Yonge-Dundas, au cœur de l’agitation du centre-ville, le Arts and Letters Club s’établit sur trois étages de grandes salles d’exposition, de théâtres et de pièces plus intimes. Des hommes et des femmes d’un certain âge déambulent dans les nombreux couloirs au parquet grinçant – car d’époque, comme l’entière structure du bâtiment.

Un restaurant, un bar privé, de petites salles de conférences… Il y a de quoi s’occuper toute une journée dans l’édifice, si l’on éprouve un intérêt particulier pour les arts, les lettres et les vieilles choses. Aux murs, des tableaux de grands peintres, dont certains valent des centaines de milliers de dollars.

L'édifice du Arts and Letters Club, le St. George Hall, au 14 rue Elm au centre-ville de Toronto.
L’édifice du Arts and Letters Club, le St. George Hall, au 14 rue Elm au centre-ville de Toronto.

Une descendance

Anglophone qui ne cache pas sa joie de pouvoir pratiquer son français, Jim Watt est assez bavard. Il cultive avec excitation un certain mystère autour de sa personne, de son attrait pour les arts visuels et de sa passion pour l’Histoire.

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D’abord grand collectionneur de timbres – il révèle sur le ton de la confidence qu’il en possède une très riche collection – il se passionne désormais pour ce qu’il qualifie de «plus grandes pièces»: des peintures de maîtres représentant des paysages, des scènes de Paris, et maintenant un portrait…

Son intérêt pour l’Histoire s’expliquerait par le fait qu’il est lui-même un «descendant». Son ancêtre n’est autre que James Watt, l’inventeur de la machine à vapeur, avec qui il maintiendrait une «connexion». Selon lui, «l’Histoire [le] suit».

Veronica Kvassetskaia-Tsyglan est moins submergée par les émotions. Elle observe de ses yeux gris et, quand elle s’exprime, son ton est posé. Elle parle du Club, de son arrivée au Canada, de sa famille, de sa passion pour le portrait. Pourtant, au fur et à mesure de la conversation, elle aussi adopte un ton plus confident, plus mystérieux.

Une troisième personne est là, du moins dans les pensées et dans les mots: Anastasia.

Le tsar Nicolas II et sa famille. La princesse Anastasia tient la main de son petit frère Alexei.
Le tsar Nicolas II et sa famille. La princesse Anastasia tient la main de son petit frère Alexei.

La révolution bolchévique

En 1917, alors que la Première Guerre mondiale bat son plein, la révolution russe éclate, mettant fin au régime tsariste et installant le régime bolchévique, communiste.

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En 1918, après plusieurs mois passés en détention, toute la famille impériale, dont l’empereur qui a abdiqué, est exécutée. Nicolas II et sa femme Alexandra Fedorovna-Romanova ont quatre filles, Olga, Tatiana, Maria et Anastasia, et un garçon, Alexei. La plus jeune, Anastasia, est âgée de 17 ans en 1918.

Alors, un mystère qui durera près d’un siècle s’installe autour de la mort, ou plutôt de la potentielle survie d’Anastasia Nikolaïevna de Russie. De rapports en controverses, on pense qu’elle a survécu à l’exécution. Par la suite, plusieurs femmes déclarent être Anastasia, dont la plus connue est Anna Anderson.

Ce n’est qu’en 2008 que tous les corps de la famille royale seront retrouvés, et les théories de survie de la jeune Anastasia discréditées.

L’histoire d’Anastasia a passionné scientifiques, historiens et artistes. Jim Watt, médecin radiologue, aimerait être un peu des trois.

C’est au Arts and Letters Club qu’il a fait la connaissance de Veronica Kvassetskaia-Tsyglan. Jim Watt l’a choisie pour commissionner son premier portrait, lui qui collectionnait plutôt les paysages. Prenant en compte les origines de la peintre, et dans la logique de sa passion pour l’Histoire, il choisit le personnage d’Anastasia.

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Il a fallu une année de travail à Veronica pour réaliser le portrait, travaillant avec des photos en noir et blanc provenant d’archives historiques: des portraits officiels de la jeune fille, à différentes époques; des photos d’Anastasia et ses sœurs, le crâne tondu, datant de leur période de détention; il y a même des photos qui juxtaposent les visages des jeunes filles à leurs crânes retrouvés 90 ans plus tard.

Tentative d'identification des crânes des enfants du tsar Nicolas II, exécutés par les Bolchéviques.
Tentative d’identification des crânes des enfants du tsar Nicolas II, exécutés par les Bolchéviques.

Des vibrations…

Le talent de Veronica Kvassetskaia-Tsyglan, selon elle-même et Jim Watt, réside en ce qu’elle parvient à faire «vibrer ses sujets sur la toile, à leur donner vie, à peindre leurs âmes». Veronica confie qu’à sa connaissance, seules trois personnes vivantes expérimentent cette technique secrète, celle des Vieux Maîtres.

L’un se trouve en Chine, l’autre en Italie, et Veronica serait la troisième. Qui lui a donné ce secret? Selon la peintre, il est venu à elle, à force de travail. «J’ai dédié ma vie à la recherche de la recette pour donner vie à un portrait, pour le faire vibrer.»

Veronica détaille sa «recette» selon cinq éléments: le rouge pour le sang, le bleu pour les veines, le jaune pour la peau, le blanc pour les os, et le noir pour les cheveux. Le reste, c’est secret.

Elle nous confie que, lorsqu’elle peint, elle établit une «connexion mentale» avec son sujet. Ce n’est pas la beauté physique qu’elle veut représenter, mais elle lit «dans l’âme, à travers les yeux», elle peint une personnalité. Elle indique même pouvoir déterminer, en voyant la photographie d’une personne, si cette dernière est vivante ou non.

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… négatives

«Lorsqu’elle peignait, Veronica a utilisé la lumière d’une bougie», indique Jim, les yeux brillants. Une technique de peinture? «Non, c’était comme une prière.»

Veronica explique alors que des choses étranges se sont passées quand qu’elle peignait le portrait de la jeune fille défunte. «Il y avait des énergies négatives, des choses tombaient autour de moi, je ressentais de mauvaises vibrations.» Elle a donc dirigé une prière à la jeune Anastasia afin d’avoir son consentement pour le portrait.

La peintre désigne des tableaux récents, exposés à un mur de la pièce qui prenait des airs de dimension parallèle: «Ces peintures, elles ne vibrent pas. On ressent des choses, mais il n’y a pas de vie.»

Veronica et Jim auraient donc ressuscité Anastasia, et elle se trouve emballée dans ce grand sac noir que la peintre tient près d’elle.

Afin de dévoiler le portrait en avant-première pour L’Express, Jim et Veronica s’installent dans la bibliothèque, une petite salle intime. Il y a deux fauteuils où s’assoient les deux amis. Le troisième et dernier fauteuil est lui aussi occupé, par un homme portant un kilt, qui feuillette un vieux livre. Une troisième présence en chair et en os cette fois.

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Anastasia à 13 ans

Selon Jim, Veronica est parvenu à «raviver la joie de vivre sur le visage d’Anastasia».

Ils ont choisi de représenter la jeune fille à l’âge de 13 ans, quatre ans avant sa mort, période où elle était la plus jolie d’après eux. «Anastasia a été pour Veronica l’un des portraits les plus difficiles à réaliser», nous explique Jim.

Ils dévoilent alors le portrait avec sérieux et émotion. Jim désigne l’arrière plan qui s’inspire du peintre Caravaggio, et le visage (nez et menton) peint selon les techniques qu’utilisait le français Jean-Baptiste Greuze. La touche personnelle de Veronica, ce sont les yeux d’Anastasia.

Rendez-vous au Arts and Letter Club le 4 novembre prochain à 19h pour découvrir le dévoilement officiel de l’œuvre, en présence de Jim Watt, de Veronica Kvassestkaia-Tsyglan, mais aussi de l’historien James A.S. Thompson, du directeur artistique du Toronto Theatre Academy Tim Kachurov, et de Olga Tihonovna Kulikovsky, la petite-fille d’Olga Alexandrovna, la sœur du tsar Nicolas II. Le dévoilement est gratuit; vous pouvez réserver votre place sur le site Eventbrite.

La princesse Anastasia
La princesse Anastasia

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