Un étudiant gai poursuit l’école Sainte-Famille pour discrimination

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Publié 18/02/2014 par François Bergeron et Paul-François Sylvestre

Christopher Karas, un étudiant de 12e année de l’école secondaire catholique Sainte-Famille, à Mississauga, a déposé le 5 février une plainte contre son école et contre le Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, alléguant plusieurs gestes de discrimination à son égard en raison de son homosexualité et de son militantisme pour la cause LGBT.

La plainte, dont L’Express a obtenu copie, n’est pas encore acceptée par le Tribunal. Quand elle le sera (personne n’en doute), la direction de l’école et celle du Conseil scolaire en seront officiellement informées et auront un mois pour y répondre. La procédure et les audiences pourraient ensuite prendre plusieurs mois; le verdict pourrait ne pas tomber avant un an.

En anglais

La plainte est rédigée en anglais, même si le plaignant, l’intimé et leurs avocats sont tous francophones.

Selon Me Jean-Alexandre De Bousquet, qui représente Christopher Karas, l’étudiant de 19 ans cherche ainsi à maximiser la visibilité de l’affaire. «Ce n’est pas une cause sur les droits des francophones, mais bien sur les droits de tous les gais, francos et anglos», a justifié Me De Bousquet en entrevue à L’Express.

Il ne croit pas que cela affecte la crédibilité de son client.

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L’avocat s’attend cependant à ce que le CSDCCS se défende en français et que plusieurs des procédures soient bilingues.

Le CSDCCS répondra

N’ayant pas été avisé formellement ni du dépôt ni du contenu de la plainte, le CSDCCS n’est pas en mesure de la commenter ou de répondre aux questions des médias, a fait savoir la directrice des relations corporatives Mikale-Andrée Joly.

«Les prochaines actions du CSDCCS seront de se prévaloir du contenu de cette plainte et d’en faire l’analyse. Le CSDCCS entend par la suite élaborer sa position et soumettra sa réponse en temps et lieu au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.»

Opposé au cours de religion

Selon la plainte, c’est en septembre 2012 que Christopher s’oppose à suivre un cours de religion que l’école considère obligatoire. Or, l’article 42 (12) de la Loi sur l’éducation stipulerait qu’aucun élève ne doit être obligé de suivre un cours d’études religieuses s’il en fait une demande écrite.

Toujours en septembre 2012, durant un cours de psychologie, l’enseignant aurait indiqué que les couples homosexuels sont exclus de la structure familiale. Christopher et d’autres élèves auraient contesté cette remarque, mais le professeur aurait précisé: «ceci est une école catholique et les couples homosexuels ne sont pas inclus dans les structures familiales».

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Christopher déplore aussi qu’un enseignant ait changé de chambre des élèves qui ne voulaient pas dormir dans la même chambre que lui lors d’un voyage scolaire à Ottawa.

Livre homophobe

Vers le mois d’octobre 2013, sa classe de français doit lire le roman Poison, de Doric Germain. Un personnage secondaire est décrit comme un gai qui boit et se drogue. Selon l’avocat de Christopher, le livre sous-tend que les homosexuels ne peuvent pas mener une vie saine et productive.

Quand Christopher s’est plaint du contenu «homophobe» de Poison à la direction de l’école, on lui aurait répondu que l’école n’a pas le mandat de censurer la littérature. Mais lorsqu’il a demandé à l’école d’inclure un livre présentant une image positive des gais, on lui aurait répondu que cela irait à l’encontre des politiques de l’école.

Alliance gais-hétéros

En mars 2012, Christopher lance l’idée de créer une Alliance gais-hétéros à l’école secondaire Sainte-Famille. Toujours selon la plainte, la direction de l’école informe Christopher que le Conseil scolaire ne croit pas qu’un tel groupe soit conforme à l’enseignement catholique.

Une vingtaine de mois plus tard (octobre 2013), Christopher crée Porte ouverte, l’équivalent d’une Alliance gais-hétéros, une initiative encouragée par le gouvernement provincial dans sa nouvelle «Loi pour des écoles tolérantes».

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Lorsque Porte ouverte a voulu poser des affiches comportant une citation de Harvey Milk («Tous les jeunes gens, sans égard à leur orientation ou identité sexuelle, méritent un environnement sécuritaire et de soutien dans lequel ils peuvent s’épanouir pleinement.»), la direction de l’école aurait demandé à Christopher de remplacer «orientation sexuelle» par «expression de soi». Il refuse de truffer la citation.

Le 4 novembre 2013, on aurait informé Christopher que l’école n’imprimera pas l’affiche en raison de son contenu «tendancieux». Avec l’appui du groupe, Christopher pose les affiches lui-même, mais elles sont aussitôt enlevées.

C’est à ce moment-là que Christopher alerte les médias, dont le Toronto Star et le journal gai Xtra.

25 000 $

La plainte déposée au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario allègue que l’école Sainte-Famille et le CSDCCS ont empiété sur les droits de Christopher Karas
a) en l’obligeant à suivre des cours de religion qui font la promotion de principes homophobes,
b) en l’obligeant à lire de la littérature homophobe,
c) en faisant entrave à la création d’une Alliance gais-hétéros,
d) en interdisant l’affichage de matériel inclusif de toutes les orientations sexuelles,
e) en refusant de reconnaître ses heures de travaux communautaires en guise de représailles.

Christopher conclut sa plainte en indiquant que les divers gestes posés par l’école secondaire catholique Sainte-Famille lui ont causé «de l’humiliation, une perte d’estime de soi et de l’angoisse mentale».
Il exige une compensation monétaire de 25 000 $ ainsi qu’une lettre d’excuse de l’école et du Conseil scolaire.

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Il veut aussi que le roman Poison soit retiré du curriculum.

Toilettes LGBT

Par ailleurs, il demande la construction de toilettes «sexuellement neutres», en plus des toilettes pour hommes et pour femmes, dans toutes les écoles secondaires du CSDCCS.

Cette dernière demande est rare, admet Me De Bousquet, mais certaines écoles de la province auraient emménagé de telles toilettes en réponse aux doléances de la communauté LGBT.

Enfin, Christopher Karas souhaite que le CSDCCS adopte une politique sur le harcèlement et la discrimination qui tienne explicitement compte de l’orientation sexuelle, et que tous ses employés suivent des ateliers de sensibilisation aux droits de la personne.

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