Un appétit pour le dialogue Québec-Canada

Pourquoi pas tous les universitaires canadiens bilingues d'ici 10 ans?

Le ministre québécois Jean-Marc Fournier au Club canadien de Toronto
Le ministre québécois Jean-Marc Fournier.
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Publié 18/01/2018 par François Bergeron

En matière de traitement de sa minorité linguistique, «le Québec peut apprendre de l’Ontario».

En effet, ce n’est que l’an dernier que le gouvernement québécois s’est doté d’un Secrétariat aux Relations avec les Québécois d’expression anglaise (sous la responsabilité de la ministre Kathleen Weil), alors que le gouvernement de l’Ontario possède depuis trois décennies un Office des Affaires francophones, devenu l’an dernier un vrai ministère sous Marie-France Lalonde.

C’est ce qu’a mentionné le 16 janvier le ministre québécois des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Jean-Marc Fournier, devant un parterre de gens d’affaires et de hauts fonctionnaires à la tribune du Club canadien de Toronto.

Venu discuter de sa Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, comme il le fait à travers le pays depuis l’été dernier (comme en octobre au Collège Glendon de l’Université York), M. Fournier a souligné qu’il est tout de même «drôle» que ce soit le Québec qui ait produit le seul document politique sur l’avenir du Canada à l’occasion du 150e anniversaire de la fédération.

Se connaître avant de reconnaître

Intitulé Québécois : notre façon d’être Canadiens, le texte de 150 pages est avant tout un appel au «dialogue» entre le Québec et les autres composantes du pays, pas un nouveau projet de réforme constitutionnelle… du moins pas dans l’immédiat.

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Car «avant de penser à faire évoluer le texte constitutionnel, il nous faut d’abord commencer par se parler, partager, se rapprocher, créer des liens solides, et réciproquement mieux nous connaître.»

«Et pour ça, il y a un appétit», notamment dans les milieux universitaires, remarque-t-il au cours de son pèlerinage.

Le gouvernement libéral veut convaincre les Canadiens des autres provinces que la promotion du caractère francophone distinct du Québec ne menace pas la cohésion de la société canadienne, «au contraire». En 2006, dit-il, le Parlement canadien a «reconnu» que le Québec constituait une «nation» au sein du Canada… mais ça n’a jamais vraiment été «accepté»…

Piliers et diversité

Dans la vision de M. Fournier, le Canada est et a toujours été un État «plurinational».

L’idée fait son chemin, assure-t-il, citant le plus récent livre de Peter Russell, de l’Université de Toronto, Canada’s Odyssey – A country based on incomplete conquests, qui présente le Canada comme étant constitué de trois piliers: canadien, québécois et autochtone.

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«Il nous dit que l’ADN du Canada, c’est sa diversité… Je ne saurais dire s’il est un écho à notre Politique, ou si notre Politique fait écho à ses propos.»

Remarquant que le nombre de personnes bilingues au Canada n’a jamais cessé de croître depuis les années 1960 (de 12% à 18%), il estime que «nous devons poursuivre sur cette lancée, notamment en favorisant l’apprentissage du français au pays: pourquoi ne pas se donner l’objectif que, d’ici 10 ans, tous les étudiants universitaires du Canada soient bilingues au terme de leur formation?»

«Le monde va dans cette direction», fait-il valoir: «plus de 50% des citoyens des états membres de l’Union européenne parlent au moins une autre langue étrangère en plus de leur langue maternelle. Le  président Emmanuel Macron, récemment, dans un discours à la Sorbonne, a fixé l’objectif que d’ici 2024 chaque étudiant français parle deux langues européennes.»

«Le présent siècle sera multinational et multilingue. Le Canada sera-t-il à la traîne des autres ou devant les autres?»

Élections le 1er octobre

Sa démarche veut aussi contrer «l’isolationnisme et le repli identitaire», «rapprocher les appartenances plurielles plutôt que de les opposer», «face aux défis mondiaux que posent la croissance du phénomène migratoire, la délocalisation économique et la montée des inégalités».

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Le Québec aussi est une nation «inclusive et plurielle», dit-il, composée d’une majorité francophone, d’une communauté d’expression anglaise, de onze nations autochtones, et de ses immigrants. Surtout, les Libéraux québécois n’ont jamais voulu avoir à choisir entre être Québécois ou être Canadiens. «Nous sommes les deux. Nous voulons être les deux.»

Cette vision sera encore une fois soumise au test électoral, le 1er octobre prochain. Or, pour la première fois depuis près de 50 ans, selon les sondages, le principal adversaire du Parti libéral ne sera pas le Parti québécois souverainiste, dont les appuis fondent au profit de la Coalition Avenir Québec nationaliste sur sa droite et du parti communiste-féministe Québec solidaire sur sa gauche.

Jean-Marc Fournier lui-même serait «en réflexion» sur son avenir politique. Une des trois ou quatre grosses pointures du gouvernement de Philippe Couillard et député d’une circonscription rouge foncé, il pourrait ne pas se représenter.

Solidarités économiques

S’adressant, au Club canadien de Toronto, à un auditoire conquis d’avance, le ministre québécois a aussi vanté les «solidarités économiques» entre le Canada et les autres provinces canadiennes, dont les échanges atteignent presque le niveau de son commerce avec les États-Unis dont la population est dix fois plus nombreuse.

Et «nous échangeons plus de biens chaque année avec le Nouveau-Brunswick (750 000 personnes) qu’avec la France (66 millions)». Idem pour les échanges économiques entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador (530 000), «plus importants que ceux entre le Québec et l’Italie» (60 millions). «Avec l’Ontario, nous échangeons plus de biens chaque année qu’avec les 28 pays de l’Union européenne entière… et trois fois plus qu’avec la Chine.»

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Nous avons tous avantage à collaborer davantage, dit-il, en regard du «péril» protectionniste américain et considérant que «les économies combinées du Québec et de l’Ontario représentent la quatrième économie de l’Amérique du Nord après celles de la Californie, du Texas et de New York».

«Jamais nos deux provinces n’ont été aussi proches», a-t-il conclu, amenant quelques membres de l’auditoire à prévoir que Patrick Brown et François Legault s’entendront aussi bien ensemble que Kathleen Wynne et Philippe Couillard.

Le Club canadien a rempli la salle de bal du Royal York, mardi midi, pour la causerie du ministre québécois Jean-Marc Fournier.
Le Club canadien a rempli la salle de bal du Royal York, mardi midi, pour la causerie du ministre québécois Jean-Marc Fournier.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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