«Tu me piques, je te nique»

Pique-nique aux îles de Toronto... quand elles ne sont pas inondées.
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Publié 12/06/2017 par Michèle Villegas-Kerlinger

L’été est la saison rêvée pour faire des pique-niques, des barbecues et des sorties en tous genres. Quoi de plus traditionnel que des shish-kebab sur le gril ou un bon hamburger couvert de ketchup et de relish?

S’il fait assez chaud, on se met le maillot de bain, peut-être un bikini, pour jouer au frisbee ou même faire du cerf-volant. Après, on s’achète un sorbet, histoire de se rafraîchir un peu.

Des coutumes bien de chez nous, direz-vous à raison, mais les mots, eux, ne le sont pas! Regardons quelques-uns de ces termes qui ont tant voyagé avant d’atterrir chez nous.

Pique-nique

Certains experts font remonter l’origine de ce mot au français populaire du 17e siècle à l’époque où on «faisait des repas à pique-nique». Le mot pique viendrait du verbe «piquer», issu lui-même de l’allemand picken, et nique, de l’allemand nik, signifierait «petite chose sans valeur». Par conséquent, faire un pique-nique reviendrait à dire «picorer de petites choses».

Pour Émile Littré, auteur du Dictionnaire de la langue française, il s’agit d’un terme anglais composé de pick, «saisir», et de nick, «point» ou  instant». Le dictionnaire Larousse du 18e siècle citait la phrase Tu me piques, je te nique au sens de «Tu me vexes, je te trompe».

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Barbecue

On raconte que des explorateurs français du Nouveau-Monde ont mangé une chèvre, cuite en plein air sur une grille, de la «barbe à la queue». C’est l’hypothèse privilégiée par les Français pour expliquer l’origine du mot barbecue.

En fait, c’est dès 1518, chez les Taïno, une tribu du Panama, que l’on retrouve le mot barbacoa et c’étaient des explorateurs espagnols qui ont découvert cette technique de cuisson particulière chez les aborigènes de l’île. Faisant cuire la viande lentement sur une grille de bois placée sur un brasier, les amérindiens pouvaient ainsi la protéger contre les animaux et les insectes tout en la conservant.

Les Espagnols ont rapporté le procédé en Europe où il n’a pas tardé à faire fureur. Au 16e siècle, les Anglais ont adopté le mot pour nommer la grille. Deux siècles plus tard, le terme désignait la viande elle-même. À la fin du 17e, le mot a fait son entrée dans des œuvres littéraires.

Shish kebab

Une vieille légende veut que les soldats ottomans du 11e siècle grillent des morceaux de viande embrochés sur leur épée. Ce mot turc signifie «brochette de viande grillée».

Chose étonnante, le sandwich kebab est d’origine allemande. En 1971, Mehmet Aygün, un jeune immigrant turc installé à Berlin, a inventé le kebab. Aygün travaillait dans un casse-croûte de la gare où il vendait de la viande de mouton grillée qu’il a commencé à servir dans une pita, le pain très populaire de sa Turquie natale.

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Le Döner Kebab allemand (döner faisant allusion au mode de cuisson sur broche tournante et kebab signifiant «viande grillée»), devient le kebab grec en France, le gyros en Grèce, le shish kebab aux États-Unis et le shawarma dans le monde arabe.

Hamburger

Le hamburger vient d’Allemagne, n’est-ce pas? Pas tout à fait. L’histoire du hamburger remonte au 12e siècle lorsque Genghis Khan et ses armées déferlait sur le monde. Se déplaçant à cheval sur de longues distances, les hordes mongoles transportaient de la viande hachée sous leur selle, ce qui l’attendrissait et permettait au cavalier de la manger à l’aide d’une seule main.

En 1238, Khubilai Khan, le petit-fils de Genghis Khan, a envahi Moscou où les Russes ont adopté la galette de viande hachée, le rebaptisant du nom de «Steak Tartare», Tartare étant le nom russe donné aux Mongols. Mêlée à des oignons et à des oeufs crus, les galettes de Genghis Khan ont conquis l’Europe se rendant jusqu’au port de Hambourg en Allemagne où elles sont devenues très populaires à la fin du 18e siècle.

Au milieu du 19e siècle, lorsqu’un grand nombre d’Allemands ont émigré aux États-Unis, on leur a servi du steak haché à bord des bateaux qui les transportaient. Peu après, des stands de viande au port de New York servaient du «steak cuit à la Hambourgeoise».

Ketchup

Si vous pensez que le ketchup est une invention culinaire américaine, détrompez-vous. En fait, il vient de Chine. À l’origine une sauce piquante faite de poisson mariné, de vinaigre et d’épices, le Ke Tsiap, ou sauce de poisson en conserve, a été exporté par des marins anglais entre les 17e et 18e siècles.

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La sauce étant trop piquante pour les palais britanniques, ces derniers y ont ajouté des tomates, des champignons et du sucre vers 1800. C’est en 1869 que l’entreprise américaine Heinz, fondé par Henry John Heinz, fils d’immigrants allemands, a commercialisé la fameuse sauce que nous connaissons aujourd’hui.

Relish

Voici enfin un mot d’origine française, même si les Français n’en raffolent pas! Le terme reles signifiait «ce qui est laissé, ce qui reste» en ancien français.

Au 13e siècle, le mot anglais s’écrivait comme en français, mais trois siècles plus tard, les Britanniques lui ont préféré le terme relish.

Au 17e siècle, le premier sens, «le goût», est remplacé par un deuxième, «le plaisir de savourer», qui est remplacé à son tour par un troisième, au 18e siècle, «le condiment».

Au Québec, le mot est courant dans son sens actuel depuis au moins le 20e siècle, mais le relish est moins connu dans le reste de la Francophonie.

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Bikini

Si bikini n’est pas un mot français, son inventeur l’était bel et bien. En 1946, la marine américaine a commencé à mener des essais nucléaires sur les îles Marshall du Pacifique dont l’atoll et l’île de Bikini font partie.

Le mot bikini serait dérivé du mot mélanésien Pikinni qui veut dire «cocoteraie» ou «lieu de cocotiers».

Louis Réard, un ingénieur automobile français, voulant tirer profit de la forte médiatisation des tests américains, a inventé le maillot du bain que l’on connaît. Contrairement à certaines hypothèses, le «bi» du mot bikini n’a aucun rapport avec les deux pièces du maillot.

Frisbee

Bien que le lancement officiel de cette invention américaine remonte à l’année 1948, le frisbee existait bien avant cette date.

Déjà en 1937 en Californie, Walter Fredrick Morrison, charpentier de profession, jouait avec sa petite amie à qui il lançait le couvercle d’un pot. L’inventeur amateur a peaufiné son jouet et a commencé à le vendre. Aidé par Warren Franscioni, il s’est mis à fabriquer des disques en bakélite qu’il a baptisé le Flying Saucer.

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Pendant les années 1940, des étudiants de Yale se lançaient des moules à tarte de la Frisbie Pie Company, le fournisseur officiel de l’université. Plus tard, en 1957, Wham-O, une compagnie de jeux américaine, a acheté l’invention de Morrison et le Flying Saucer est devenu le Pluto Platter.

Un an plus tard, le disque s’appelait le Frisbee, le terme préféré des jeunes de la côte est des États-Unis. Pour éviter des poursuites de la part de la compagnie de tartes, l’entreprise a changé le «i» en «e».

Cerf-volant

Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer l’origine de ce mot étrange.

Premièrement, l’Académie française précise que le mot serps pour serpens existait en vieux latin et faisait allusion aux dragons et aux serpents volants des légendes. Le dragon est un symbole de puissance et de noblesse en Chine. Lors des premiers échanges entre ce pays et l’Europe, le cerf-volant aurait été adopté par les Européens.

Une deuxième explication vient de France ou le cerf est un symbole de pouvoir que l’on retrouve sur les armoiries des rois, la chasse étant réservée historiquement aux membres de la noblesse. Dans la langue provençale, un serpo volante était une bannière en forme de tube utilisée par les troupes romaines pour intimider l’ennemi. Les armées romaines se déplaçaient avec ces tubes décorés de têtes de monstres et attachés à de longues perches. Flottant dans le vent, ces bannières ressemblaient à des serpents volants.

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Finalement, le lucane cerf-volant, ou lucanus cervus, est un insecte européen dont les pinces rappellent les bois d’un cerf. En plein vol, le lucane adopte une position inclinée qui ressemble à un cerf qui vole, d’où son nom…

Sorbet

Quel délice italien, les sorbets! Sauf que l’histoire des desserts glacés a commencé en Asie.

Fabriquées en Chine plusieurs siècles avant notre ère, les glaces étaient refroidies par de la neige ou de la glace grâce à une technique adoptée plus tard par les Arabes pour faire les chourbas ou les charbets, une sorte de boisson de fruits glacée dont les khalifes de Bagdad étaient friands.

Puis, 300 ans avant J.-C., les fameuses glaces ont fait leur apparition à la cour d’Alexandre le Grand où des fruits étaient mélangées à de l’hydromel et refroidies avec de la neige. Au cours du premier siècle, l’empereur romain Néron mangeait un dessert glacé semblable, faite de miel, d’eau de rose, de cannelle et de fruits secs.

Au 14e siècle, l’explorateur Marco Polo a rapporté en Italie la recette du dessert tant convoité, mais c’est grâce à l’italienne Catherine de Médicis, la femme du roi Henri II, que la cour de France a découvert les sorbetti. En 1668, l’Italien Francesco Procopio dei Coltelli a ouvert à Paris le café Procope, le plus vieux café du monde, où il offrait à ses clients 80 saveurs du dessert glacé.

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De quoi faire rêver…

Même si ces mots nous sont familiers, la majorité vient d’ailleurs et certains, de très loin. Ces termes, et les objets qu’ils représentent, ont voyagé dans le temps et l’espace pour arriver jusqu’à nous. Il y a vraiment de quoi faire rêver. Cela donne presque le goût de voyager!

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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