Surprises de la dégustation

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Publié 20/12/2010 par Alain Laliberté

Nous sommes un petit groupe de privilégiés invités par le monopole un mois avant les livraisons Vintages pour déguster les vins à l’avance. Ainsi, selon les tombées, chaque chroniqueur sur le vin a une occasion de rejoindre ses lecteurs. Deux vendredis par mois, Vintages est la vedette alors qu’un autre vendredi est réservé pour les nouveaux produits au référencement général voire les nouveaux millésimes.

Les bouteilles sont ouvertes à neuf heures le matin par les premiers arrivants. La séance de dégustation dure jusqu’à trois heures de l’après-midi. Au total, nous dégustons en moyenne un peu plus de quatre-vingt-quinze pour cent des vins de chaque livraison. Cela fait donc environ cent vins dégustés au cours de cette période. En fait, ce n’est pas tout à fait juste puisque la majorité des dégustateurs passe à travers le lot en cinq heures.

Et dire qu’il y en a qui pensent qu’on s’amuse. Ne vous figurez pas que la tâche est facile. Imaginez un instant l’acidité des vins blancs et les tanins du vin rouge. De plus, même si les vins sont techniquement bien faits, il n’en demeure pas moins que nous devons embrasser plusieurs grenouilles avant de trouver la princesse. Il y a tant de vins corrects, sans vice ni vertu, qui ne valent pas la peine d’écrire à sa mère sur le sujet.

Pensez-y un instant. À neuf heures, on ouvre les bouteilles. Pendant la journée, chaque personne verse entre une et deux onces dans un verre, ce qui crée un vide dans le contenant. Ce vide permet au vin de respirer d’autant plus que les bouteilles ainsi manipulées agitent quelque peu le vin. Il est sûr que le vin dégusté à midi et à trois heures aura des différences, ceci dû à l’aération. De plus, la température des vins blancs atteint rapidement celle de la salle de dégustation.

Avant de recommander un vin, je vérifie toujours que les quantités disponibles à travers la province, mais surtout autour de Toronto sont importantes.

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Ainsi, la semaine dernière, j’allais recommander un vin rouge, un Minervois, un vin du sud de la France. Sauf que les quantités allouées étaient déraisonnables avec une dizaine de magasins offrant moins de deux caisses du produit en question alors qu’un autre magasin situé à Oakville détenait plus de 800 bouteilles (je vous épargne les détails). J’ai acheté quelques bouteilles à ce magasin et j’ai ouvert une bouteille pour le dîner.

Le vin était différent. Recroquevillé sur lui-même, peu bavard, sans grand éclat et plutôt quelconque, le vin différait de celui dégusté un mois auparavant. Je me rappelais alors que, lors de mes études à la faculté d’œnologie de Bordeaux en 1995 et 1996, les professeurs insistaient sur la qualité de l’échantillon et la représentativité du lot. Que s’est-il passé?

Je me suis souvenu que j’avais amorcé ma dégustation en fin de matinée. Le vin avait eu le temps de respirer pendant presque trois heures. À la maison, je goûtais le vin à l’instant même que j’ouvrais la bouteille. J’ai donc laissé le vin de côté, j’ai ouvert un autre vin et j’y suis revenu plus tard en soirée.

Alors là, bravo. Ouf! J’ai reconnu le vin que j’ai aimé.

Ceci explique en partie les différences parfois entre les commentaires et les évaluations de dégustateurs aguerris. Je pense ici à un collègue qui est la plupart du temps le premier arrivé et qui, à dix heures trente, rejoint le boulot au journal. Il est évident que, pour certains vins, ses commentaires de dégustation différeraient s’il avait l’occasion de déguster en après-midi.

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Que faut-il alors penser des dégustations marathons, des salons des vins, des multiples guides d’achat de vins ou pire encore, ces dégustations dites « primeurs » alors que les vins goûtés sont des échantillons prélevés de la barrique en prime jeunesse du vin. Je pense ici à la grande dégustation du printemps à Bordeaux alors que les professionnels découvrent le vin de la dernière vendange qui sera embouteillé quinze mois plus tard…

Au Canada, en général, si l’échantillon d’un vin importé est prélevé parmi les bouteilles en magasins, celui-ci est fiable. Toutefois, le dégustateur professionnel se méfiera des échantillons prélevés de la cuve ou du fût dans les vignobles locaux comme ici en Ontario, en France ou ailleurs dans le monde. Sans en faire une psychose, l’assurance que l’échantillon dégusté représente exactement le lot produit ou l’ensemble de la production demeure la priorité du dégustateur. Idem pour les mises récentes en bouteille alors que le vin est bousculé. Ce choc de mise connu dans l’industrie demande environ trois mois pour se résorber. Cette situation est plus fréquente qu’on le pense.

Vous pouvez écrire à Alain Laliberté à [email protected]

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