Surprises de la dégustation

fermentations (7 sur 10)
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Publié 05/09/2018 par Alain Laliberté

Nous sommes un petit groupe de privilégiés invités par le monopole, un mois avant les livraisons Vintages, pour déguster les vins. Ainsi, selon les tombées, chaque chroniqueur sur le vin a une occasion de rejoindre ses lecteurs.

Les bouteilles sont ouvertes à neuf heures par les premiers arrivants; à quinze heures, c’est fini. L’échantillonnage compte en moyenne un peu plus de 90 vins.

Ce n’est pas de la rigolade! La tâche est ardue puisque l’alcool, l’acidité ou les tanins ne font pas toujours dans la symbiose. Techniquement bien faits, toutefois sans vice ni vertu, il n’en demeure pas moins que nous devons embrasser plusieurs grenouilles avant de trouver la princesse.

Variantes entre 10h et 14h

Au cours des six heures suivant l’ouverture de la bouteille, celle-ci sera manipulée 17 fois. Chaque personne versant 50 mm, pour sûr que l’impact de l’oxygène influera dans le temps.

Le vin dégusté à 10 heures et à 14 heures démontrera des variantes dues à l’aération, sans compter que la température des vins blancs atteint rapidement celle de la salle de dégustation.

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Quantités aléatoires

Avant de recommander un vin, je vérifie toujours que les quantités disponibles à travers la province, mais surtout autour de Toronto, sont importantes.

Ainsi, la semaine dernière, j’allais recommander un vin rouge, un Minervois, un vin du Sud de la France. Sauf que les quantités allouées étaient déraisonnables avec une dizaine de magasins offrant moins de deux caisses du produit en question, alors qu’un autre magasin situé à Oakville détenait plus de 800 bouteilles (je vous épargne les détails).

Le temps de respirer

J’ai acheté quelques bouteilles à ce magasin et j’ai ouvert une bouteille pour le dîner.

Le vin était différent. Recroquevillé sur lui-même, peu bavard, sans grand éclat et plutôt quelconque, le vin différait de celui dégusté un mois auparavant. Je me rappelais alors que, lors de mes études, les professeurs insistaient sur la qualité de l’échantillon et la représentativité du lot. Que s’est-il passé ?

Je me suis souvenu que j’avais amorcé ma dégustation en fin de matinée. Le vin avait eu le temps de respirer pendant presque trois heures. À la maison, je goûtais le vin à l’instant même que j’ouvrais la bouteille. J’ai donc laissé le vin de côté, j’ai ouvert un autre vin et j’y suis revenu plus tard en soirée.

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Alors là, bravo. Ouf ! J’ai reconnu le vin que j’ai aimé.

Dégustations marathons

Ceci explique en partie les différences entre les commentaires et les évaluations de dégustateurs aguerris.

Je pense ici à un collègue qui est la plupart du temps le premier arrivé et qui, à 10h30, rejoint le boulot au journal. Il est évident que, pour certains vins, ses commentaires de dégustation différeraient s’il avait l’occasion de déguster en après-midi.

Que faut-il alors penser des dégustations marathons, des salons des vins, des multiples guides d’achat de vins ou pire encore, ces dégustations dites «primeurs» alors que les vins goûtés sont des échantillons prélevés de la barrique en prime jeunesse du vin.

J’ai préparé des échantillons du Château Rauzan-Ségla 1995 pour les dégustations des primeurs du printemps. Semaine après semaine, je prélevais du vin des fûts qui se présentaient le mieux. Toutefois, rarement les mêmes tant elles sont nombreuses.

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Échantillons de la cuve

Au Canada, en général, si l’échantillon d’un vin importé est prélevé parmi les bouteilles en magasins, celui-ci est fiable. Toutefois, le dégustateur professionnel se méfiera des échantillons prélevés de la cuve ou du fût dans les vignobles locaux comme ici en Ontario, en France ou ailleurs dans le monde.

Sans en faire une psychose, l’assurance que l’échantillon dégusté représente exactement le lot produit ou l’ensemble de la production demeure la priorité du dégustateur. Idem pour les mises récentes en bouteille alors que le vin est bousculé.

Ce choc de mise, connu dans l’industrie, demande environ trois mois pour se résorber. Cette situation est plus fréquente qu’on le pense.

Cuvées différentes

Il y a une vingtaine d’années, la presse spécialisée est conviée à un déjeuner à l’Hôtel Vogue, à Montréal, en compagnie d’un vigneron. Trois jours précédant la rencontre, chacun reçoit un échantillon du nouveau millésime.

Au cours de la dégustation, je signale à mon voisin que l’échantillon dégusté la veille n’est pas le même vin. Nous partageons ensuite nos présomptions avec l’agent promotionnel. Les bouteilles de la cuvée Réserve apportées par le producteur et servies pendant le repas n’avaient rien à voir avec la cuvée Tradition pour laquelle nous étions invités.

Auteur

  • Alain Laliberté

    Après 14 ans dans les hôtels, le vin devenu passion a pris le dessus fin 1993. Après une expérience vinicole et des études à Bordeaux dans le milieu des années 1990, Alain Laliberté a partagé ses activités entre la sommellerie, l’écriture et l’enseignement à Montréal, Québec et Toronto.

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