Roman et essai sur la différence

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Publié 20/02/2006 par Paul-François Sylvestre

Comédien et écrivain, Robert Lalonde vient de publier, aux Éditions du Boréal, un sixième roman intitulé Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? De leur côté, les Éditions Québec Amérique publient un essai sur L’Homophobie: un comportement hétérosexuel contre nature. Chacun à leur façon, ces deux ouvrages traitent de la différence.

Robert Lalonde raconte, à la première personne, une brève tranche de «sa» vie de pensionnaire au collège dans les années 1960. Il a 13 ans et il lance en l’air ses soucis, ses désirs, pour aussitôt les rattraper et les renvoyer dans le ciel. «C’était une manie, une espèce de supplice que je m’imposais pour tenter de me délivrer de la nervosité qui me fatiguait.» Le jeune collégien traverse l’adolescence, une période bête et inconsolable qui «veut mettre le feu à tout, y compris à elle-même».

Adolescent dans les années 60, le protagoniste devine bien qu’il héberge une âme tourmentée, sans doute indocile. Il se compare à James Dean, héros de La Fureur de vivre (1955). Il rencontre Nelson, un des grands, qui l’invite à parler un peu, «peut-être de ta fureur de vivre à toi…» Le jeune est attiré vers Nelson, pas physiquement, du moins pas comme il est attaché à un garçon de sa classe. Nelson lui enseigne qu’il doit aimer la vie et non pas le sens de la vie. «Aimer ton existence sans raisonner. Tu es trop pressé de te sauver, alors que t’es pas vraiment perdu…»

Le titre du roman de Robert Lalonde provient d’un vers de Victor Hugo. Et cela semble tout désigné car le jeune collégien est un écrivain en herbe. Son attention dévie sans cesse. À partir d’une mince cicatrice sur la nuque de François, le camarade assis devant lui, de la toux rauque de Jacques derrière lui, du reniflement obstiné de Claude à son côté, il élabore une fantasmagorie qui le bouleverse. C’est la révélation. «Je serai poète, je n’aurai pas le choix. Je suis outarde, ciel et vent beaucoup plus facilement que je ne suis apprenti homme, étudiant le grec, le latin et la soumission.» Dès lors, ses doigts agrippent le crayon comme l’assassin son couteau.

Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? est un très beau roman qui illustre, dans des mots finement ciselés, que «le désespoir est une maladie qu’on attrape souvent au sortir de l’enfance». Robert Lalonde démontre clairement qu’on peut en guérir. Sa brillante carrière en demeure une preuve éclatante.

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L’homophobie

Qu’est-ce que l’homophobie? Il s’agit d’une peur de l’homosexualité, qui génère tous les comportements primaires et irrationnels caractérisant la discrimination des personnes gaies ou lesbiennes. C’est, du moins, la définition que four-nit Ginette Pelland dans son ouvrage intitulé L’Homophobie: un com-portement hétérosexuel contre nature.

L’auteure brosse le tableau actuel de la lutte contre l’homophobie dans la société canadienne. On y apprend que c’est le ministre de la Justice, Pierre Elliott Trudeau, qui a décri-minalisé l’homosexualité en 1969 et que c’est le Québec qui est devenu le premier État au monde à inclure l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination dans sa Charte des droits et libertés, en 1977. Le Parlement canadien a fait de même en 1996.

L’homophobie est souvent enra-cinée dans la mentalité des gens. Cette dernière n’est pas coulée dans le béton, heureusement. Des sondages indiquent que l’opinion publique varie parfois d’une province à l’autre. Ainsi, en 2004, 58% des Ca-nadiens étaient d’accord que les insultes ou injures homophobes devaient être réprimées aussi sévèrement que le sont les injures racistes ou antisémites. En Colombie-Britannique, le pourcentage chutait à 51% (en moyenne 52% dans les autres provinces anglophones) alors qu’il grimpait à 75% au Québec (seule province à faire augmenter la moyenne cana-dienne).

Ginette Pelland note que l’homophobie constitue une forme de discrimination fondée sur des préjugés qui sont inscrits profondément dans la mentalité religieuse judéo-chrétienne.

La Bible ouvre la voie aux cruautés que l’Occident continuera par la suite de réserver aux personnes homosexuelles. Le fondamentalisme religieux de l’Église médiévale s’en inspirera pour condamner les homosexuels au bûcher. Ces derniers passeront du bûcher à la prison et à l’asile, leur statut de pécheurs contre Dieu et la religion se transformant progressivement en celui de fauteurs de trouble social, d’individus hors normes, de pervers et de malades mentaux.

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Cet ouvrage illustre clairement que «c’est du plus haut de la pyramide sociale que sont partis les exemples et incitations à la discrimination des individus et des groupes minoritaires».

En raison du prestige et de l’ascendant dont ils jouissent sur les foules, les gens en position d’autorité (ministres, évêques, etc.) entraînent l’opinion et le comportement populaire. «L’abus du pouvoir que des gens ont d’en influencer d’autres, trop s’en sont largement prévalu au cours de l’histoire», note Ginette Pelland.

Robert Lalonde, Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? roman, Montréal, Éditions du Boréal, 2005, 160 pages, 19,95$.

Ginette Pelland, L’Homophobie: un comportement hétérosexuel contre nature, essai, Montréal, Éditions Québec Amérique, 2005, 200 pages, 19,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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