Rencontre avec un écrivain généreux et engagé

Yves Beauchemin au Festival of Authors de Toronto

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Publié 31/10/2006 par Julie Burelle

L’écrivain Yves Beauchemin était de passage la semaine dernière au Centre Harbourfront dans le cadre du International Festival of Authors. Il en a profité pour présenter au public la traduction anglaise du premier tome de la saga qu’il a publiée chez Fides autour de l’émouvant personnage de Charles Thibodeau. Charles the Bold, publié chez McClelland & Stewart, est en librairie depuis la fin de septembre et séduit déjà la critique et les lecteurs anglophones. L’Express l’a rencontré.

L’Express: Qu’est-ce que ça vous fait de retrouver Charles le téméraire à travers la plume d’un traducteur?

Yves Beauchemin: Ce qui me frappe surtout c’est la qualité de la traduction de Wayne Grady. C’est assez bizarre, parce que je me reconnais, je retrouve la même sensibilité, mais dans une autre langue. Wayne Grady écrit remarquablement bien. Il y a même des passages que je trouve mieux en anglais qu’en français… Alors là, je suis un peu jaloux!

L’Express: Vous dites ne pas écrire des romans politiques. Or la politique québécoise est assez centrale dans Charles the Bold. Pensez-vous qu’un roman comme le vôtre peut jouer un rôle dans la compréhension politique et culturelle qu’a le Canada anglais du Québec?

Y.B.: Moi je pense qu’une des meilleures façons de connaître un pays c’est de lire sa littérature. C’est une façon intuitive de découvrir l’autre. J’ai l’impression, depuis le temps que je lis des romans russes, de saisir un peu ce que c’est que la sensibilité russe. Ce sont les bons livres qui nous permettent de pénétrer l’âme d’un pays. Si mes livres sont bons, je suppose qu’ils peuvent jouer ce rôle…

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Pour ce qui est de l’aspect politique de mes livres, il s’agit d’un élément au même titre que d’autres: la sexualité, l’histoire, la sociologie, etc. Je ne crois pas aux romans à thèse, ils sont artificiels et un peu malhonnêtes. Comme dit l’auteur Gaëtan Soucy, et cela résume bien ma pensée: «Le but d’écrire c’est de chercher la beauté, de créer quelque chose qui va durer.» On a besoin de beauté, la vie n’est pas toujours facile… On a besoin de ce «plus». Pour certains ça peut être l’art, pour d’autres la nourriture, l’amour…

L’Express: Quand Charles le Téméraire est sorti au Québec, vous avez dit que ce serait peut-être votre dernier livre…

Y.B.: Je l’ai écrit comme si c’était mon dernier. J’ai quand même 65 ans, on ne connaît pas l’avenir. On fait des calculs et on se dit que c’est le temps où jamais de mettre le paquet. J’avais d’ailleurs écrit MLP (mets le paquet) au-dessus de mon bureau et en haut de chaque page du manuscrit: c’était mon mot d’ordre. Mais, je vais continuer d’écrire, bien sûr.

J’aurais envie de tâter un peu de journalisme, d’avoir une chronique d’opinion. Il y a plein de sujets qui m’intéressent: la politique, l’environnement, la culture, le droit des consommateurs… Ce ne sont pas les sujets qui manquent.

L’Express: Avez-vous d’autres projets de livres?

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Y.B.: J’en suis à un stade de recherche pour un livre qui s’adresserait tant aux enfants qu’aux adultes. J’ai écrit quatre romans pour enfants dans le passé, mais après avoir consacré 680 pages à décrire la vie d’un «vrai» enfant comme Charles, je ressentais un certain malaise à l’idée de retourner à un registre plus fantaisiste et simple…

Je cherche donc à faire quelque chose de plus consistant. Le projet s’appelle Les aventures du renard bleu et il est basé sur des histoires que je racontais à mes deux garçons quand ils étaient petits. Alexis, le plus vieux, m’en parle encore aujourd’hui et il a 29 ans. Donc ça l’a vraiment marqué.

L’Express: Ça vous a pris six ans pour écrire la trilogie de Charles. Comment est-ce qu’on réussit à rester motivé dans un tel travail de longue haleine?

Y.B.: Un romancier, c’est un coureur de fond: il faut être en forme. Je n’ai cependant jamais eu peur des longs formats. Il y a quelque chose dans les œuvres monumentales qui dit aux lecteurs «Je suis un monde en moi-même» et j’aime cela. J’ai lu les 27 tomes de l’œuvre de Jules Romains Les Hommes de bonne volonté et j’ai adoré ça. J’étais triste de quitter les personnages à la fin de la série. Pour la trilogie de Charles, l’idée mijotait en moi depuis quelque temps. Je voulais avoir un héros qui était jeune pour faire changement des derniers romans que j’avais écrits.

Les 30 ou 40 premières années de la vie sont les plus enivrantes à mon sens. Je me suis donc fait une cure de jeunesse puisqu’on assiste à la naissance de Charles dans le premier tome et que la trilogie se termine à l’aube de sa quarantaine. Pour ce qui est de l’écriture, je fonctionnais dans le passé avec des synopsis très détaillés. Mais maintenant, je trouve du plaisir à me surprendre moi-même et à travailler avec un itinéraire moins fixe. Ensuite, il faut se laisser porter par les personnages, bien sûr.

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L’Express: Vous avez créé avec Monsieur Émile et Charles, des personnages d’enfants marquants. Qu’est-ce qui vous fascine chez les enfants?

Y.B.: J’aime les enfants, je les trouve fascinants. Ils sont naturellement très beaux. Et psychologiquement, ils sont tellement spontanés, créatifs. Ils ont une grande capacité d’attachement à laquelle il est difficile de résister… C’est malheureusement des qualités qui se perdent souvent en vieillissant.

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