Regagner l’université et le commissariat

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Publié 20/11/2018 par François Bergeron

Que faire pour persuader le gouvernement de Doug Ford de revenir sur ses décisions d’annuler le projet d’université franco-ontarienne à Toronto et de transférer à l’Ombudsman les fonctions du commissariat aux services en français?

L’Express a posé la question à plusieurs leaders de la francophonie torontoise et des environs. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario et d’autres organismes planchent encore sur leur stratégie. On n’aura des réponses ou des pistes que dans quelques jours.

En attendant:

On peut s’indigner sur Facebook et signer des pétitions, comme des milliers de Franco-Ontariens et leurs alliés de partout au pays l’ont déjà fait depuis une semaine. Organiser une ou plusieurs manifestations devant l’Assemblée législative ou ailleurs, comme ça se prépare sûrement. Mais encore?

Écrire, téléphoner

Écrire aux journaux de langue anglaise ou commenter leurs (rares) articles là-dessus? Déjà, dans le Globe and Mail, le Toronto Star, le National Post et même le Toronto Sun, certain chroniqueurs soulignent qu’insulter et bafouer de la sorte la minorité franco-ontarienne n’était pas une bonne idée.

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Écrire ou téléphoner à Doug Ford? Voici ses coordonnées: https://correspondence.premier.gov.on.ca/fr/feedback/default.aspx Il paraît qu’il répond lui-même à certains messages.

Interpeller son député conservateur? Si Caroline Mulroney et Amanda Simard sont solidaires du gouvernement, est-ce que c’est Gila Martow ou Sam Oosterhoff qui vont se lever pour défendre la francophonie? L’opposition néo-démocrate et libérale le fait, c’est déjà ça.

Menacer Andrew Scheer

Demander à Andrew Scheer d’intercéder pour nous auprès de Doug Ford? La crédibilité du chef conservateur fédéral risque d’en prendre un coup au Québec et en Ontario, aux élections d’octobre prochain, si les francophones sont encore en colère. Encore plus si des candidats conservateurs fédéraux s’avisaient d’afficher leur penchant pour le French-bashing.

Le gouvernement fédéral et celui du Québec ont exprimé leur «déception» face à ce qui se passe en Ontario, avec un oeil sur ce qui s’en vient au Nouveau-Brunswick avec son nouveau premier ministre conservateur unilingue et son petit parti anti-bilinguisme qui détient la balance du pouvoir. Mais Ottawa et Québec sont largement impuissants dans ces dossiers.

Politique-fiction

D’aucuns pourraient suggérer: si le fédéral et le Québec veulent vraiment nous aider, qu’ils financent l’UOF! On parle de quelques dizaines de millions de dollars par années pour une petite université franco-torontoise de quelques centaines d’étudiants au début. Dans quelques années, un futur gouvernement provincial néo-démocrate ou libéral pourrait reprendre le flambeau?

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C’est de la politique-fiction, et ce n’est pas ce qu’on veut. On veut que le bilinguisme officiel et la francophonie soient promus par tous les gouvernements du pays. Sinon on est mieux avec un Québec indépendant, foyer de la francophonie sur le continent, séparé de ce Canada anglais méprisant.

Geste anti-conservateur

Les tribunaux aussi sont inopérants ici, comme le savent parfaitement les avocats qui proposent quand même de telles démarches vouées à l’échec. Définancer le projet d’université est stupide et brutal, parce que de plus en plus de jeunes sortent des écoles françaises et d’immersion, mais le gouvernement provincial est dans son droit strictement légal de le faire.

Idem pour le transfert chez l’Ombudsman des responsabilités de trois commissariats (services en français, environnement, petite enfance)… un geste éminemment anti-conservateur.

En effet, ces surveillants s’assurent que les agences gouvernementales respectent les lois, leurs budgets, leurs mandats et, ultimement, les citoyens. Le gouvernement au service de la population – et non l’inverse – c’est une idée de «droite». Ce sont les partisans d’une expansion des pouvoirs publics et de la bureaucratie, à «gauche», qui sont censés chercher à émasculer ces vérificateurs, ombudsmen et commissaires.

Au printemps dernier, Doug Ford a exploité, avec raison, les critiques formulées par la vérificatrice générale sur les déficits cachés des Libéraux.

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On le prend personnel

Dans le cas qui nous occupe ici, on se demande où sont les économies si tous les fonctionnaires du commissariat aux services en français (sauf François Boileau) conservent leur emploi.

Le but est donc clairement de diminuer et d’humilier les francophones, ce qu’annonçaient déjà le site uniligue du Parti progressiste-conservateur, les discours du chef sans même un «bonjour» ou un «merci», le Discours du Trône unilingue (possiblement en contravention avec la Loi sur les services en français), les attachés de presse unilingues (même celle de Caroline Mulroney), et d’autres négligences délibérées.

«Ce n’est pas personnel contre les Franco-Ontariens», a dit Doug Ford après avoir rencontré François Legault lundi. «Il n’y a plus d’argent; blâmez Kathleen Wynne.»

C’est vrai que les Libéraux avaient perdu le contrôle des finances publiques et méritaient d’être remplacés par de meilleurs gestionnaires. Mais ce n’est pas quelque chose que le nouveau ministre des Finances a découvert en ouvrant ses tiroirs.

Au-dessus de la politique

Je dis depuis longtemps que tous les partis devraient s’engager à ne jamais produire de déficits: que des surplus en périodes de croissance et des budgets équilibrés en périodes plus difficiles. L’endettement n’est justifiable qu’en temps de guerre, et on sait que ce ne sont pas toutes les guerres qui sont justifiables.

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C’est pareil pour le bilinguisme officiel, qui procède d’un «droit d’aînesse» des peuples fondateurs du Canada, incluant la réconciliation avec les Premières Nations: ça ne devrait jamais être soumis aux aléas de la politique partisane. Tous les partis devraient respecter ces caractéristiques fondamentales du pays, la lettre de la loi et l’esprit de la loi.

Doug Ford nous avait promis que c’est sur l’économie et les finances qu’on pouvait voter, pas sur des considérations linguistiques, puisqu’il s’engageait, comme les autres partis, à financer la nouvelle université franco-ontarienne et à renforcer la Loi sur les services en français. Il a même dit qu’il aimerait bien apprendre le français! Mensonges. Trahison.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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