Recensement: les immigrants au Québec parlent de plus en plus français à la maison

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Publié 24/10/2012 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

24 oct 2012 9h11

OTTAWA _ Si le français est désormais moins utilisé de façon générale autour de la table familiale québécoise, les immigrants, eux, sont de plus en plus nombreux à parler la langue de Molière à la maison.

C’est ce qu’ont notamment révélé les dernières données du recensement de 2011, dévoilées mercredi par Statistique Canada.

Sur presque tous les plans, le français poursuit son déclin au Québec _ comme ailleurs au Canada _ et la langue parlée le plus souvent à la maison ne fait pas exception.

Car les francophones augmentent peut-être en nombre, mais pas au même rythme que les anglophones et les allophones regroupés. Le poids démographique du français se retrouve en baisse, conclut Statistique Canada.

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Hors Québec

1 067 000 personnes vivant hors Québec mentionnaient le français comme langue maternelle, comparativement à 1 013 000 en 2006 _ une augmentation de 54 000 en cinq ans.

Les données de 2011 représentent malgré tout un recul si on examine la proportion de Canadiens dont le français est la langue maternelle _ 4,2 pour cent, contre 4,3 pour cent cinq ans plus tôt.

Ainsi, au Manitoba, ce pourcentage a glissé à 4,0 pour cent, contre 4,2 pour cent lors du recensement précédent. Par contre, 3,6 pour cent des Manitobains interrogés disent utiliser le français à la maison, comparativement à 3,5 pour cent en 2006.

La province compte maintenant 104 630 personnes qui se disent capables de converser en français, soit 8,8 pour cent de la population, alors qu’on en dénombrait 105 450, ou 9,3 pour cent, cinq ans plus tôt.

Même au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue du pays, le recul a été constant: les gens citant le français comme langue maternelle représentaient 32,5 pour cent de la population l’an dernier, contre 33 pour cent en 2006. Et 42,2 pour cent des gens disent pouvoir converser en français, comparativement à 43,6 pour cent cinq ans plus tôt.

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« Si on exclut les régions très francophones comme la péninsule acadienne ou le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, nous constatons que dans les milieux urbains comme Moncton, Fredericton et Saint-Jean, l’attrait envers l’anglais, l’assimilation, est probablement beaucoup plus prononcé », a estimé Michel Doucet, professeur de droit à l’université de Moncton, qui se spécialise dans les questions de langues officielles. « Nous constatons aussi un dépeuplement des régions rurales francophones. »

Le déclin peut provoquer un effet d’entraînement. Si les francophones sont de moins en moins nombreux, ils ont moins de voisins francophones avec qui jaser et moins de gens qui leur offrent des services en français. La demande envers les gouvernements pour offrir des écoles, des soins de santé et d’autres services en français est aussi réduite.

L’immigration

« Étant donné que le Canada reçoit bon an mal an de 250 000 à 270 000 immigrants, il n’est pas étonnant que le poids relatif du français recule », a expliqué Jean-Pierre Corbeil, responsable des programmes linguistiques auprès de Statistique Canada.

Ainsi, la proportion de la population québécoise ayant déclaré le français comme langue la plus parlée au foyer a légèrement diminué, passant de 82,7 en 2006 à 82,5 l’an dernier. Chez les Québécois qui ont dit parler uniquement le français à la maison, une diminution a été enregistrée, passant de 75,1 en 2006 à 72,8 pour cent en 2011.

Ailleurs au pays, 43 pour cent de la population ayant le français comme langue maternelle a toutefois déclaré parler l’anglais le plus souvent à la maison.

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Mais alors que la situation linguistique au Québec a somme toute peu bougé depuis 2006, l’un des changements est survenu au niveau des immigrants dont la première langue est autre que le français ou l’anglais.

Ceux-ci parlent de plus en plus le français à la maison.

Alors qu’ils étaient 21 pour cent en 2001 et près de 23 pour cent en 2006, ils sont maintenant 24 pour cent à parler le français au sein de leur foyer. L’anglais a connu un recul pendant la même période comme langue la plus parlée chez les immigrants, passant de 22 pour cent à 20 et finalement à un peu moins de 20 pour cent lors du dernier recensement.

De plus, c’est la population qui a déclaré parler à la maison à la fois le français et une langue autre que l’anglais qui a connu la plus forte augmentation, passant de 3,8 pour cent en 2006 à 5 pour cent l’an dernier.

Il s’agit de la plus importante augmentation dans la catégorie de personnes qui parlent plus d’une langue à la maison, relève l’organisme fédéral de statistique.

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Il pourrait s’agir d’un résultat possible des politiques d’immigration du Québec, qui favorise les nouveaux arrivants en provenance de pays francophones.

Mais de façon globale au pays, l’anglais l’emporte chez les immigrants: 63,5 pour cent de la population qui déclare une langue maternelle autre qu’une des deux langues officielles du Canada conversent en anglais à la maison.

Diversité

Les données sur la langue parlée à la maison pourraient avoir une effet important sur le futur du français comme langue maternelle au Québec.

« Étant donné que la langue parlée le plus souvent à la maison est celle qui sera probablement transmise aux enfants, l’usage fréquent de l’anglais ou du français par les parents à la maison a une influence sur la première langue que l’enfant apprendra à la maison », est-il noté dans l’analyse de Statistique Canada.

« Les deux tiers des immigrants qui ont une langue maternelle autre que le français ou l’anglais utilisent le français ou l’anglais à la maison et une proportion non négligeable, près de 37 pour cent d’entre eux, transmettent une langue officielle à leurs enfants », fait valoir M. Corbeil.

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Quant au déclin général du français au Québec _ amorcé depuis environ 30 ans _ Statistique Canada avance quelques explications.

« Outre un faible taux de fécondité et une transmission incomplète de la langue maternelle française des parents aux enfants, c’est l’immigration internationale qui influe le plus sur l’évolution du français au Canada », peut-on lire dans le rapport. De la masse d’immigrants accueillis au pays, plus de 80 pour cent n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle, est-il précisé.

Le nombre de Québécois ayant le français comme langue maternelle est aussi en baisse, passant de 80,1 pour cent en 2006 pour cent à 79,7 pour cent en 2011. C’est toutefois le contraire pour l’anglais au Québec, qui a légèrement augmenté.

Il y a par contre de plus en plus de Canadiens qui parlent le français et l’anglais. Mais ce bilinguisme est dû en grande partie aux Québécois, note M. Corbeil.

Et la diversité est de plus en plus présente au pays. Un cinquième de la population du Canada parlait une langue autre que le français ou l’anglais en 2011. Plus de 200 langues ont été déclarées par les Canadiens dans le formulaire de recensement.

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Statistique Canada avertit toutefois que les récents changements apportés aux formulaires de recensement peuvent avoir eu un impact sur les réponses. Le gouvernement conservateur a aboli en 2010 _ sous un tollé _ le formulaire long pour le recensement de 2011, tout en ajoutant quelques questions sur les langues au formulaire court obligatoire. Les données sont toutefois fiables et de bonne qualité, insiste M. Corbeil.

Points saillants

Voici les points saillants du recensement de 2011 sur la langue de la population canadienne. Ces données ont été récoltées en 2011 et rendues publiques mercredi.

_ Un cinquième de la population du Canada parlait à la maison une langue autre que le français ou l’anglais en 2011;

_ Plus de 200 langues ont été déclarées au Canada en 2011;

_ 58 pour cent de la population canadienne parlaient uniquement l’anglais à la maison alors que 18,2 pour cent parlaient seulement le français;

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_ L’utilisation de plusieurs langues à la maison a augmenté, passant de 9,1 pour cent en 2006 à 11,5 pour cent en 2011;

_ Les langues parlées à la maison affichant la plus forte croissance de 2006 à 2011 étaient principalement des langues asiatiques;

_ Près de 10 millions de personnes ont affirmé pouvoir soutenir une conversation en français alors qu’ils étaient 9,6 millions en 2006;

_ La proportion des personnes capables de parler le français s’est légèrement repliée pour atteindre 30,1 pour cent en 2011 par rapport à 30,7 pour cent il y a cinq ans;

_ Les Québécois qui ont dit parler uniquement le français à la maison a diminué de 75,1 pour cent en 2006 à 72,8 pour cent en 2011;

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_ Au sein de la population canadienne, la proportion de ceux qui ont le français comme langue maternelle est passée de 22,3 pour cent à 22 pour cent en 2011;

_ Au Québec, ceux qui ont déclaré le français comme langue maternelle a diminué de 80,1 pour cent à 79,7 pour cent;

_ À l’extérieur du Québec, les francophones de langue maternelle sont aussi en baisse au niveau de leur poids relatif, passant de 4,3 pour cent à 4,2 pour cent;

_ À Montréal, 16,5 pour cent des citoyens ont dit parler une langue immigrante le plus souvent à la maison;

_ De toutes les provinces, c’est en Alberta que le taux d’accroissement de la population ayant le français comme langue maternelle ou comme langue parlée le plus souvent à la maison a été le plus important entre 2006 et 2011. Avec une hausse de 13 000 personnes, il s’agit d’une augmentation de plus de 18 pour cent de son effectif.

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