Polémique autour d’un film palestinien en lice pour un Oscar

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Publié 13/02/2013 par Diaa Hadid (The Associated Press)

à 19h05 HNE, le 12 février 2013.

BILIN, Territoire palestinien – Un documentaire palestinien nommé aux Oscar, qui raconte la lutte pacifique des résidants d’un village de Cisjordanie contre la saisie de leurs terres par l’armée israélienne, sème la polémique des deux côtés de la ligne de division israélo-palestinienne.

En Israël, certains se demandent pourquoi le gouvernement a contribué à financer un film aussi critique envers ses propres politiques, tandis que les Palestiniens sont choqués que le film soit qualifié d’«israélien».

«Five Broken Cameras» («Cinq caméras brisées») raconte la lutte des villageois de Bilin, en Cisjordanie. Le titre réfère au nombre de caméras que le protagoniste principal, le réalisateur palestinien Emad Burnat, s’est fait briser par les forces israéliennes alors qu’il tentait de filmer les manifestations hebdomadaires contre l’armée.

Les résidants manifestaient contre la saisie de près de la moitié des terres du village pour construire la barrière de séparation qui traverse certaines parties de la Cisjordanie.

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Le documentaire a reçu un financement de 400 000 $ US des gouvernements français et israélien. Le film ne se gêne pas pour critiquer les politiques israéliennes, même s’il a été financé par des fonds publics israéliens.

Un autre documentaire financé par Israël, «The Gatekeepers» («Israel Confidential» en français), a aussi été nommé aux Oscar.

Ce film interroge d’anciens dirigeants du service de sécurité intérieure sur les façons dont ils ont éliminé des Palestiniens au fil des ans en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le message du film est que la force militaire a ses limites et qu’Israël devrait tirer profit de sa supériorité militaire pour faire la paix avec les Palestiniens.

Les deux projets montrent une contradiction de la société israélienne. Même si l’armée contrôle des millions de Palestiniens, le gouvernement finance une scène culturelle foisonnante qui exprime souvent son désaccord avec les politiques officielles. Plusieurs Israéliens se demandent pourquoi le gouvernement veut s’impliquer dans des projets qui le font mal paraître.

L’organisation de droite Almagor, qui représente des familles israéliennes qui ont perdu des proches dans les violences palestiniennes, a qualifié le film de «provocation».

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Mais d’autres estiment que les films de ce genre sont un honneur pour Israël.

Danny Danon, membre du parti Likoud au pouvoir, a déclaré que le fait de financer des films qui critiquent Israël montre la force de la démocratie israélienne, même si cela donne des munitions aux opposants.

«Je pense qu’il y aura toujours des groupes opposés à Israël, peu importe ce qui arrive, a-t-il dit. C’est l’un des exemples du prix à payer pour garder une démocratie forte. Nous n’interférons pas dans le contenu des films produits en Israël.»

Mais les protagonistes du documentaire sont scandalisé qu’il soit lié à Israël. Même si l’Académie ne classe pas les films documentaires par pays, des responsables israéliens ont présenté «Five Broken Cameras» comme l’un de leurs films aux Oscar.

Les Palestiniens refusent qu’Israël soit félicité pour un film qui montre comment ils ont souffert aux mains de l’armée israélienne.

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«Ils disent que c’est un film israélien. Ce n’est pas un film israélien, a déclaré le chauffeur de taxi Adib Abu-Rahmeh, qui figure dans le documentaire. Est-ce que les gens dans le film sont israéliens? Les gens qui ont souffert, qui se sont fait tirer dessus, qui ont été arrêtés, qui ont été blessés, étaient-ils israéliens?»

À Bilin, les villageois ne sont pas tellement emballés par le documentaire. Peu de résidants l’ont vu et rares sont ceux qui pensent que cette attention subite aidera leur cause.

«J’ai entendu parler du film. J’ai entendu dire qu’il a été nommé pour un prix. C’est important», a déclaré Rizan Abou-Rahmeh, une femme au foyer âgée de 23 ans rencontrée près de la mosquée de Bilin.

«Mais nous ne voulons pas de prix. Nous voulons ce qu’il y a derrière le prix. Nous voulons ravoir les terres qui ont été saisies», a-t-elle dit.

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