Ode à la Volga

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Publié 08/07/2014 par Aurélie Resch

La lumière ambrée de fin de journée embrase le lac et ses rives boisées. Typique des soirées estivales canadiennes, cette luminosité exceptionnelle est pourtant celle du soleil de minuit russe. Il est 22h30. Sur le pont du bateau MS Lenin, j’attendrai encore longtemps avant que la nuit tombe complètement.

Une croisière de St Petersbourg à Moscou m’entraîne sur une succession de fleuves et de lacs qui se fondent dans la Volga. Une incursion au cœur de la Russie, au fil de l’eau et des légendes.

Lorsque le temps s’arrête

Le bateau de CroisiEurope file silencieusement sur les eaux tour à tour turquoises et ardoises de la Neva, des lacs Ladoga et Onega et de la Volga. Autant de noms mythiques qui font rêver.

Loin des vibrations culturelles et politiques des grosses villes, les petites îles et les villages qui essaiment la traversée semblent s’être figés dans le temps. Point d’immeubles, de voitures et de routes dans ces lieux paisibles que peuplent quelques habitations en bois et des monastères. Ici, pas d’eau courante.

De l’électricité (et parfois Internet), des charrettes, des chevaux, des traîneaux, de vieux camions. On vit au rythme des heures qui passent. Au ralenti. On étudie, on travaille, on marche, on écoute le vent dans les arbres. Certaines maisons datant de 1905 ont été démontées lors de la construction du canal de Moscou et reconstruites sur d’autres berges.

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À Goritsky, on peut en visiter certaines et apprécier la beauté simple et chaleureuse de l’intérieur, de la vie familiale dans la pièce principale, autour de la table à manger, près du poêle.

Naviguer sur la Volga, c’est aussi traverser des paysages immenses et désertiques. Observer quelques clochers et églises abandonnés au milieu des flots, compter les nombreux îlots qui parsèment le parcours, observer la faune et la flore sur les berges. S’il est difficile d’apercevoir ours, renards et loups, il est en revanche plus aisé de croiser la route de quelques-unes des deux cents espèces d’oiseaux qui vivent sur les rives du lac Onega.

Enfin, le passage d’écluses reste une attraction étonnante de la croisière. Entre St Petersbourg et Moscou, on monte au fil de celles-ci à 65 mètres au-dessus de la mer.

Un univers de légendes

L’Histoire et les écrivains véhiculent contes, légendes, superstitions et traditions. Les soirées autour du samovar s’animent. Sinon de politique, d’histoires.

Comment est mort le petit Dimitri, fils d’Yvan Le Terrible? D’un accident? D’une crise d’épilepsie ou d’un assassinat fomenté par son père? Comment Malinka échappe-t-elle à l’emprise de l’ours (animal emblématique de la Russie)? Rousslane parviendra-t-il à retrouver et à délivrer sa bien-aimée qui lui fut enlevée le soir des noces?

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À Mandrogui, après une courte traversée sur un bac, on arrive sur une île minuscule peuplée de statues en bois représentant les personnages des contes de Pouchkine et du folklore russe. Sur l’île de Kiji, la légende raconte que l’on doit la construction de la superbe Église de la Transfiguration, toute en bois et ses fameuses 22 coupoles, à un seul homme qui avait pour simple outil une hache.

Après avoir fixé la dernière planche, l’homme aurait jeté sa hache dans le lac Onega en s’écriant que ce serait la seule et unique œuvre ainsi bâtie.

À bord du bateau, les membres de l’équipage racontent et chantent bien des légendes qui ont peuplé leur enfance et qui composent le folklore russe. Juste laisser la Volga et les rivières qui viennent s’y jeter couler dans nos veines.

Des villes envoûtantes

Comment ne pas tomber sous le charme de St Petersbourg et ne pas être étonné de la grandeur de Moscou?

Ville d’eau, ville d’art, St Petersbourg charme par ses nombreux attraits culturels. Une journée passée à l’Ermitage régale amateurs et connaisseurs et fait prendre conscience de l’importance que la Russie donne à l’art depuis des siècles. Déambuler dans les larges avenues ou au fil des canaux permet de s’imprégner d’une architecture qui emprunte à la France et à l’Italie.

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Il faut se laisser porter par l’âme russe et trouver le temps d’assister à un ballet ou un spectacle de danses folkloriques. La Place Rouge et le Kremlin à Moscou nous entraînent vers une autre époque. Celle des tsars, de l’opulence, mais aussi celle des soubresauts politiques. Grandeur, puissance. La Russie palpite dans le cœur de Moscou.

Prendre l’un des métros les plus riches et les plus originaux du monde, magasiner dans les boutiques du Gum, vivre le Moscou nocturne et assister à des concerts underground, voici de quoi jeter un autre regard sur la Russie, pays mystérieux et envoûtant.

En admirant l’église de Saint Dimitri-sur-le-sang-versé à Ouglitch, on écoute cette femme qui parle de la rupture entre les générations. L’impossibilité pour les cinquantenaires de pratiquer le culte comme leurs parents, les monuments religieux ayant été fermés ou reconvertis en entrepôt et en musées pendant tant de temps avant d’être de nouveaux des lieux de cultes.

Difficile aussi pour un Russe, dit-on, de donner une seule réponse à une question politique. Chaque époque, chaque présidence vient avec son lot de possibles et de «difficultés».

Les villes russes font réfléchir. Complexes, belles, empreintes de culture et de talents, elles séduisent sans aucun doute. Modernes ou modestes, elles témoignent d’un héritage de fins stratèges, de guerres et de répressions sanglantes, d’artistes qui ont fait la renommée du pays à travers le monde.

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En regardant le jour s’éteindre sur la Volga, les échos de la chanson Malinka retentissent aux oreilles et on s’interroge encore sur l’origine des poupées russes, les Matriochkas. Coup de génie d’un pauvre paysan participant à un concours de l’État pour créer l’objet qui représentera la Russie dans le monde entier ou âme damnée des enfants que la mère a dû assassiner à la naissance pour épargner le foyer de la famine? Les eaux sombres restent muettes, indéchiffrables. À vous de les sonder.

Renseignements

CroisiEurope organise des croisières sur des bateaux russes sur la Volga au départ de St-Petersbourg ou de Moscou du mois de mai au mois de septembre. Le confort y est standard et le nombre de passagers modeste permet de jouir d’une grande tranquillité pour profiter du périple. Les guides locaux partagent un savoir complet et beaucoup d’humour dans un français parfait.
www.croisieurope.com

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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