Nouveau code de conduite pour les femmes en Afghanistan

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Publié 06/03/2012 par Heidi Voigt (The Associated Press)

à 16h07 HNE, le 6 mars 2012.

KABOUL – Le président afghan a endossé, mardi, un «code de conduite» élaboré par un influent conseil de théologiens qui, selon les militants des droits de la personne, représente un immense recul pour les droits des femmes en Afghanistan.

L’appui du président Hamid Karzaï au document du Conseil des oulémas, qui permet notamment aux maris de battre leur femme en certaines circonstances et qui encourage la ségrégation des sexes, s’inscrirait dans une stratégie visant à rallier le soutien des insurgés, notamment les talibans.

Les États-Unis et le président afghan espèrent convaincre les talibans de participer à des négociations pour mettre fin à la guerre en Afghanistan. Mais les militants des droits de la personne craignent que les progrès réalisés par les femmes afghanes depuis 2001 soient perdus dans le processus.

Quand les talibans dirigeaient l’Afghanistan avant l’invasion américaine de 2001, les filles n’avaient pas le droit d’aller à l’école et les femmes étaient obligées de porter une burqa les couvrant de la tête aux pieds. Les femmes n’avaient pas le droit de sortir de chez elles sans être escortées par un homme de la famille.

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Le code de conduite publié vendredi dernier par le Conseil des oulémas est présenté comme des lignes directrices auxquelles les femmes pratiquantes doivent obéir volontairement. Mais les défenseurs des droits des femmes craignent qu’il ne renverse la tendance à l’élargissement des droits des femmes observée en Afghanistan depuis 2001.

Selon le code de conduite, les femmes ne doivent pas voyager sans escorte masculine et ne doivent pas se mélanger aux hommes dans les lieux publics comme les écoles, les marchés et les bureaux. Battre sa femme est interdit s’il n’y a pas de raisons conformes à la charia, la loi islamique.

Questionné au sujet de ce code de conduite lors d’une conférence de presse à Kaboul, le président Hamid Karzaï a affirmé qu’il était conforme au droit islamique et qu’il avait été rédigé après des consultations avec des groupes de femmes afghanes. Il n’a pas donné le nom de ces groupes.

«Le conseil des théologiens d’Afghanistan n’a imposé aucune limite aux femmes», a dit M. Karzaï, en ajoutant: «C’est la loi de tous les musulmans et de tous les Afghans».

L’appui public donné par M. Karzaï au code de conduite des théologiens pourrait avoir pour objectif de rendre son gouvernement plus acceptable aux yeux des talibans. Mais le président tente peut-être aussi de rester dans les bonnes grâces du Conseil des oulémas, qui pourrait être un intermédiaire de choix dans les négociations avec les insurgés.

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D’une façon ou d’une autre, les organisations de défense des droits de la personne estiment que l’appui de M. Karzaï au code de conduite pourrait signifier que les lois existantes ou envisagées pour protéger les droits des femmes pourraient être sacrifiées au nom des négociations de paix.

«Cela envoie le message vraiment effrayant que les femmes peuvent s’attendre à être vendues dans le processus», a dit Heather Barr, chercheuse sur l’Afghanistan chez Human Rights Watch.

Shukria Barikzaï, une parlementaire de Kaboul active dans les dossiers liés aux femmes, a dit craindre que le président Karzaï et le Conseil des oulémas ignorent les lois afghanes existantes. «En ce qui concerne les droits civils en Afghanistan, Karzaï devrait respecter la Constitution», a dit Mme Barikzaï.

La Constitution afghane affirme que les hommes et les femmes ont des droits égaux.

La militante afghane Fatana Ishaq Gailani, fondatrice du Conseil des femmes afghanes, a l’impression que les droits des femmes sont marchandés dans un jeu politique.

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«Nous voulons un islam correct, pas un islam politique», a affirmé Mme Gailani. Elle a dit soutenir les négociations avec les talibans, mais pense que les femmes afghanes ne doivent pas être sacrifiées à cette fin.

Pour Hadi Marifat, de l’Organisation afghane pour les droits de la personne et la démocratie, qui a interrogé 5000 femmes afghanes pour un rapport sur la condition féminine en Afghanistan, les déclarations d’Hamid Karzaï montrent qu’il penche davantage vers les interprétations les plus strictes de la loi islamique.

«Dans l’Afghanistan post-talibans, le principe qui a guidé le président Karzaï quant aux droits des femmes a été d’attirer le financement de la communauté internationale d’une main, et de garder le soutien du Conseil des oulémas et des autres traditionnalistes de l’autre», a affirmé Mme Marifat.

«Ce qui est inquiétant, c’est que cet équilibre penche maintenant plus du côté des éléments conservateurs, et c’était évident dans sa déclaration.»

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