Non, le chocolat ne disparaîtra pas en 2050

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Publié 20/02/2018 par Ève Beaudin

Si rien n’est fait pour adapter les cultures de cacao aux changements climatiques, le chocolat pourrait disparaître de nos tablettes d’ici 2050. C’est du moins ce qu’on a pu lire dans plusieurs articles ces dernières années. Cette perspective d’un monde sans chocolat est-elle crédible?

Plusieurs modèles climatiques prévoient une augmentation d’environ deux degrés Celsius dans les tropiques d’ici 2050 et davantage de sécheresses… Mais les modèles exagèrent souvent la sensibilité du climat au CO2 et ont longtemps surestimé le réchauffement en général.

De plus, les publications qui ont semé la panique ne manquent pas de nuances dans leurs prédictions.

Plante capricieuse

Certes, le cacaoyer ne pousse que dans une région bien précise du globe: en gros, une bande couvrant 20 degrés de latitude, autant au nord qu’au sud de l’équateur.

«C’est une plante capricieuse qui a besoin d’une température moyenne de 25 degrés Celsius à l’année, d’une humidité constante et qui déteste les écarts de températures», explique Mario Cappadocia, professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal.

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Mais de là à affirmer que le chocolat disparaîtra d’ici quelques décennies, «c’est alarmiste», poursuit-il. Puisque les changements climatiques se produisent sur des décennies, l’adaptation est encore possible, précise-t-on dans les publications en question.

Par contre, la faible productivité du cacaoyer combinée à l’explosion de la demande en chocolat, feront en sorte que, d’ici quelques décennies, cette denrée sera plus rare… et plus chère.

La génétique à la rescousse

«De nombreux instituts de recherche et universités ont mis en place des programmes pour adapter les cacaoyers et les méthodes de culture aux changements climatiques», fait valoir M. Cappadocia qui est aussi chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale.

L’une des avenues envisagées est le développement d’une espèce résistante à la sécheresse.

À l’Université de Berkeley en Californie, les chercheurs, qui travaillent en collaboration avec la compagnie Mars, font actuellement des essais avec CRISPR, le «couteau suisse de la génétique» qui permet de modifier l’ADN d’une cellule de manière très précise. Toutefois, «ça pourrait être long», estime M. Cappadocia parce que «le cacaoyer a une croissance très lente: faire des essais avec les graines issues du fruit demande du temps».

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Plantation traditionnelle…

À plus court terme, des solutions comme l’agroforesterie semblent prometteuses. «Les cacaoyers supportent mal le soleil direct. On les plante donc au pied d’autres arbres, comme les cocotiers, les bananiers et les palmiers, des plantes sœurs qui les protègent du Soleil», explique M. Cappadocia.

Des recherches menées par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique (CIRAD) et le Centre international d’agriculture tropicale ont démontré que cette méthode de plantation traditionnelle a pour avantage de protéger les plants de cacao des maladies et de les rendre deux fois plus productifs.

Son adoption à plus grande échelle permettrait aussi d’éviter la déforestation endémique dans les pays producteurs de cacao, comme la Côte d’Ivoire et le Ghana qui produisent à eux seuls plus de 60% du cacao dans le monde.

… VS monoculture

Dans un rapport publié par l’ONG américaine Mighty Earth en septembre 2017, on peut lire que dans ces deux pays, les forêts et aires protégées ont vu 90% de leur surface convertie en monocultures de cacao. Cela entraîne une perte de biodiversité.

Pour faire face à la perte des superficies dédiées à la cacaoculture d’ici 2050, il faudra aussi que l’industrie du cacao et du chocolat soutienne les producteurs, qui sont pour la plupart de petites entreprises familiales.

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Selon la Fondation mondiale du cacao, les pratiques agricoles actuelles sont obsolètes et la productivité est bien au-dessous de ce qu’elle pourrait être dans la plupart des exploitations de cacao. L’approche «plus de cacao sur moins de terre» devra être privilégiée, estime-t-on.

Salaires minimes

Il faudra aussi mieux rémunérer les petits producteurs de cacao — qui touchent à peine 6% de la valeur d’une barre chocolatée et un salaire annuel si bas qu’ils seraient de plus en plus nombreux à se tourner vers des cultures plus payantes, comme celle du caoutchouc.

Dans le contexte où la demande mondiale explose depuis que des pays comme la Chine et l’Inde ont découvert le chocolat, cette productivité larvée par les mauvais salaires et des techniques de production sous optimales risque d’avoir des impacts bien avant que ne se fassent sentir les hypothétiques changements climatiques.

«Je ne crois pas que le chocolat disparaîtra, mais le cacao de qualité devrait être plus rare et donc plus cher. C’est le principe de l’offre et de la demande», résume M. Cappadocia.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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