Méditer à l’école: bon pour tous?

«Présence attentive» décrirait mieux ce qui est fait en classe

«Présence attentive» décrirait mieux ce qui est fait en classe
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Publié 24/11/2017 par Ève Beaudin

La méditation pleine conscience est de plus en plus souvent enseignée à l’école. Quels sont les impacts positifs de cette pratique? Peut-elle aider les enfants?

Il n’y a pas de cours de méditation intégré à nos programmes d’enseignement primaires et secondaires. Toutefois, de nombreux professeurs au pays ont introduit des pratiques de méditation en classe.

Surtout à Vancouver et aux États-Unis

Plusieurs s’inspirent du programme MindUp, développé par l’actrice américaine Goldie Hawn en collaboration avec des neuroscientifiques et des psychologues. Ce programme anglophone serait utilisé par plus de 1000 enseignants dans la région de Vancouver, ainsi que dans de nombreuses écoles aux États-Unis, en Angleterre et d’autres pays.

Au Québec, le manuel pédagogique Mission Méditation, développé par la psychologue Catherine Malboeuf-Hurtubise et le chercheur Éric Lacourse, est populaire auprès des enseignants.

Pleine conscience

Ces deux programmes de méditation en classe sont issus du courant de méditation dite «de pleine conscience» (mindfulness), axée sur «l’instant présent».

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Popularisée à la fin des années 1970 par Jon Kabat-Zinn, chercheur à l’École de médecine de l’Université du Massachusetts, celle-ci est décrite comme une version sécularisée de la méditation bouddhiste traditionnelle.

«Les enfants ne sont pas assis en lotus, il n’y a pas d’encens, pas de chants», explique Catherine Malboeuf-Hurtubise, qui est aussi chercheuse au Groupe de recherche et d’Intervention sur la présence attentive (GRIPA) de l’UQAM.

Présence attentive

Comme d’autres spécialistes dans son domaine de recherche, Catherine Malboeuf-Hurtubise préfère utiliser le terme «présence attentive» qui décrit mieux ce qui est fait en classe avec les enfants.

«La présence attentive est un état dans lequel on porte attention à son expérience du moment, intentionnellement et sans y porter de jugement de valeur. Donc, il n’y a pas seulement des séances de méditation, mais aussi des ateliers pour aider les enfants à développer cette présence attentive à tout moment, même en marchant, en parlant ou en mangeant.»

Les cinq sens en éveil

Comme exercice, on distribue par exemple des canneberges fraîches et on demande aux enfants de toucher, de sentir, de regarder et de goûter à ce petit fruit acidulé, qu’ils sont peu nombreux à connaître.

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«Cet exercice leur permet de prendre contact avec leurs cinq sens, d’établir un lien entre leur corps, leur esprit et leurs émotions», explique la chercheuse.

«On fait aussi des pauses éclair, pendant lesquelles les enfants portent attention à l’instant présent et doivent se demander: comment je me sens, quelles sont mes émotions et mes sensations en ce moment. On leur demande aussi de porter attention à leur respiration pendant deux ou trois minutes, les yeux fermés.»

«À force de faire ce type d’exercices, les jeunes s’habituent à prendre des micropauses dans les moments de stress, d’émotivité, d’impulsivité ou de malaise», explique Mme Malboeuf-Hurtubise. «Ils en ressortent plus calmes et plusieurs utilisent ces techniques à la maison.»

Déficit d’attention et dépression

Au Canada, de 14 à 25% des enfants de 4 à 17 ans présentent un trouble de santé mentale tel que l’anxiété, la dépression ou le déficit d’attention, entraînant de la détresse et des problèmes importants sur les plans familial, scolaire et social.

«Ces difficultés compromettent souvent la réussite scolaire. Ils amplifient aussi les problèmes de relations sociales à l’école et on les associe à l’intimidation dans les milieux scolaires», explique Catherine Malboeuf-Hurtubise, dont les recherches en milieu scolaire visent à savoir si l’enseignement de la «présence attentive» peut les aider à surmonter ces difficultés.

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La recherche est toutefois embryonnaire. À l’heure actuelle, des méta-analyses ont démontré que la présence attentive et la méditation sont des méthodes prometteuses pour réduire le stress et l’anxiété chez les jeunes, augmenter leur bien-être et les aider à avoir une meilleure gestion de leurs émotions.

«Mais pour ce qui est de la dépression, de la santé mentale, on ne sait pas encore», explique la chercheuse.

Aider les uns, nuire à d’autres?

Il faudra aussi vérifier si le nombre de séances hebdomadaires a une incidence sur les bienfaits que les jeunes en retirent, poursuit-elle. «Des recherches, comme celles menées par Nancy Heath à l’Université McGill, indiquent qu’une seule pratique hebdomadaire de la méditation pourrait être suffisante à l’école.»

Surtout, il faudra déterminer si la présence attentive peut aider tous les jeunes ou si elle peut nuire à d’autres, insiste la scientifique.

«La présence attentive n’est pas une méthode universelle. Chez certains jeunes et dans certains contextes, la méditation pourrait même augmenter l’anxiété ou la détresse psychologique. C’est pour ces raisons qu’il faut poursuivre les recherches avant de recommander l’implantation d’un cours de présence attentive dans les écoles.»

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La scientifique continue donc ses recherches dans des classes ordinaires ainsi qu’avec des élèves qui ont des difficultés d’apprentissage. Elle suivra aussi les enfants de l’école l’Étincelle de Saint-Lambert, de la maternelle à la fin du primaire, pendant 7 ans, comparant des élèves qui font de la méditation avec d’autres qui n’en font pas.

À l’écoute de ceux qui y répondent mal

Même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour en valider scientifiquement les bienfaits, les professeurs qui pratiquent déjà la présence attentive en classe peuvent continuer à le faire.

À condition d’être à l’écoute de ceux qui y répondent moins bien ou qui n’aiment pas ces exercices, insiste Mme Leboeuf-Hurtubise. «Je pense que la plupart des professeurs ont cette sensibilité. Ils savent que c’est une un outil supplémentaire à utiliser en classe, pas une baguette magique.»

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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