L’intégrisme: un choix personnel, mais…

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Publié 03/02/2015 par François Bergeron

Depuis les récents attentats islamistes de Paris et, quelques semaines auparavant, ceux d’Ottawa et de Saint-Jean-sur-Richelieu, nos gouvernements sont en mode lutte au fanatisme et prévention du terrorisme.

Au Québec, au moins un des candidats à la direction du Parti québécois (Bernard Drainville) souhaite remettre à l’ordre du jour sa fameuse «charte de la laïcité» à la fois populaire et controversée, ce que le nouveau gouvernement libéral n’a pas exclu.

C’est quoi le rapport entre la laïcité et le terrorisme? Plutôt indirect: une corrélation est observée entre terrorisme et religion; on pense limiter l’un en décourageant l’autre…

Le premier ministre Philippe Couillard ne voulait pas prioriser une telle initiative, après avoir promis de s’occuper des «vraies affaires»: les finances publiques, l’économie, la santé, l’éducation… pas les questions identitaires et la souveraineté. Surtout que la charte péquiste heurtait de front certaines clientèles du Parti libéral.

Mais l’actualité le force à prendre position, ce que son gouvernement ferait en juin en déposant des mesures garantissant la «neutralité religieuse» de l’État.

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Du même souffle, M. Couillard a cependant rappelé que l’intégrisme est un choix personnel. «L’intégrisme, c’est une pratique religieuse poussée à l’extrême qui, tant qu’elle n’enfreint pas les droits des autres — exemple, les femmes — bien sûr fait partie des choix personnels de chacun.»

Le premier ministre du Québec n’a pas fait cette déclaration à une tribune prestigieuse après l’avoir mûrement réfléchie. Il répondait aux questions de journalistes dans un corridor de l’Assemblée nationale avant un caucus de ses députés.

Son commentaire a provoqué des remous. Le chroniqueur Mathieu Bock-Côté (l’un des intellectuels québécois les plus prolifiques et les plus stimulants) a vertement critiqué cette vision en vertu de laquelle «l’intégrisme est un mode de vie comme les autres et il ne cause pas vraiment problème. L’individu fait ce qu’il veut, et s’il veut devenir un intégriste, grand bien lui fasse»…

Ce qui fait tiquer MBC, c’est que pour Philippe Couillard, «il y a l’individu, blindé dans ses droits, et rien d’autre. Dès qu’on évoque le Nous, il clame sa foi au Je et suggère que l’identité collective serait inévitablement écrasante.»

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«Cela ne tient plus», dénonce MBC, «si cette philosophie pousse à un aveuglement qui peut mettre une société en danger.»

Cette même dernière semaine de janvier, une enquête du Journal de Montréal a trouvé à la Mosquée de Montréal, qui administre aussi une école primaire, de la propagande faisant l’apologie de la Charia, du terrorisme palestinien et des attentats suicides.

Le quotidien La Presse, lui, rapportait qu’un imam prêchant que l’Islam et la démocratie sont incompatibles («parce qu’un homosexuel ou un athée peut devenir député») veut ouvrir un centre communautaire islamique pour les jeunes dans l’est de Montréal. «Hamza Chaoui prône une vision rigoriste de l’Islam selon laquelle les femmes doivent avoir un tuteur, les hommes doivent porter la barbe et la musique doit être interdite.»

La société québécoise est-elle «en danger» ici, comme le craindrait probablement MBC?

«Devons-nous lutter pour que de telles institutions d’endoctrinement ne puissent élire domicile au Québec?», se demande une autre bonne blogueuse, Joanne Marcotte, en répondant: «Absolument. J’ose espérer que c’est l’objectif derrière le Plan de lutte à la radicalisation du gouvernement.»

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Car le même Philippe Couillard, que l’intégrisme ne semble pas émouvoir, a aussi indiqué à une autre occasion: «À ceux qui viennent chez nous pour profiter de nos libertés et de notre démocratie pour ensuite s’y attaquer et ultimement les détruire, nous disons haut et fort: vous n’êtes pas les bienvenus chez nous, nous vous combattrons, nous vous poursuivrons sans relâche.»

Ça prend un permis de la ville pour ouvrir un centre communautaire, une église, un commerce, même pour bâtir une maison. L’imam intégriste ne l’obtiendra pas.

* * *

Comme on le voit, un vigoureux et nécessaire débat est bien engagé au Québec. En Ontario, mère-patrie du multiculturalisme de carpette et de la rectitude politique qui aseptise tout, on est plus poli.

D’aucuns s’inquiètent des projets fédéraux de surveillance accrue de l’Internet et des activités subversives, ainsi que de l’expansion du rôle de nos militaires dans la guerre en Irak et en Syrie. Mais au Parlement, l’opposition est bien consciente que Stephen Harper marque des points chaque fois qu’il en parle. Ça va passer facilement.

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Je ne sais pas de quels nouveaux pouvoirs ou ressources ont besoin nos services de renseignement pour analyser les communications des Canadiens ou des étrangers qu’ils soupçonnent de fomenter une attaque terroriste. Plusieurs arrestations et procès démontrent que ça se fait depuis longtemps. J’espère que toutes les mosquées, associations et «centres communautaires» musulmans sont infiltrés.

J’espère que d’autres sectes bizarres ou groupuscules politiques agités sont surveillés, mais jusqu’à maintenant ce ne sont pas les Témoins de Jéhovah ou les militants de Greenpeace qui prennent les armes. Tout au plus, quelques anarchistes cassent des vitrines lors des réunions du G20, et des étudiants en sociologie tapent sur des casseroles à la moindre mention du mot «austérité». On peut donc se concentrer sur les islamistes radicaux. C’est du «profilage»! Eh oui, revenez-en.

Je suis toutefois d’accord avec le premier ministre du Québec: tant qu’on ne menace pas d’attaquer physiquement des ennemis réels ou imaginaires, ou de brimer les libertés d’autrui, on a le droit d’être «intégriste», d’entretenir des opinions très minoritaires et même de vouloir vivre en marge de la société… en continuant d’en respecter les lois, les feux rouges, les taxes, etc.

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Le plus dérangeant, dans ce débat sur la «laïcité» de la société ou sur la «neutralité religieuse» de l’État, télescopé plus ou moins judicieusement dans la problématique du terrorisme, est d’avoir à le tenir en 2015.

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Les immigrants musulmans ont débarqué chez nous, avec leurs minorités d’intégristes rétrogrades, puis leurs convertis encore plus dangereux, juste comme on venait de s’affranchir de nos églises chrétiennes, de leur influence politique et culturelle étouffante, de leurs superstitions ridicules et de leurs courbettes débilitantes.

De nouvelles pratiques spirituelles plus ou moins sérieuses se sont répandues, mais à l’échelle de nos sociétés occidentales, la «religion» a été reléguée au niveau de l’action communautaire ou de la méditation. Les Canadiens qui se disent «sans religion», agnostiques ou athées sont de plus en plus nombreux, peut-être déjà majoritaires.

Personnellement, je serai toujours étonné que la religion ait survécu au «Siècle des Lumières», puis à la Révolution industrielle, et je ne comprendrai jamais comment elle est restée si forte aux États-Unis, phare de la modernité depuis 200 ans, après la «contre-culture» des années 1960 (probablement la liberté d’expression, la prospérité et une masse critique).

Face à l’islamisme militant qui s’installe chez nous (un échec de nos politiques d’immigration: on devrait tout revoir ça), on a envie de rager comme Michael Corleone dans le troisième Parrain: «Au moment où je croyais que j’en étais sorti… ils me ramènent dedans!»

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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