L’humour sans peur et sans reproche

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Publié 11/01/2015 par François Bergeron

Le plus facile est fait: on a marché dans les rues avec des drapeaux français, brandi des crayons et des unes de Charlie Hebdo, chanté du Brassens et proclamé «Je suis Charlie» sur Facebook.

Reste maintenant le plus difficile…

1) Réconcilier les immigrants et les enfants des immigrants avec nos valeurs libérales… et avec notre humour.

Ce n’est pas seulement une affaire d’exclusion sociale ou de religion. Les Chafia n’étaient pas pauvres, et plusieurs crimes d’honneur ou passionnels, comme ceux de Calgary en début d’année, ne sont pas commis au nom d’une religion. Ici, il s’agit de crimes organisés, d’actes de guerre.

Au moins une des victimes de Paris (le policier abattu en face de Charlie Hebdo) était un musulman, comme d’ailleurs au moins un des otages de l’épicerie cachère. Mais l’intégration semble plus compliquée en Europe qu’en Amérique du Nord, continent de l’immigration la plus diverse où l’on voue presqu’un culte à la mobilité sociale.

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Autre avantage pour le Nouveau Monde, la plupart des gens qui choisissent de s’installer chez nous fuient, justement, les mauvaises habitudes de leurs vieux continents (y compris, parfois, celles du continent européen).

2) Promouvoir la paix entre les musulmans chez eux, et, accessoirement, entre Israël et ses voisins.

À travers le monde, du Pakistan au Yémen en passant par l’Irak et la Syrie, la très grande majorité des victimes de l’islamisme fanatique sont d’autres musulmans.

La très grande majorité des victimes du conflit israélo-palestinien sont également des musulmans (les Palestiniens), mais à une échelle beaucoup plus petite. Le terrorisme islamiste chez nous est sensationnel mais rarissime. Le bilan des attentats des 7, 8 et 9 janvier en France, 20 morts (en comptant les trois criminels/combattants ennemis), c’est celui d’une journée normale en Irak ou en Syrie depuis plusieurs années.

Ce sont ces conflits, répercutés par les médias, surtout l’Internet, qui inspirent et motivent les Kouachi, Coulibaly et autres «Ahmad» Rouleau et Zehaf-Bibeau, parce que les Occidentaux y participent depuis des décennies, d’abord comme colonisateurs, parfois pour aider, mais plus souvent pour soutenir des alliés locaux détestables ou, comme en Irak, renverser ceux dont on a perdu le contrôle.

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La France serait le pays qui fournit le plus de djihadistes étrangers à l’État islamique. Je l’ai déjà souligné dans ces pages: l’immigration des idées est désormais plus déterminante que celle des personnes, et la mondialisation des débats (comme celle du commerce) est inexorable, bénéfique; il faut apprendre à mieux l’utiliser et en profiter.

La communauté internationale doit donc redoubler d’efforts pour ramener la paix en Irak et en Syrie (en écrasant l’État islamique?), au Pakistan et en Afghanistan (en écrasant les Talibans?), au Yémen et en Libye (en écrasant al-Qaïda?), au Nigéria (en écrasant Boko Haram?). Ça fait beaucoup de monde à écraser… Surtout qu’on doit aussi éteindre des feux en Ukraine, en Corée du Nord, au Mexique…

3) Réaffirmer notre attachement à la liberté d’expression tout en décrispant les débats politiques et sociaux.

Il y a une bonne dose d’hypocrisie, surtout en France, dans le réflexe de défense de la liberté d’expression suscité par l’attaque contre Charlie Hebdo. (Exception notable: les caricaturistes du monde entier ont fait front et offert des ripostes admirables, souvent géniales.)

La France se targue d’être «le pays des droits de l’Homme», mais la liberté d’expression (comme d’autres libertés individuelles) est mieux protégée par la constitution américaine. J’aurais aimé ajouter «et la constitution canadienne», mais celle-ci est minée par nos commissions des droits de la personne, des agences de censure du débat public dont le bilan est lamentable et les interventions presque toujours ridicules.

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En France aussi, où Charlie Hebdo est né après l’interdiction d’Hara-Kiri, et où l’audiovisuel a longtemps été contrôlé de près par l’État, l’arsenal de lois soi-disant «antiracistes» est impressionnant.

Le gouvernement actuel a censuré un spectacle de l’humoriste Dieudonné considéré comme antisioniste/antisémite, alors qu’on ne se montrerait pas aussi sévère contre l’islamophobie. Il ne s’agit pas ici de glorifier tous les propos ou les dessins offensants pour les juifs ou les musulmans ou d’autres groupes, mais de faire remarquer que c’est précisément la censure qui les glorifie.

Tout le débat est donc là: ou on censure et on s’autocensure encore plus, ou on s’affranchit de nos commissions des droits de la personne et du «politically correct»; on dit, on écrit et on dessine ce qu’on veut, au risque de ne pas plaire à tous. Évidemment, je plaide pour cette seconde proposition.

Nos lois actuelles contre la diffamation des individus et contre l’incitation à la violence sont suffisantes pour baliser les médias et les débats publics. Multiplier ou renforcer ces lois serait une insulte à la mémoire des journalistes tombés sous les balles des fanatiques.

* * *

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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