Les végétariens plus à risque de dépression?

Les vététariens sont plus souvent dépressifs ou les dépressifs sont plus souvent végétariens? (Photo: Dragonimages)
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Publié 12/11/2017 par Isabelle Burgun

Selon une croyance populaire, la diète végétarienne causerait des carences alimentaires, au point où ceux qui l’adoptent risqueraient de développer certaines maladies, voire des troubles mentaux, comme la dépression. Plusieurs études se sont penchées sur ce lien.

L’une d’entre elles, publiée en juillet dans la revue Journal of Affective Disorders, a fait parler d’elle par des médias allant du Huffington Post jusqu’au Nouvel Observateur en passant par plusieurs sites sur la santé. Des chercheurs de l’Université de Bristol y concluent à un risque presque deux fois plus important de dépression chez les végétariens.

10 000 hommes

Notons d’abord que dans cette étude portant sur 10 000 hommes, seuls 350 étaient végétariens (3,6%). L’étude portait exclusivement sur des hommes, parce que les chercheurs voulaient un groupe homogène et que les symptômes de dépression diffèrent chez les hommes et les femmes (DSM IV).

Ces hommes étaient les compagnons des futures mères qui étaient, elles, les principaux sujets de l’Avon Longitudinal Study of Parents and Children, suivies à différentes étapes de leur grossesse.

Les hommes étaient invités à répondre au questionnaire Edinburgh Postnatal Depression Scale entre la 18e et la 20e semaine de la grossesse de leur conjointe.

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Sur les 350 hommes qui rapportaient être végétariens (311 végétariens et 39 végétaliens), les auteurs ont noté que 12,3% étaient à «risque modéré» de souffrir de dépression (43 hommes sur 350), contre 7,4% des non-végétariens (690 hommes sur 9318). Pour un risque plus sévère, on comptait 6,8% des végétariens contre 3,9% des autres.

Carences alimentaires?

Comment les auteurs de l’étude, à l’instar d’autres chercheurs avant eux, expliquent-ils que le fait d’être végétarien puisse augmenter le risque de dépression?

Leur hypothèse est qu’il s’agit de carences alimentaires, particulièrement le manque de vitamine B12. La B12 (cobalamine), est essentielle au bon fonctionnement du cerveau et du système nerveux. On la trouve dans la viande, les poissons, les œufs, les produits laitiers et les produits enrichis, tels que les boissons de soya, certaines levures et simili-viandes.

Une hypothèse qui ne satisfait pas la nutritionniste et coordonnatrice d’Extenso, le Centre de référence en nutrition de l’Université de Montréal, Marie-Josée Leblanc. «Le manque de vitamine B12 peut être impliqué dans des problèmes neurologiques, mais à moins d’être végétalien, et de ne consommer ni lait ni fromage, il y a peu de risques.»

Au contraire des végétariens qui consomment des produits laitiers, des œufs et même parfois du poisson, les végétaliens (ou «vegan») ne consomment en effet aucune protéine animale — ni viande, ni poisson, ni œufs, ni lait.

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Des recherches explorent ce lien entre la carence en vitamine B12 et la dépression, mais les résultats sont mitigés. Beaucoup d’aliments destinés aux végétaliens — boissons végétales (soja, pâtés végétariens, etc.) sont enrichis en vitamine B12 pour contrer cette carence à laquelle la dépression pourrait être associée.

À l’envers?

Se pourrait-il qu’il faille voir le problème à l’envers: si c’étaient les gens dépressifs qui étaient plus nombreux à adopter une alimentation végétarienne?

Certaines personnes qui sont végétariennes pour des raisons de santé ont parfois un historique d’exploration de diètes restrictives et de troubles alimentaires.

Ces personnes sont déjà à risque de développer des troubles mentaux, déclare Valérie Tourjman, chercheuse de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. «Les personnes plus anxieuses pour leur santé pourraient être plus prédisposées à changer leur diète, mais aussi être plus à risque de dépression», dit-elle en citant une étude allemande menée en 2012.

Meilleures habitudes

Elle cite par ailleurs une étude américaine de 2010 qui concluait que les gens ayant adopté un régime végétarien étaient plus nombreux à être de «meilleure humeur».

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«La population végétarienne semble mieux protégée de façon générale. Il s’agit souvent de personnes qui ont de meilleures habitudes de vie — plus actives, non-fumeuses, plus conscientes de leur corps et de leurs besoins», relève pour sa part la nutritionniste Marie-Josée Leblanc.

Valérie Tourjman souligne qu’il faut se méfier d’études de corrélation — c’est-à-dire qui donnent l’impression qu’il existe un lien, alors que celui-ci pourrait avoir d’autres causes.

Plus heureux

Par exemple, la chercheuse soupçonne que le changement de diète pourrait entraîner des modifications de l’humeur. «Il existe de petites études qui mériteraient d’être répliquées avant de se prononcer, mais qui donnent des pistes intéressantes sur les liens entre l’alimentation et les troubles de l’humeur», note la chercheuse.

Il existe même une étude longitudinale sur 15 000 participants, qui va jusqu’à émettre comme hypothèse que non seulement le régime méditerranéen — légumes, fruits, noix, céréales, poissons, etc. — et la diète végétarienne n‘augmentent pas le risque de dépression, mais qu’ils pourraient être effectifs pour réduire le risque de dépression.

D’autres études risquent d’être nécessaires. «Ce qui est clair, c’est qu’être végétarien implique une bonne maîtrise des principes alimentaires et de gestion des apports de macro et micronutriments», soulève la Dre Tourjman.

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La nutritionniste Marie-Josée Leblanc ajoute: «La dépression peut avoir un effet sur notre consommation de nourriture — perte d’appétit, consommation incontrôlée. On mange nos émotions de différentes manières. Je n’ai pas lu qu’être végétarien avait cette influence: au contraire, il faut être plus créatif pour manger ainsi, ce qui me semble incompatible avec ce genre de condition de santé.»

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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