Les jeunes et le cannabis: le vrai du faux

Le cerveau des jeunes est particulièrement vulnérable aux effets négatifs du cannabis.
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Publié 31/08/2017 par Ève Beaudin

Depuis le dépôt du projet de loi canadien sur la légalisation du cannabis à usage récréatif, de nombreux parents s’inquiètent des impacts sur la santé de leurs enfants. Des informations contradictoires sur la toxicité du cannabis contribuent aussi à des perceptions mitigées: le cannabis, «inoffensif» ou «porte d’entrée vers les drogues dures»?

Les mineurs grands consommateurs de cannabis?

Le cannabis est sans contredit la drogue illicite la plus populaire chez les jeunes Canadiens. Au pays, son taux d’usage chez les adolescents compte parmi les plus élevés au sein des pays développés, selon le Centre de recherche de l’UNICEF, soit 28% (contre 5% en Norvège, le pays où le taux est le plus bas).

Cependant, ce ne sont pas les adolescents qui en sont les plus grands consommateurs, mais plutôt les jeunes adultes.

En effet, l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues 2015 révèle que les 20 à 24 ans représentent le groupe où l’on retrouve la plus grande proportion de consommateurs ayant fumé au cours des 12 derniers mois, soit près de 30%, alors que cette proportion est de 21% chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans.

L’âge médian pour commencer à consommer du cannabis est 17 ans, tant chez les jeunes filles que chez les jeunes hommes. Cela signifie que 50% d’entre eux ont commencé à consommer du cannabis avant 17 ans et l’autre moitié après.

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Le cerveau des jeunes plus fragile?

Le cerveau des jeunes est particulièrement vulnérable aux effets négatifs du cannabis, car c’est au cours de cette période — de l’adolescence jusqu’à la mi-vingtaine — qu’il connaît un développement rapide et soutenu.

Cette période de maturation est considérée comme cruciale, puisqu’elle a le potentiel de jalonner leur éventuelle réussite ou, à l’inverse, l’apparition des difficultés qu’ils connaîtront en tant qu’adultes.

«Le cannabis agit sur notre cerveau par le biais de récepteurs chimiques situés dans des zones associées à l’apprentissage, l’acquisition d’habitudes, la motivation, la prise de décision, la recherche de récompenses, et les fonctions motrices. Puisque la structure du cerveau change rapidement pendant l’adolescence, les chercheurs croient que la consommation de cannabis durant cette période influence l’évolution de ces différents aspects de la personnalité, ainsi que le développement de troubles liés à l’usage», explique Didier Jutras-Aswad, psychiatre et directeur de l’Unité de Psychiatrie des Toxicomanies du CHUM.

«Il faut aussi souligner que les effets négatifs de la consommation de cannabis à l’adolescence varient d’une personne à l’autre, souligne le Dr Jutras-Aswad. De plus, ce ne sont pas tous les jeunes qui sont à risque de développer une dépendance. Certains jeunes sont plus susceptibles de développer ce trouble pour des raisons diverses, allant de la génétique au type de personnalité.»

Les jeunes plus à risque de développer une dépendance?

En dépit du fait que le cannabis est perçu comme inoffensif, il est possible de développer un «trouble lié à son usage pouvant aller jusqu’à la dépendance, notamment chez les jeunes qui y sont particulièrement vulnérables, estime l’Académie nationale des sciences.

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Dans un document qui fait l’examen complet des preuves scientifiques liées aux effets du cannabis sur la santé, on peut lire que chez ceux qui ont commencé à en consommer à l’adolescence, une personne sur six développera un «trouble lié à l’usage» de cannabis, soit 17%: un risque presque deux fois plus élevé que pour la population générale.

«Même si nous ne connaissons pas encore tous les effets à long terme de la consommation du cannabis, les connaissances actuelles mènent à penser que la consommation de cette drogue est lourde de conséquences sur les comportements de dépendance à l’âge adulte», avance le Dr Didier Jutras-Aswad.

Tous les jeunes à risque?

Les études scientifiques ont permis d’établir que les gènes pourraient influencer la façon dont une personne réagit suite à sa première exposition au cannabis. «Cependant, on ne sait pas encore quels sont les gènes qui font en sorte que certains sont plus vulnérables à la dépendance, explique le Dr Jutras-Aswad. Leur influence reste à préciser.»

Des facteurs psychosociaux contribuent aussi au risque de dépendance au cannabis: initiation à un très jeune âge (avant environ 15 ans), grandir dans un milieu où la consommation est banalisée, faible statut socioéconomique, comportement antisocial, propension à la prise de risque, exposition à des événements négatifs (stress, trauma).

Déclencheur de psychoses?

D’après le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, il serait bien établi que l’usage du cannabis peut être associé à des symptômes psychotiques et à l’apparition de la schizophrénie, surtout chez ceux qui ont des antécédents personnels ou familiaux de troubles psychotiques.

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Cependant, on ignore encore si c’est l’usage de drogue qui peut déclencher la psychose et la schizophrénie, ou si ce sont ces maladies qui poussent les personnes qui en sont atteintes à la consommation de cannabis.

Les liens entre l’usage de cannabis et d’autres maladies mentales, en particulier l’anxiété́ et la dépression, sont moins clairs. C’est pourquoi des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les interactions entre la consommation de cannabis et la maladie mentale chez les jeunes.

Même si on n’a pas encore établi clairement la nature du lien entre la maladie mentale et la consommation de cannabis, l’Association des psychiatres du Canada est d’avis qu’il faudra faire preuve de prudence en ce qui concerne l’accès au cannabis pour les jeunes de moins de 25 ans, une fois qu’il sera légalisé.

Passage vers des drogues plus dures?

Certaines études suggèrent que la consommation de cannabis pourrait précéder la consommation d’autres substances illicites, ainsi que le développement d’autres dépendances, comme l’alcool et la cigarette.

Cependant, une revue de la littérature scientifique à ce sujet, effectuée par le Centre canadien de luttes contre les toxicomanies, souligne que de très nombreux facteurs influencent la trajectoire de consommation d’un jeune adulte.

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C’est pourquoi on ne peut voir la consommation du cannabis comme une porte d’entrée qui mène systématiquement à la consommation de drogues «plus dures», conclut par le rapport.

De plus, des études ont démontré que la majorité des jeunes qui consomment de la marijuana ne consommeront pas d’autres drogues illicites, par la suite.

La légalisation fera exploser la consommation?

Plusieurs craignent que la légalisation du cannabis fasse grimper sa consommation chez les jeunes, mais les expériences américaines, où les États de Washington et du Colorado ont légalisé cette substance à des fins récréatives en 2012, sont plutôt rassurantes.

En comparant les données disponibles, la Direction de la santé publique de Montréal (DSPM) est arrivée au constat suivant: même si la consommation a légèrement augmenté chez les 18 à 25 ans suite à la légalisation, elle est demeurée stable chez les adolescents.

«Cela confirme ce que nous pensions: à savoir que les jeunes fument dans les mêmes proportions, que le cannabis soit légal ou pas, explique le Dr Robert Perreault, psychiatre et médecin-conseil en médecine préventive à la DSPM. On peut donc penser que la légalisation n’entraînera pas de hausse de consommation, au Canada. Mais attention, c’est le cadre législatif qui sera mis en place qui fera toute la différence.»

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En effet, une légalisation sans encadrement, où la promotion du cannabis serait permise sans restriction auprès des jeunes, pourrait mener à une augmentation de la consommation.

«C’est pourquoi nous recommandons un cadre législatif serré, et la mise en place de nombreuses balises, pour éviter de faire augmenter la consommation chez les jeunes», explique le Dr Perreault. Pour ce faire, il faudra mettre en place plusieurs mesures, comme interdire la vente aux mineurs, le marketing du cannabis et la consommation de cette drogue en milieu scolaire, etc.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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